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APPEL AUX AMERICAINS POUR LUTTER CONTRE BOKO HARAM : Goodluck veut qu’on lui lave le dos et le ventre

Ridicule. Ainsi peut-on qualifier l’appel au secours que vient de lancer le président nigérian aux Etats-Unis d’Amérique, dans la lutte contre Boko Haram. Ridicule d’abord, parce que Goodluck Jonathan, on s’en souvient, avait décidé, fin 2014, de suspendre la formation dispensée par les Américains à des forces de défense nigérianes. Raison du courroux du chef de l’Etat nigérian à l’époque : le refus des Américains de vendre des armes létales à son pays. C’est donc une reculade qui ne dit pas son nom, que d’appeler à l’aide les mêmes Américains aujourd’hui. Ridicule ensuite, compte tenu du fait que le Nigeria est la première puissance du continent africain. C’est un géant par sa population, mais aussi par ses richesses. Son armée est censée être l’une des plus puissantes du continent. N’avait-elle pas, du reste,   fait ses preuves au Liberia avec l’ECOMOG ? Comment un tel géant en est-il aujourd’hui réduit à compter sur les autres pour assurer l’intégrité de son territoire ?

Goodluck aura péché par excès de confiance et par laxisme

Ce nouvel appel à l’Occident, après, entre autres, ce qui s’est passé au Mali en termes de recours de l’Afrique à l’étranger, ne fait pas la fierté du continent. Loin s’en faut. C’est une honte pour le Nigeria et pour l’Afrique tout entière.

Ce cri de détresse ressemble à celui d’un petit enfant en difficulté, qui compte sur son père tout-puissant pour le tirer d’affaire. C’est cela l’Afrique. Certes, Boko Haram est un monstre qui a les moyens de sa politique. La secte a d’importants moyens humains et logistiques et est difficile à combattre, seul. Certes, elle constitue une menace réelle pour le Nigeria et ses institutions. Mais pourquoi Goodluck a-t-il mis autant de temps à comprendre la nécessité d’une action coalisée ? On se souvient que le Nigeria n’avait même pas daigné envoyer un seul représentant à la réunion régionale du 20 janvier à Niamey, consacrée à la lutte contre Boko Haram. Probablement que les attaques des hommes de Shekau, perpétrées au sortir d’un meeting de Goodluck, ont dû contribuer à ce brusque réveil. Les autorités nigérianes ont dû se rendre à l’évidence que le danger n’est plus si loin que cela et que ce ne sont pas seulement les pauvres populations qui seront trucidées, si les choses continuent ainsi. Certes, à sa décharge, on peut dire que Goodluck Jonathan a hérité d’une situation sécuritaire déjà peu enviable. Mais en plus de cela, il aura péché par excès de confiance et par laxisme. Ainsi, Goodluck avait-il sous-estimé la menace Boko Haram, se disant que, tout seul, son pays allait en faire une bouchée. Ce qui a été une très mauvaise appréciation de la situation. Goodluck ne faisait visiblement pas de la lutte contre cette secte, sa priorité. Il se disait peut-être que le danger était loin de lui.

Le rétropédalage qu’il vient d’opérer est une preuve supplémentaire de l’inconséquence des chefs d’Etat en Afrique. Ils crient à la souveraineté de leur pays à qui veut les entendre, tout en se montrant incapables d’assumer entièrement cette souveraineté. Pendant que les Tchadiens croisent le fer avec Boko Haram, y compris sur le territoire nigérian, pendant que les Camerounais et les Nigériens montent la garde à leurs frontières respectives, le Nigeria semble encore somnolant. En tout cas, il ne s’investit pas assez dans la bataille contre ces islamistes. Et cet appel au secours, tout en traduisant une prise de conscience tardive de l’ampleur du défi à relever par les autorités nigérianes, cache mal leur volonté de voir les autres venir faire le travail à leur place. Goodluck veut qu’on lui lave à la fois le dos et le visage. Alors qu’il aurait dû, comme le dit en substance une sagesse de chez nous, faire au moins l’effort de se laver le visage lui-même, du moment que ses partenaires et voisins sont en train de lui frotter le dos.

Goodluck ne doit pas se faire   d’illusions

En effet, alors que les Tchadiens et les autres voisins du Nigeria font pleuvoir le feu sur Boko Haram, alors que les Américains sont présents en termes de renseignements, les Nigérians sont assis, les bras croisés. Ils auraient dû, de leur côté, jouer leur partition, montrer suffisamment à la nébuleuse leur détermination à l’anéantir. Au lieu de cela, les autorités nigérianes comptent sur les autres pour sécuriser leur pays, sous le prétexte qu’il s’agit notamment d’une guerre asymétrique. Mais elles oublient que le laxisme de leurs forces de défense et de sécurité et la corruption qui gangrène ce milieu, ont  permis à Boko Haram de sortir et d’aller au-delà de la guerre asymétrique pour conquérir par une guerre classique, des localités entières. La guerre contre le terrorisme, et dans ce cas de figure, contre Boko Haram, nécessite des moyens colossaux et de tous ordres. Et la communauté internationale, y compris les Etats-Unis d’Amérique, devra s’y investir au maximum.

En tout état de cause, Goodluck ne doit pas se faire   d’illusions. Il est impensable que les Gi’s débarquent sur le terrain pour traquer Boko Haram, comme le fait l’armée tchadienne actuellement. Certes, il y a beaucoup d’intérêts américains au Nigeria et ce pays est l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde. Mais il ne faudra pas compter sur des soldats américains pour venir offrir leur poitrine aux balles de Boko Haram, en vue de sauver le Nigeria. Les Américains ont de très mauvais souvenirs de ce genre d’opérations, pour s’y aventurer encore. En plus de l’Irak et de l’Afghanistan récemment, l’opération « Restore Hope » en Somalie, qui a viré au drame, a laissé de graves séquelles dans l’opinion américaine. Et on voit mal Barack Obama prendre un tel risque, en poussant son pays à débarquer dans le bourbier nigérian, alors qu’il est à quelques encablures de la fin de son mandat.

C’est dire que Goodluck devra peut-être se   contenter d’une aide accrue des Américains en termes d’instruction militaire, de logistique et de renseignements. Mais cela ne se fera certainement pas sans certains préalables. Les Nigérians devraient d’abord faire preuve de sérieux et de responsabilité. Les Américains voudraient certainement être rassurés que le matériel militaire livré à Abuja ne tombera pas entre les mains des combattants de Boko Haram. Ce, compte tenu de la corruption qui a pignon sur rue au Nigeria. Ils voudraient également se laisser convaincre que les soldats nigérians ne détaleront plus comme des lapins au moindre coup de feu, laissant à Boko Haram des armes sophistiquées comme butin de guerre. Comme le dit une sagesse de chez nous en matière de combat, « si tu donnes ton gris-gris à un peureux, c’est toi qui l’auras gâché ».

Il appartient donc aux Nigérians d’abord, de montrer qu’ils sont réellement dignes de l’aide qu’ils attendent des autres dans cette guerre.

 

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