ActuBurkina
A la une Société

SERGE  BAYALA, ACTIVISTE, A PROPOS DE L’INCENDIE DE SON VEHICULE : « C’est un projet d’attentat à ma vie, planifié par l’Etat »

 L’information a fait le tour des réseaux sociaux et des médias, tôt dans la matinée du 23 août 2022. Il s’agit de l’incendie du véhicule de l’activiste Serge Bayala, secrétaire général du cadre Deux heures pour nous, deux heures pour Kamita. Nous l’avons rejoint hier, à son domicile, au quartier Zone 1 de Ouagadougou, pour en savoir davantage sur cette affaire. Selon l’activiste, il s’agit d’un « incendie criminel », quelqu’un ayant été vu sur les lieux.

 « Le Pays » : Pouvez-vous nous donner les circonstances dans lesquelles votre véhicule a été incendié dans la nuit d’hier (NDLR : l’interview a eu lieu le lendemain 23 août)

 Serge Bayala : Depuis plus d’un mois,  au regard  des menaces proférées contre ma personne, mon intégrité physique, j’ai pris la résolution de rentrer au plus tard chez moi à 16h ou 17h. C’est ce que je fais depuis un moment.  Etant donné que j’habite dans une cour commune et qu’il n’y a pas de place, je gare ma voiture devant un  bâtiment inachevé situé en face de ma cour. Le 22 août, aux environs de 23h30, il y a eu un grand bruit qui a alerté des voisins qui ne dormaient pas encore. Ce qui n’était pas mon cas  parce que moi je dormais déjà. Ils sont sortis et ont constaté que des flammes jaillissaient de mon véhicule et ils ont vu un monsieur qui traversait le goudron et est rentré dans le 1er  six-mètre. Paniqués par l’envergure de l’incendie, les voisins sont venus m’alerter et je suis sorti. Avec les quelques rares passants,  comme nous sommes en bordure de la route,  nous avons pu limiter les dégâts de l’incendie avec le sable du chantier en cours. Je parle de limiter les dégâts  parce que juste derrière le véhicule, se trouve une grande alimentation  avec des concessions et il y a un poteau électrique. Imaginez un seul instant les dégâts, si on n’avait pas réussi à maitriser l’incendie.  Quand nous avons fini de contenir le feu, on se disait qu’il s’agissait peut-être d’une panne électrique à l’intérieur du véhicule, qui a dû provoquer un court-circuit. Mais en regardant, on s’est rendu compte que la vitre avait été brisée, un marteau et un poignard se trouvaient au sol ainsi que deux bouteilles d’eau minérale. Quand on a humé ces bouteilles, elles sentaient l’essence. Sur la voiture, on a constaté qu’il y avait des impacts, notamment au  niveau des portières arrières que la personne a tenté d’ouvrir en vain. Et comme nous sommes sur un chantier, il a dû se servir d’une brique pour briser la vitre, laquelle  brique est même à l’intérieur du véhicule et il a mis le feu avant de  prendre la fuite. Selon un des voisins qui a vu l’auteur, sa chemise avait pris feu et il essayait de s’en débarrasser en fuyant.

D’aucuns ont vite fait de franchir le pas en parlant d’un incendie criminel. Etes-vous de cet avis ?

Cet incident vient confirmer la somme de menaces que j’ai certainement minimisées parce qu’elles ont commencé depuis le 5 mai 2022, à l’issue du verdict du procès Thomas Sankara où des personnes, se revendiquant alliées du général Gilbert Diendéré, et me voyant en interview, avaient dit ouvertement qu’elles allaient me faire la peau parce que c’est nous qui faisons que le pays ne peut pas avoir la paix. Ils ont dit  qu’ils allaient régler de façon physique, notre compte. Ils ont même dit en mooré qu’ils peuvent me tuer afin que le pays ait la paix. Ce jour-là, un de vos confrères de Oméga qui était présent et qui a entendu ces paroles pas catholiques, avaient filmé depuis le début. Je pense que les rushes sont toujours disponibles pour servir de  preuves. Ce jour-là,  ce sont les gendarmes qui assuraient la sécurité,  qui m’ont épargné des agressions physiques qui pouvaient prendre une tournure assez dangereuse. Pour moi, c’est un attentat à ma vie, à mon intégrité physique et ne m’ayant pas eu physiquement, ils s’en prennent à mes biens. C’est aussi des alertes pour dire que le prochain tour, après le matériel, ce sera certainement moi-même.

Serge Bayala à côté de son véhicule incendié

Soupçonnez-vous déjà quelqu’un ?

