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Gestion des menstrues: un véritable casse-tête pour les candidates au recrutement de VDP

Leur présence à la Place de la Nation de Ouagadougou, attirait l’attention mais depuis un certain temps, ce n’est plus tant le cas tant le nombre a diminué au fil du temps. Eux, ce sont les jeunes venus de diverses localités du pays pour se faire enrôlés comme  Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Si certains ont eu la chance d’avoir été enrôlés VDP, d’autres,  las d’attendre et gagnés par le découragement, sont tout simplement retournés chez eux. Les plus courageux, après plusieurs mois d’attente, de patience, bravant entre autres les moustiques, l’harmattan, attendent toujours le salut de l’enrôlement. Parmi eux, des filles au nombre de 17 actuellement selon les témoignages, décidées elles aussi à défendre vaille que vaille la patrie. Mais comment ces dernières gèrent-elles leurs menstrues  là où elles ont élu domicile  dans un espace aussi ouvert? Nous avons échangé avec certaines d’entre elles dans leur « QG ». Pour l’essentiel, l’on retiendra que c’est très difficilement que ces candidates au recrutement de VDP traversent ces périodes où « Marie Rose » (surnom souvent donné aux menstrues) pointe son nez. Pour éviter d’exposer ces filles, nous leur avons donné des noms d’emprunts.

 Jeudi 14 décembre de l’an de grâce 2023, un nouveau jour s’est levé sur la capitale burkinabè pendant que le froid aussi bat son plein. En effet, depuis quelque temps, l’harmattan et son cocktail de vent sec, de poussière sont bien en place. La circulation, comme à son habitude, est dense.   Avec le froid qui « fouette », chacun y va de ses moyens pour se protéger. Blousons, bonnets, gants, cache-nez, bref, ils sont nombreux ces Ouagavillois qu’on ne reconnait plus souvent en circulation du fait de leur accoutrement.  Ce jour-là, il est 10h13 mn lorsque nous nous rendons à la mythique Place de la Nation. Le froid, peu à peu, s’était éclipsé pour laisser la place au soleil. A notre arrivée à ladite place devenue depuis des mois, le « domicile à ciel ouvert » de candidats au recrutement de VDP, sous des arbres, se trouvent des nattes (certaines dans un état fatigué) et des morceaux de cartons étalés les uns à côté des autres. Certains des candidats, assis sur ces nattes et morceaux de cartons, sont en pleine causerie. Pendant ce temps, d’autres sont encore dans les bras de Morphée. A côté d’eux, des baluchons posés pêle-mêle souvent à leurs chevets, ou quelque part sous un arbre. Nous nous approchons, saluons et demandons à échanger avec une des jeunes filles candidates. Mais une qui était en train de se faire délimiter les cheveux par un coiffeur de la place, se lève et s’approche.

17 candidates au recrutement de VDP, à la Place de la nation

 

 Nous déclinons notre identité et les raisons de notre présence en ces lieux. Après explication, elle nous invite à la suivre, puis se dirige vers un groupe de ses camarades toujours en plein sommeil. « Vous là, levez-vous, la dame ici présente demande à vous parler. Levez-vous », leur lance-t-elle en les tapant une à une. Certaines se réveillent difficilement malgré elles tandis que d’autres, à peine ont-elle juste ouvert leurs yeux quelques secondes, qu’elles se rendorment. Après les salutations et explications, Clarisse (nom d’emprunt), 19 ans, explique comment elle est arrivée à la Place de la nation. De taille moyenne avec les cheveux coiffés,  la résidente de Yagma situé en périphérie de Ouagadougou, dit avoir appris la nouvelle de recrutement de VDP grâce à un « militaire ».

« Nous étions 28 filles mais certaines sont rentrées chez elles », confie Clarisse

 

