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METIERS DITS D’HOMMES: zoom sur ces femmes qui ont osé briser des tabous

La mécanique automobile ou celle des engins lourds était considérée autrefois comme des métiers réservés aux hommes. De nos jours cependant, même si les femmes ne se comptent pas à la pelle dans ce métier, on y trouve quelques-unes qui s’affirment en tant que professionnelles aguerries. Sont de ces femmes, Djénébou Diawara et Fleur Sama toutes deux mécaniciennes et propriétaires de garages automobiles à Ouagadougou, et Delphine Sangaré mécanicienne d’engins lourds à Essakane SA. Nous sommes allé à la rencontre de ces amazones pour qui la mécanique n’a plus de secret pour elles. Zoom sur ces braves femmes qui ont accepté de nous faire part de leurs expériences dans leurs domaines respectifs.

 « Depuis ma tendre enfance, j’étais attirée par le métier de mécanicien ». C’est ce qu’a confié Djénébou Diawara quand nous lui avons posé la question de savoir comment elle est arrivée dans le métier qu’elle exerce. C’était le 4 février 2021, dans son garage dénommé Mécanique auto fiévra (MAF) situé au quartier Kalgondin de Ouagadougou. Logé dans une enceinte d’environ 300m2, l’on peut percevoir une maison faisant office de bureau pour la mécanicienne, une aire de diagnostic des véhicules, une autre pour les travaux de la tôlerie et la peinture. A un autre endroit trône un tableau noir pour des cas d’exercices pratiques. Et l’on peut affirmer sans le moindre risque de se tromper que le garage Mécanique Auto Fiévra (MAF) constitue aussi une école d’apprentissage. Tout observateur ne pourrait s’empêcher de se convaincre qu’elle est une femme débordant de dynamisme et d’ambitions. Car la seule attirance pour le métier de mécanicien n’a pas suffi à la propriétaire de réaliser son rêve. Elle y est parvenue par le biais de la formation.

Notre garagiste a commencé sa formation au Centre d’évaluation et de Formation Professionnelle (CEFP) de Bobo-Dioulasso en 1999. « A cette période, j’étais la seule fille à suivre une formation dans le domaine de la mécanique à Bobo-Dioulasso », a précisé Djénébou Diawara. Et de poursuivre que son père travaillant à l’époque à CFAO tôlerie, elle a eu la chance d’effectuer des stages à ses côtés à CFAO Bobo-Dioulasso, à CFAO Mali, à CFAO Togo et à CFAO Bénin. « J’ai suivi également des stages de perfectionnement au garage du Golf à Ouagadougou. J’ai aussi servi au premier ministère en tant que chauffeur-mécanicienne avant d’aller exercer dans quelques sociétés minières de la place comme mécanicienne », a confié Djénébou Diawara. Et de fil en aiguille, Djénébou Diawara a ouvert son propre garage en 2008, où elle exerce actuellement avec huit employés permanents.

Avec l’avancée des technologies, les véhicules et engins lourds connaissent des évolutions. Des évolutions auxquelles les professionnels devraient faire face en se perfectionnant pour demeurer en phasage avec les connaissances du moment. Pour répondre à cet impératif, notre garagiste, après avoir obtenu le Certificat de qualification professionnelle (CQP,) le Brevet de qualification professionnelle (BQP), le Brevet d’études professionnelles (BEP) et le Baccalauréat Professionnel, s’est inscrite en cette année académique 2020-2021, au Brevet professionnel de technicien spécialisé (BPTS).

 Gagner la confiance des clients, un défi

 Des difficultés, dame Diawara en rencontre. A l’en croire, l’une d’elle et le plus grand défi, est le fait de pouvoir gagner la confiance des clients. « Certains garagistes pensent gagner beaucoup sur les achats des pièces des véhicules que sur le travail qu’ils exercent », confie-t-elle. Mais Djénébou Diawara dit ne pas être de cet avis parce qu’elle a appris à faire de la réparation d’engins et non à changer des pièces de véhicule.

