Candidat pour la cinquième fois à l’organisation de la Coupe du monde, le Maroc a de nouveau échoué mercredi 13 juin à Moscou. Largement devancé par le dossier United 2026 par 134 voix contre 65, le Royaume a constaté que onze pays africains avaient préféré donner leur voix à son puissant adversaire.
Si l’Afrique était unie, cela se saurait. Le Maroc s’en est aperçu mercredi à Moscou, en voyant onze pays du continent (Cap Vert, Afrique du Sud, Bénin, Liberia, Sierra Leone, Namibie, Botswana, Zimbabwe, Guinée, Lesotho, Mozambique) lui préférer United 2026. Les Nord-Africains, qui misaient sur une cinquantaine de votes africains, tombent de haut.
« Je suis un peu surpris. Il y a près de 80 % de fédérations africaines qui ont préféré le Maroc. Ce n’est pas mal, mais franchement, je m’attendais à mieux. Je pense que le dossier marocain était solide. Et que cette candidature de mon pays était celle de tout un continent. Visiblement, certains ne l’ont pas vu comme cela », regrette Abdeslam Ouaddou, l’ancien défenseur des Lions de l’Atlas.
Le Bénin et la Guinée
« Le Maroc a aidé de nombreuses fédérations africaines, il a de quoi être déçu de constater que certaines n’ont pas voté pour lui », regrette Constant Omari, le président de la Fédération congolaise de football (FECOFA), qui n’a pas caché sa déception en constatant que nombre de ses homologues africains ont accordé leur voix au dossier United 2026. Et notamment le Bénin et la Guinée. Le président de la fédération guinéenne a cependant affirmé, après la publication du vote par la FIFA, qu’il n’avait pas donné sa voix à United, invoquant « une erreur technique ».
Depuis Niamey, François Zahoui, le sélectionneur ivoirien du Niger, s’attendait à un peu plus de solidarité africaine. « D’abord, un total de 65 voix, cela me semble peu. Et concernant l’Afrique, je crois que tous n’ont pas bien compris que notre continent a besoin d’organiser des événements d’ampleur internationale pour son image, mais aussi pour améliorer ses différentes infrastructures. La Confédération africaine de football (CAF) devrait à l’avenir insister sur ce point dans ses discours ».
Même analyse pour l’ancien international camerounais Patrick Mboma : « Cette candidature, c’était d’abord celle de l’Afrique. J’ai du mal à comprendre pourquoi des pays africains ont préféré le dossier adverse : trois pays, trois visas, trois langues, un gros décalage horaire. Surtout le Bénin et la Guinée, voire le Cap Vert et le Mozambique ; passe encore pour les Anglophones, encore que certains pays ont tendance à s’inventer une proximité culturelle avec les États-Unis. »
La quête de bénéfices
Pour le Marocain Abdeslam Ouaddou, la FIFA avait clairement affiché sa préférence pour le dossier United 2026. « On sait que cela va générer plus de bénéfices. Je ne nie pas la solidité de cette candidature : les trois pays sont prêts. Mais on a privilégié le foot business au détriment du développement du foot en Afrique. La FIFA a franchi un cap supplémentaire dans le capitalisme. »
Rien d’étonnant, puisque Gianni Infantino, le président de l’instance, doit en grande partie son élection en 2016 aux soutiens de pays comme les États-Unis, le Canada et le Mexique.
Le silence assourdissant de la FIFA, quand Donald Trump avait ouvertement menacé de représailles les pays que les Etats-Unis ont toujours soutenus et qui ne voteraient pas United 2026, via un de ces tweets dont il a le secret, a surpris un grand nombre d’observateurs. Le gouvernement du football mondial s’est contenté de regarder ses chaussures quand l’incontrôlable président américain a clairement annoncé la couleur.
« C’est une ingérence politique, et la FIFA n’a rien dit. Cela aurait pu aller jusqu’à l’exclusion de la candidature tripartite », grince Ouaddou. « Nous avons pris bonne note de la position de la FIFA dans ce dossier », soupire Constant Omari, le président de la FECOFA.
Moins nuancé, Claude Le Roy estime que les intimidations de Trump ont porté : « Cela a joué, c’est évident. Cet homme a découvert il y a quelques semaines que le soccer existait, il menace, et on le laisse faire. C’est assez incroyable. »
Le Maroc candidat pour 2030 ?
Le dossier marocain a donc séduit une majorité de fédérations africaines, mais aussi européennes (France, Belgique, Italie, Pays-Bas, Serbie, Albanie, Kazakhstan, Luxembourg, Turquie, Slovaquie, Bélarus notamment), asiatiques (Oman, Chine, Qatar, Taïwan, Palestine, Corée du Nord, Syrie), et même celle du Brésil.
Mais plusieurs pays musulmans (Koweït, Liban, Irak, Malaisie, Indonésie, Bahreïn, Afghanistan), souvent sous la pression de l’Arabie Saoudite, allié objectif des américains, ont tourné le dos au Maroc.
« Ce qui est positif, c’est que le Royaume a réussi à convaincre de grosses fédérations. Cela prouve que son dossier était solide », tempère Omari, cependant contrarié par la volte-face de la Russie, laquelle avait pourtant affiché son soutien aux maghrébins. « Il y a peut-être eu quelques arrangements politiques », glisse le Congolais.
« Franchement, je suis déçu. Il me paraissait déjà inconcevable d’accepter un dossier avec une candidature tripartite. Le Maroc pouvait organiser une belle Coupe du Monde », abonde Le Roy.
Ce sera peut-être pour 2030, comme le souhaite Abdeslam Ouaddou. « Si les conditions sont réunies, il faut y aller », lâche-t-il. Depuis Moscou, Constant Omari ne dit pas le contraire : « Lors de son discours après le vote, Fouzi Lekjaa, le président de la Fédération marocaine, semble avoir montré sa volonté que la Coupe du monde se dispute un jour dans son pays. » L’Afrique n’a accueilli la compétition qu’à une seule reprise, en 2010 (Afrique du Sud). Pour le Maroc, il s’agirait de la sixième tentative…
Jeune Afrique