Par la suite, un jeune VDP qu’elle dit bien connaitre, l’a convaincue de venir à la Place de la Nation où se trouvent de nombreux autres candidats au recrutement. Mais elle était loin de s’imaginer que cela prendrait autant de temps. « Je suis ici depuis le 15 septembre. Je pensais que le recrutement allait se passer rapidement mais depuis, on attend. Nous étions 28 filles mais certaines sont reparties chez elles. Actuellement, nous sommes au nombre de 17 filles », confie Clarisse. Un départ qui s’explique du fait des conditions difficiles sur un espace à ciel ouvert, à commencer par la nourriture. « Pour manger, on se débrouille. Il y a souvent les gens du camp ( NDLR : camp Guillaume Ouédraogo situé en face ) qui nous apportent de la nourriture mais c’est quelques fois et ça  ne suffit pas pour  tout le monde.  Il y a des fois où on peut faire toute la journée sans manger », ajoute-t-elle. Et ce n’est pas tout. Car à l’en croire, en plus de la galère pour se nourrir, il y a aussi le fait que c’est la croix et la bannière pour se laver. « Pour se laver, il y a un endroit juste à côté où l’on fait les objets en bronze (NDLR : juste à côté du Conseil constitutionnel).  Il y a une pompe à côté. On paie de l’eau dans des bidons de 20l, deux bidons à 25 F CFA. Si tu veux te laver, tu paies 50 F CFA, même se soulager aussi c’est 50 F CFA. C’est pourquoi on se lave une seule fois dans la journée », affirme-t-elle.

 

« Pour mes menstrues, j’utilise souvent les morceaux de pagne », affirme Raïnata

 

« Avant, on rentrait au camp pour nous doucher mais on nous a chassés par la suite. A chaque fois que nous voulons nous laver, on paie 50 F CFA. Tu n’as même pas d’argent pour manger ; ce ne sont pas tes 100 F CFA que tu vas dépenser pour te laver », renchérit Raïnata (nom d’emprunt), cet autre candidate venue de Kapala, un village situé non loin de Titao, vidé de sa population après des attaques terroristes, selon ses propos. Mais comment te débrouilles-tu pendant tes périodes de menstrues ?

« Quand je n’ai pas l’argent pour les serviettes, je prends les morceaux de pagne »

A cette question, Raïnata qui dit être à son 8e mois sur le site, répond : « pour mes menstrues, j’utilise souvent les morceaux de pagne. Je ne connais personne ici à Ouagadougou. Mais j’ai une sœur qui travaille chez quelqu’un et c’est elle qui vient me voir souvent et me donne de l’argent, souvent 1 000 F CFA ou 2 000 F CFA. Quand ça coïncide avec mes règles, je paie les serviettes hygiéniques. Le cas contraire, quand je n’ai pas l’argent pour les serviettes, je prends les morceaux de pagne ». « Quand, moi, je venais ici, ma maman m’avait donné de l’argent et j’avais acheté 4 paquets. Et étant donné que mes menstrues ne durent pas, j’ai encore un paquet de serviettes hygiéniques sur moi. Mais si je dois durer ici, ça va finir et là il va me falloir de l’argent pour pouvoir en acheter », fait savoir Clarisse qui confie d’ailleurs que sa mère lui a donné au plus tard le 19 décembre, pour rentrer à la maison si rien ne file à l’horizon. Jointe au téléphone le 27 décembre, Clarisse affirme que sa mère lui a accordé « un certain temps avant de rentrer ». Contrairement à Clarisse, Mounira (nom d’emprunt), elle, peut rester le temps qu’elle voudra, avec la bénédiction de sa famille.

 

« Je n’ose pas me laver matin et soir », a laissé entendre Mounira

 

« Ma famille m’encourage à patienter », souligne notre candidate de 22 ans, venue de Sicellé, vers Léo, il y a de cela 5 mois. « Je n’ose pas me laver matin et soir. Moi je me lave les soirs. Pendant les règles, il est vrai qu’on doit se laver deux fois mais comme on n’a pas d’argent, on se lave une seule fois. Moi j’utilise le coton mais ça aussi pour m’en procurer, ce n’est pas simple. Quand ma famille m’envoie par exemple 1 000 F CFA, je regarde si je peux acheter le coton à 600 F CFA et me débrouiller avec le reste. Ce n’est pas facile. La pluie nous a battus, maintenant c’est l’harmattan, mais nous tenons bon. Nous qui sommes toutes ici savons ce que nous sommes venues chercher. On garde le moral », se console-t-elle.

« On a honte mais on va faire comment ? »

Garder le moral même si certaines personnes les regardent d’un autre œil. « Les gens ont une mauvaise image de nous, ils nous appellent « 2e Matata ». Ils disent que nous sommes le 2e  groupe de filles qui se vendent au Matata (NDLR : nom d’un maquis situé dans le quartier Dapoya, à Ouagadougou ).  Mais ils se trompent. Nous ne sommes pas dans les bêtises. On ne reçoit pas de propositions venant d’hommes ici. Entre nous les filles et les garçons du site, nous sommes devenus des frères et sœurs. Nous n’avons pas la tête à cela », raconte-elle avec un pincement au cœur, la tête recouverte de niqab.

