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Campagne de vaccination contre la fièvre typhoïde au Burkina : les sept raisons de Dr Lassané Kaboré, spécialiste de la vaccination, pour lesquelles il faut adhérer massivement

Du 23 au 29 janvier 2025, le ministère de la Santé du Burkina Faso organise une campagne de vaccination contre la fièvre typhoïde, avec comme cible les enfants de 9 mois à 14 ans. En dépit de quelques rumeurs et tentatives de désinformation qui circulent sur les réseaux sociaux, voici sept  raisons pour adhérer massivement à cette campagne.

  1. En dépit de l’absence de tests rapides fiables pour diagnostiquer la fièvre typhoïde, des études sérieuses utilisant les hémocultures (techniques de référence) ont pu montrer une forte incidence de la maladie au Burkina Faso, estimée à 133 cas pour 100 000 dans la population générale, 234 cas pour 100 000 chez les 2 à 4 ans, 206 cas pour 100 000 chez les 5-14 ans, et 111 cas pour 100 000 chez les 15 ans et plus (𝘴𝘰𝘶𝘳𝘤𝘦 : 𝘔𝘢𝘳𝘬𝘴 𝘦𝘵 𝘢𝘭, 𝘓𝘢𝘯𝘤𝘦𝘵 𝘎𝘭𝘰𝘣 𝘏𝘦𝘢𝘭𝘵𝘩 2024; 12: e599–610). La maladie est fréquemment responsable de complications comme les perforations typhiques à l’issue souvent fatale, même en cas d’interventions chirurgicales (voir par exemple cet article : 𝘩𝘵𝘵𝘱𝘴://𝘷𝘦𝘳𝘪𝘹𝘪𝘷.𝘰𝘳𝘨/𝘢𝘳𝘵𝘪𝘤𝘭𝘦𝘴/1-25). Ce fardeau élevé de la fièvre typhoïde est favorisé par les mauvaises conditions d’hygiène et d’assainissement dans lesquelles vivent la majorité de la population. L’incidence plus élevée chez les moins de 15 ans explique que ceux-ci soient la cible prioritaire de la présente campagne de vaccination.
  2. Le vaccin utilisé pour la campagne, appelé TYPHIBEV (𝘉𝘪𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘤𝘢𝘭 𝘌. 𝘓𝘪𝘮𝘪𝘵𝘦𝘥, 𝘩𝘵𝘵𝘱𝘴://𝘦𝘹𝘵𝘳𝘢𝘯𝘦𝘵.𝘸𝘩𝘰.𝘪𝘯𝘵/𝘱𝘳𝘦𝘲𝘶𝘢𝘭/𝘷𝘢𝘤𝘤𝘪𝘯𝘦𝘴/𝘱/𝘵𝘺𝘱𝘩𝘪𝘣𝘦𝘷𝘳-0) est un vaccin sûr, efficace, et de qualité, préqualifié par l’OMS depuis 2020. L’OMS recommande l’introduction de ce type de vaccin anti-typhoïdique dans les pays où la fièvre typhoïde est endémique, ce qui est le cas du Burkina Faso (voir 1. ci-dessus)
  3. Le TYPHIBEV est en outre un vaccin de dernière génération utilisant la technologie dite de conjugaison (d’où le nom de vaccin conjugué anti-typhoïdique) : l’antigène bactérien est conjugué à une protéine spécifique appelée CRM197. Le vaccin conjugué offre plusieurs avantages par rapport au vaccin dit polysaccharidique qu’on peut trouver dans certaines pharmacies sous forme de spécialité. En effet, 1) il génère une forte réponse immunitaire y compris chez les enfants de moins de 2 ans ; 2) il offre une durée de protection plus longue, ce qui évite de devoir revacciner tous les 3 ans (𝘩𝘵𝘵𝘱𝘴://𝘸𝘸𝘸.