Djénébou Diawara ici devant son garage situé au quartier Kalgondin de Ouagadougou

 

Une autre difficulté et pas des moindres selon toujours Djénébou Diawara, c’est l’encadrement des jeunes apprentis dans les garages. Ces derniers étant généralement des adeptes du gain facile, ne vont pas jusqu’au bout de leur formation et  réclament  d’être payés comme des professionnels. Et quand ce n’est pas le cas, ils prennent la poudre escampette. Outre cela, Mme Diawara déplore le manque d’initiative de la part de l’Etat pour une formation de haut vol dans le domaine de la mécanique. « L’Etat devrait être regardant sur ce volet parce que la sécurité des véhicules dépend pour la plupart du temps des garagistes », a-t-elle fait savoir.

Une autre difficulté relevée par notre garagiste réside dans le fait de concilier vie professionnelle et vie  de femme au foyer. En la matière, elle a souligné qu’il faut une bonne organisation de son temps. Elle se réjouit du fait qu’« à la maison, les tâches ménagères ne reposent pas seulement sur mes épaules ». « Chacun y met du sien pour un bon climat familial », a-t-elle laissé entendre.

Ousmane Ouédraogo, l’un des proches parents de Djénébou Diawara que nous avons rencontré, confirme la riche expérience de dame Diawara. A l’en croire, la garagiste fait la fierté de toute sa famille, de son entourage et de sa clientèle. Ousmane Ouédraogo ne tarit pas d’éloges à l’endroit de Djénébou Diawara et confie qu’aussi nombreuses que soient ses occupations professionnelles, cela  n’entrave en aucun moment son devoir de femme au foyer.

Après le garage de Djénébou Diawara, nous voilà  au « garage féminin Wendpanga », situé au quartier Kouritenga, dans l’arrondissement 6 de Ouagadougou. A notre arrivée, toute l’équipe était déjà à pied d’œuvre.  Qui pour poser un diagnostic, qui pour contrôler des véhicules déjà réparés. La propriétaire du garage, Fleur Sama, une femme mariée et mère de trois enfants. Elle exerce depuis plusieurs années dans le domaine de la mécanique automobile. Mais comment s’est-elle retrouvée dans ce métier autrefois essentiellement réservé aux hommes ? A cette question, Fleur Sama a confié avoir voulu briser les paradigmes liés à ce métier. Elle estime que depuis son apprentissage au garage du Golf, ses collègues hommes la sous-estimaient.

 La mécanicienne perçue comme « une rebelle ou à la limite une bandite »

 « Je voyais la mécanique automobile comme un métier dont j’étais passionnée. C’est pourquoi je suis allée me faire former en mécanique automobile. J’étais sujette à des provocations de la part de mes collègues hommes. N’eussent été la compréhension et le soutien de mes parents, j’aurais très vite cédé au découragement », a indiqué Fleur Sama ajoutant que depuis très longtemps, la société percevait la mécanicienne comme « une rebelle ou à la limite une bandite. Mais de plus en plus, les gens comprennent que les métiers dits d’hommes peuvent être exercés par des femmes pour peu qu’elles apprennent à les exercer », a-t-elle relevé.

Ainsi, après sa formation en mécanique deux roues au Centre féminin d’initiation et d’apprentissage aux métiers (CFIAM), de 1998 à 2020, il lui est venu à l’esprit de se convertir en mécanicienne de véhicules automobiles. Pour atteindre son objectif qui était de devenir une mécanicienne des véhicules automobiles, Fleur Sama a fait le choix de se former 15 années durant au garage du golf à Ouagadougou et ce n’est qu’en 2017 qu’elle a commencé à travailler pour son propre compte en ouvrant son garage.