Quant à Sandrine venue de son Zorgho natal, il y a de cela 6 mois, elle reconnait que la situation n’est pas facile. Les cheveux coiffés et habillée en jogging et maillot noir, Sandrine a les allures d’un « garçon raté ». Elle fonde l’espoir que les dieux seront avec elle afin qu’elle puisse défendre la patrie. « Mon plus grand souhait est d’être recrutée mais si on ne me recrute pas, je vais rentrer », dit-elle d’un ton un peu triste. S’agissant de la gestion de ses menstrues, l’ancienne élève de 4e indique que sa famille lui envoie quelques rares fois de l’argent. « Dans cet argent, il arrive que j’achète mon coton mais quand ça finit et que je n’ai pas d’argent, j’utilise les morceaux de pagne », confesse-t-elle. « Où étales-tu tes morceaux de pagne alors ? « Sur mon sac », nous répond-elle. Mais avec ces garçons qui vivent avec vous, vous n’avez pas honte d’étaler vos morceaux de pagne ? demandons-nous. « On a honte mais on va faire comment ? », répond-elle en souriant.

 

« Si je me lave ce soir, j’attends le lendemain soir pour me laver », affirme Sophie

 

Présente sur les lieux il y a seulement deux mois, Sophie, les 23 ans bien sonnés et de petite taille, affirme n’avoir pour l’instant pas encore utilisé de morceaux de pagne mais elle n’exclut tout de même pas de le faire si les serviettes hygiéniques en sa possession venaient à finir.

« Pour se laver, il faut débourser 50 F CFA, pour uriner c’est la même chose. Donc moi je ne me lave que les soirs. Si je me lave ce soir, j’attends le lendemain soir pour me laver. Pour l’instant, j’utilise les serviettes hygiéniques mais si ça finit et que je n’ai pas d’argent pour en acheter, je vais utiliser des morceaux de pagne », raconte la candidate, mère d’un enfant et originaire de Boromo. A l’en croire, la période des menstrues est un moment «  très difficile, où tu n’es pas à l’aise », mais il faut faire avec. Elle dit fonder l’espoir qu’elle sera recrutée VDP car, selon ses propos, son rêve a toujours été de porter « la tenue ».

Interrogés sur leur cohabitation avec les filles sur ce site à ciel ouvert, certains jeunes garçons ont laissé entendre qu’il n’y a aucun problème en ce sens. « Nous sommes devenus comme des frères et sœurs. Il n’y a aucun problème entre les filles et nous », clament-ils. Se prononçant sur  la question des menstrues des filles, Karim (nom d’emprunt) estime que c’est un « phénomène naturel » propre à la gent féminine, qu’il faut respecter.

 Malgré donc leurs conditions de vie difficiles, les candidates rencontrées sont loin de se décourager. Mieux, elles gardent le secret espoir d’intégrer les rangs des VDP, toute chose qui leur fera oublier la galère vécue à la Place de la nation.

 Colette DRABO

 

Des candidats impatients d’aller au front

« Ils n’ont qu’à avoir pitié et venir nous recruter maintenant »

 Lors de nos échanges avec les filles, deux jeunes garçons demandent à s’exprimer également dans notre micro. Mais lorsque nous lui avons fait comprendre que nos conversations ne concernaient que les filles, ils lancent ceci : « Tantie, dites à IB que nous là, on le soutient.  Nous voulons aller défendre notre pays, ils n’ont qu’à venir nous prendre, former et on va aller au front. On est prêt pour ça. Actuellement, le froid nous tape fort, mais on est là, on ne bouge pas.  Ils n’ont qu’à avoir pitié et venir maintenant nous recruter ».

En attendant d’être probablement recrutées VDP, des candidates se trouvent de petits boulots

 Lors d’un échange au téléphone, une des candidates, Clarisse a confié  avoir trouvé un petit boulot dans un restaurant en attendant. « Je travaille dans un restaurant. Je monte à 10h pour descendre à 18h. Je fais cela pour avoir un peu d’argent et acheter mes petits trucs », dit-elle ajoutant qu’elle se trouve dans le même restaurant avec une autre candidate à qui nous avons donné Mounira comme nom d’emprunt.

Rassemblés par CD

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