𝘸𝘩𝘰.𝘪𝘯𝘵/𝘱𝘶𝘣𝘭𝘪𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴/𝘪/𝘪𝘵𝘦𝘮/𝘵𝘺𝘱𝘩𝘰𝘪𝘥-𝘷𝘢𝘤𝘤𝘪𝘯𝘦𝘴-𝘸𝘩𝘰-𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯-𝘱𝘢𝘱𝘦𝘳-𝘮𝘢𝘳𝘤𝘩-2018). À titre d’analogie, c’est la même technologie de conjugaison qui a été utilisée pour développer le vaccin MenAfriVac introduit depuis 2010 au Burkina Faso et grâce auquel les grosses épidémies de méningites relèvent désormais du passé.
  4. La fièvre typhoïde occasionne assez souvent une utilisation présomptive et peu/pas rationnelle des antibiotiques. La vaccination, en prévenant les cas de typhoïde, permettra à terme, de réduire la consommation des antibiotiques, et de contrecarrer ainsi la survenue de résistance antimicrobienne ; celle-ci est présentée comme une épidémie du moment et surtout du futur, qui fera selon les projections 10 millions de morts dans le monde en 2050 (𝘩𝘵𝘵𝘱𝘴://𝘸𝘸𝘸.𝘸𝘩𝘰.𝘪𝘯𝘵/𝘧𝘳/𝘯𝘦𝘸𝘴/𝘪𝘵𝘦𝘮/29-04-2019-𝘯𝘦𝘸-𝘳𝘦𝘱𝘰𝘳𝘵-𝘤𝘢𝘭𝘭𝘴-𝘧𝘰𝘳-𝘶𝘳𝘨𝘦𝘯𝘵-𝘢𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯-𝘵𝘰-𝘢𝘷𝘦𝘳𝘵-𝘢𝘯𝘵𝘪𝘮𝘪𝘤𝘳𝘰𝘣𝘪𝘢𝘭-𝘳𝘦𝘴𝘪𝘴𝘵𝘢𝘯𝘤𝘦-𝘤𝘳𝘪𝘴𝘪𝘴).
  5. La vaccination est entièrement gratuite pour la population, même si le gouvernement et les partenaires en supportent les coûts. À titre d’information, l’autre vaccin disponible sous forme de spécialité coûte au moins 11 000 francs CFA en pharmacie.
  6. La vaccination ne signifie pas abandon des mesures d’hygiène. Pour une synergie d’action, même en étant vacciné, il faut adopter ou maintenir une bonne hygiène des mains, ainsi que celle de l’eau et des aliments.
  7. L’arrivée du vaccin au Burkina Faso ne s’est pas faite du jour au lendemain. C’est le couronnement d’un processus long de plus de 5 ans, avec l’implication des principaux acteurs comme les sociétés savantes, les chercheurs, et les chirurgiens (témoins privilégiés des perforations intestinales d’origine typhique nécessitant des interventions coûteuses). En particulier, le Groupe Technique Consultatif sur la Vaccination (GTCV) qui comprend en son sein des sommités scientifiques nationales dans diverses disciplines médicales pertinentes, a été au cœur du processus.

𝐃𝐫 𝐋𝐚𝐬𝐬𝐚𝐧é 𝐊𝐀𝐁𝐎𝐑𝐄

Pharmacien, épidémiologiste, et spécialiste de la vaccination.

𝐍.𝐁. 𝐉𝐞 𝐝é𝐜𝐥𝐚𝐫𝐞 𝐧’𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐚𝐮𝐜𝐮𝐧 𝐢𝐧𝐭é𝐫ê𝐭 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐢𝐞𝐫 𝐨𝐮 𝐦𝐚𝐭é𝐫𝐢𝐞𝐥 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐢𝐟𝐟é𝐫𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐟𝐚𝐛𝐫𝐢𝐜𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐝𝐞 𝐯𝐚𝐜𝐜𝐢𝐧𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐢è𝐯𝐫𝐞 𝐭𝐲𝐩𝐡𝐨ï𝐝𝐞.

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