Je ne pourrai, nommément, soupçonner quelqu’un mais au moins, de façon constante, je pense à tous ceux qui appellent le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) à prendre des dispositions particulières par rapport à ma personne et à tous ceux qui critiquent le pouvoir actuel. Vous avez une série de commentaires sur  toutes les émissions auxquelles j’ai participé. Vous avez, par exemple, l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et les gens du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’aile proche de Blaise Compaoré. Ça, c’est de façon formelle. J’ai fini une émission avec Alpha Yago à Oméga TV et nous avons eu la chance parce qu’elle avait été préenregistrée.  Des gens du RSP se seraient déplacés sur les lieux et ayant constaté que l’émission avait été préenregistrée, ils ont appelé l’animateur du nom de Joël, pour exprimer leur vive colère par rapport à cela. Ce jour-là, j’étais avec mon camarade Mathieu Kalmogo et c’était une émission au cours de laquelle nous avons défendu notre position. Selon les dires de cet animateur, c’étaient des gens de l’ex-RSP et ceux du CDP affilié à Blaise Compaoré, étant donné qu’on a désormais deux CDP. Le dernier élément en date, c’est M. Koumsongo (NDLR : Auguste Mohamed Koumsongo, un député de l’Assemblée législative de transition (ALT)) et ses gros bras qui sont venus dans notre QG, au niveau du Mémorial Thomas Sankara et ont mis à sac la conférence de presse de Monique Kam et qui, en plus, ont formellement et nommément cité Sams’K, Smockey et les insurgés comme étant leurs futures cibles qu’ils doivent machetter. Ce sont des témoignages que vous pourrez colmater auprès des revendeurs d’articles toujours présents au niveau du Mémorial. Vous avez le dernier fait avec votre consœur Bénédicte, une émission sur la demande de pardon de Blaise Compaoré. C’était avec Lookman Sawadogo, M. Congo, secrétaire général adjoint de l’UNIR/MPS et moi. Une pression monstre a été faite sur le directeur de la RTB pour que l’émission soit suspendue. Nous avons fait le constat que l’émission a été purement et simplement censurée.   Le 11 juillet, une dame est venue dans notre QG et a demandé à me voir. Mes collaborateurs ont dit que j’étais occupé mais elle a insisté pour me parler.  Elle m’a dit de faire très attention parce que selon les informations dont elle dispose, ce n’est pas bon pour mon intégrité physique et que cela peut venir de partout et de tout le monde. Un officier des bérets rouges m’a appelé de Kaya, suite à notre conférence de presse au cours de laquelle nous avions dit que le MPSR manquait de stratégie. Un certain   Lassané Sawadogo   m’a appelé avec un numéro fixe. Je lui ai posé la question de savoir s’il m’appelait au nom du gouvernement burkinabè ou à titre personnel ou avec un mandat de la hiérarchie militaire.  Il a répondu que c’était une initiative personnelle. Je lui ai fait savoir que le numéro qu’il utilisait engage l’Etat. C’est ainsi qu’il m’a rappelé avec son numéro pour me menacer. Il y a eu plusieurs autres menaces auxquelles je n’ai pas prêté attention.

Pensez-vous que tout cela est lié à votre activisme ?

Oui. Le lien est constatable dans l’opinion publique. Que ce soit à travers les journaux, les radios, tout ce qui est médias. Rien qu’hier, des activistes pro MPSR ont mené des actions de dénigrement et de sallissement de ma personne sur les réseaux sociaux. Certains ont demandé au MPSR, sur les mêmes réseaux, de prendre toutes les dispositions utiles pour m’écarter. Ce sont là des commentaires constants. Sur les émissions auxquelles nous avons pris part à la télévision   Canal 3 et Omega TV, il y a des gens qui ont  invité le MPSR à prendre des dispositions contre ma personne. En ce qui concerne l’émission de la RTB, lorsque je l’ai annoncée, il m’est revenu que l’annonce a circulé dans les groupes WhatsApp des pro-MPSR et dans ceux de plusieurs ministères.  Il m’a été dit qu’un des ministres de la Transition a interpelé certains membres de son cabinet pour comprendre pourquoi Bayala est autant opposé à eux. Ce qui veut dire que ce ne   sont pas des désœuvrés de la rue qui s’en prennent à ma modeste personne. C’est un projet d’attentat à ma vie qui, à mon sens, est planifié par l’Etat géré par le MPSR. Cela peut paraître comme de graves accusations mais je suis prêt à les assumer.

 Quelle suite judiciaire comptez-vous donner à cette affaire ?

J’ai fait appel à la Police nationale. L’incident a eu lieu à 23h. C’est finalement à 7h que le constat a eu lieu. Ce qui veut dire que les bourreaux avaient tout le temps de continuer leur œuvre. Qu’à cela ne tienne, la police scientifique et des éléments du commissariat central sont venus. La police scientifique s’est intéressée aux objets présents sur la scène du crime si on peut le dire ainsi, notamment le marteau, le poignard, le bidon d’essence et les autres prélèvements. Donc, j’attends la suite.

 Propos recueillis par Colette Drabo

Articles similaires

 Transition politique au Burkina : Vers une gestion du pouvoir par des civils ?

ActuBurkina

ELECTIONS DE 2020 : l’opposition met en garde contre toute idée de ne pas les tenir

ActuBurkina

COVID-19 : Un infirmier américain infecté une semaine après avoir reçu le vaccin de Pfizer

ActuBurkina

Laisser un Commentaire

ACTUBURKINA

GRATUIT
VOIR