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Procès Thomas Sankara : « ce n’est qu’un procès par procuration de Blaise Compaoré contre Gilbert Diendéré », Me Abdoul Latif Dabo

Ce jeudi 24 mars 2022, toujours avec la phase des plaidoiries des avocats de la défense, la parole a été donnée aux avocats de l’accusé Gilbert Diendéré, principal accusé présent, de défendre leur client. C’est Maître Abdoul Latif Dabo qui va ouvrir le bal, ensuite, Me  Christophe Saba, puis Me Olivier Yelkouni et enfin Me Dabo Abdoul Latif qui revient une seconde fois.

Dès l’entame de sa plaidoirie, Me Abdoul Latif s’est appesanti sur l’infraction de subornation de témoin qu’on reproche à son client qui n’est même pas constituée, si l’on s’en tient aux témoignages sur lesquels le parquet militaire et la partie civile bâtissent leurs arguments. Selon lui, en matière pénale, la subornation de témoin ne se présume pas, elle se prouve. Sur ce principe, il demande la relaxe pure et simple de son client.

Me Christophe Saba quant à lui, a bâti son argumentaire sur l’infraction de recel de cadavre qu’on attribue « malencontreusement » à son client qui, du reste sur la base légale, est « prescrite », selon Me Christophe Saba. Il a défini l’infraction de recel de cadavre comme le fait de dissimuler un cadavre dans le but d’entraver l’action de justice. Et pour que cette infraction soit constituée, il faut deux éléments constitutifs, l’élément légal et matériel. « Dans les témoignages des détenus de la MACO qui ont inhumé les corps, aucun n’a cité Gilbert Diendéré comme étant celui qui a donné les instructions, l’élément matériel n’y est pas. Gilbert Diendéré n’a ni assisté ni aidé. Et donc ne peut pas être poursuivi pour recel de cadavre », a-t-il déclaré.

Selon lui, sur la base de l’article 359 du Code pénal du 12 févier 1810 qui était applicable au moment des faits, le recel de cadavre était punissable d’une de prison allant de 6 mois à 2 ans et d’une amende de 50 F à 400 F. Sur la base du Code pénal actuellement notamment celui de 2018 sous l’égide duquel le procès se tient, le recel de cadavre devient un délit selon l’esprit de l’ancienne. Et le délit est prescrit à 3 ans révolus à compter du dernier acte. Par conséquent, la loi pénale étant d’une application stricte, Me Saba demande au tribunal d’en tenir compte et de relaxer son client pour infraction non constituée. « Je vous prie de bien vouloir dire que le délit de recel de cadavre est prescrit, que la complicité est également prescrite et de ce qui précède, que l’infraction n’est pas constituée, et en conséquence relaxer l’accusé Gilbert Diendéré », a-t-il plaidé.

 Toujours sur cette infraction de recel de cadavre, Me Olivier Yelkouni a laissé entendre que l’opinion a déjà jugé Diendéré, condamné et même exécuté. Elle n’attend que le Tribunal militaire entérine. « Comment peut-on se baser sur des insinuations et des déductions pour prononcer 20 ans de prison ferme pour sans preuves tangibles », s’est-il interrogé. Selon lui, aucun élément matériel tangible n’atteste la culpabilité de son client en dehors des témoignages. « Monsieur le président, ne rabaisser pas la justice au nom de la vengeance. Entre justice et clémence, il y a une antonymie », a-t-il indiqué. Il demande de relaxer son client tout simplement pour infraction non constituée.

Sur l’infraction d’attentat à la sureté de l’Etat, Me Yelkouni a fait comprendre au juge que pour qu’il y ait attentat à la sureté de l’Etat il faut qu’il y ait complot. Et en aucun cas, ni le parquet, ni la partie civile n’a pu démontrer que son client a été à l’origine d’un quelconque complot. Pour lui, si les réunions tenues le 14 et 15 octobre 1987 sont considérées comme étant des complots, c’est clair que Diendéré n’est pas jugé pour les évènements du 15 octobre 1987 mais pour ce qui s’est passé sous le régime de Blaise Compaoré. « Vous n’êtes pas là pour faire du maraboutage juridique. On ne vous demande d’imaginer en se basant sur les affirmations d’autorités, des insinuations, des inductions de la partie poursuivante, on vous demande de dire le droit », souligne Me Yelkouni.

Sur la complicité d’assassinat dont accusent le parquet et la partie civile sans apporter la moindre preuve, Me Dabo Abdoul Latif, à nouveau à la barre, s’est interrogé si par instigation Diendéré s’est rendu au domicile de Blaise Compaoré dans la matinée du 15 octobre en vue de la préparation d’un complot ? « Evidemment que la réponse est Non ! ». Pour Me Dabo, aucun faisceau d’indices n’a pu être prouvé par la partie accusatrice.  Il a, en outre indiqué qu’il s’agit des faits d’une machination contre son client. Pour lui, si le simple fait de tenir des réunions le 14 octobre pour l’élection du délégué CDR et le 15 octobre pour tenter d’apaiser les tensions fait de lui un complice, « je dirai que les réunions tenues par le président Michel Kafando de la transition avec des responsables de l’ex RSP, après l’arrestation de certains ministres suite aux évènements du 16 septembre 2015, peuvent être qualifiées de complicité d’assassinat et Michel Kafando devrait être poursuivi pour les mêmes causes », évoque Me Dabo.

Pour lui, est-ce que le simple fait que Diendéré aurait renforcé les positions des militaires fait de lui un complice ? Et que dire de sa responsabilité, de sa personnalité ? A en croire Me Dabo, en citant des arrêts rendus par le tribunal international pour ex Yougoslavie et le Rwanda et le statut de Rome, il n’y a plus de responsabilité du supérieur. Pour lui, la jurisprudence a clos le débat et il ne voudrait pas le ressusciter. D’ailleurs, quelles mesures Diendéré avait-il à sa disposition. « Ce dossier de Thomas Sankara n’est qu’un procès par procuration de Blaise Compaoré contre Gilbert Diendéré. On a fait de ce procès exceptionnel, un droit exceptionnel. Certains n’ont pas manqué de dépeindre mon client jusqu’aux tréfonds de l’enfer », a-t-il laissé entendre. Il plaide que la chambre, lors de sa délibération, fasse appelle à sa conscience, à ses convictions et dire le droit. « Condamner un citoyen d’une peine d’emprisonnement ferme de 20 ans sur la base du mensonge, la haine, j’estime que c’est injuste », souligne-t-il. Il va plus loin en estime que ce procès est un procès politique. Pour lui, tôt ou tard, « l’avenir nous dira, la vérité finira par triompher et l’histoire nous donnera raison. C’est pourquoi, je demande un acquittement pur et simple de mon client », a-t-il plaidé.

Didèdoua Franck ZINGUE

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