 

 « Tout est devenu électronique, à tel point que pour poser un diagnostic, il te faut obligatoirement te munir d’appareils et d’outils de pointe », a confié Fleur Sama

 

En véritable chef d’entreprise, Fleur Sama organise son travail au quotidien avec cinq collaborateurs dont une femme. Pour le diagnostic d’un véhicule, notre femme garagiste se fait assister par le chef de garage. C’est quand le diagnostic est posé et la panne ou les pannes détectées que le travail de réparation à proprement parler est confié aux apprentis. En plus de la réparation des véhicules, la garagiste exerce dans le domaine de l’importation des véhicules du Canada vers le Burkina pour les clients qui en font la demande. Selon ses propres dires, elle se rend régulièrement au port de Lomé pour acheter des véhicules pour ses clients. A la question de savoir si le métier de garagiste nourrit celui ou celle qui la pratique,  dame Sama a répondu sans détour : « je ne vis que de ce métier, je n’exerce pas un autre travail en dehors de la mécanique. La mécanique automobile nourrit bel et bien son homme ». A son avis, le métier de garagiste automobile étant en perpétuelle mutation, il faut une formation continue pour  être au top. « Tout est devenu électronique, à tel point que pour poser un diagnostic, il te faut obligatoirement te munir d’appareils et d’outils de pointe, au risque d’endommager tout le moteur du véhicule à réparer, a affirmé Fleur Sama. C’est pourquoi  l’équipe de Fleur Sama organise régulièrement des séances de recyclage dans l’optique de maîtriser le fonctionnement des outils.

 Des pesanteurs socioculturelles qui ont toujours la peau dure sous nos cieux

 Ce qui est loin de déplaire à Ahmadou Moctar Diallo, un client de Fleur Sama que nous avons rencontré. Il a apprécié grandement le professionnalisme de sa garagiste. « Dégourdie, elle est à la hauteur de nos attentes en matière de prestation de services. Elle s’impose dans un milieu que nous savons particulièrement masculin », a laissé entendre Ahmadou Moctar Diallo. Ce dernier a dit noter une nette différence entre le travail de sa garagiste et celui de certains garagistes hommes connus pour leur manque de sérieux, leur malhonnêteté et le non-respect de leurs engagements vis-à-vis de leurs clients.

Depuis son école de formation le CFIAM, Fleure Sama est reconnue pour être une femme battante. Ce qui lui a valu d’être lauréate du concours dénommé « Femme de défis » organisé par le CFIAM et dont la remise des prix a eu lieu le 25 février 2021 à Ouagadougou.

 Autre métier dit d’homme, la mécanique d’engins lourds. Delphine Sangaré que nous avons rencontrée, fait partie du cercle restreint de femmes exerçant dans ce milieu. Du haut de ses 1,70m imposant le respect, avec une démarche rassurante et des gestes forçant l’admiration de ceux qui l’observent, cette femme à la quarantaine bien sonnée, manie avec dextérité plusieurs outils, de jour comme de nuit. Pour elle, chaque geste en mécanique doit être posé avec grande précaution pour, non seulement assurer une sécurité en milieu du travail mais aussi pour les respects des normes en matière de protection de l’environnement.

La mécanique d’engins lourds n’a plus de secret pour Delphine Sangaré

 

Sur le plancher qu’elle exerce, ce sont des va- et-vient permanents que notre mécanicienne effectue, soit pour des essais, des contrôles, des réparations ou des maintenances d’engins lourds qui servent à la prospection, à l’extraction du minerai et la transformation du minerai d’or.

En effet, c’est en 1998 que notre mécanicienne d’engins lourds à Essakane SA, a commencé son apprentissage. A l’en croire, avant d’exercer comme mécanicienne d’engins lourds, elle s’est d’abord essayée aux engins légers une année durant.  Des machines de foration au plancher où elle exerce actuellement, Delphine Sangaré a bâti une forte expérience en la matière en maniant les différents outils avec une dextérité insoupçonnée. Pour Delphine Sangaré, la mécanique d’engins lourds, autrefois dévolue aux hommes, enregistre de nos jours des hommes et des femmes qui se côtoient dans les mêmes ateliers. Toutefois, elle a reconnu que malgré cette nouvelle donne, certains hommes n’acceptent pas de recevoir des instructions d’une femme. Cette situation, souligne-t-elle, est liée aux pesanteurs socioculturelles qui ont toujours la peau dure sous nos cieux. Qu’à cela ne tienne, Delphine Sangaré crie haut et fort n’éprouver aucun complexe à travailler avec des hommes dans le domaine qu’elle a choisi par amour.

Kiswendsida Fidèle KONSIAMBO

 

 

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