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EXTRADITION DE FRANCOIS COMPAORE : « … tout simplement impossible… », selon Me Paul Kéré

Dans cette tribune ci-dessous, Me Paul Kéré, Docteur en Droit de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne, Avocat à la Cour, explique pourquoi « François Compaoré ne sera jamais extradé » par la France  vers le Burkina Faso.

« Par un communiqué laconique, la Direction de La Communication et de la Presse du Ministère de la justice, des Droits Humains et de la Promotion Civique du Burkina Faso a porté à la connaissance du grand public que « la Chambre de contrôle de l’Instruction de la Cour d’Appel de Paris a tenu le 13 décembre 2017 à 14 heures 30 précises, l’audience de notification à Monsieur Paul François COMPAORE de la demande d’extradition du Burkina Faso… » à son encontre.

Ce communiqué précise que « la Cour d’Appel de Paris aurait d’abord statué sur la demande faite par le Burkina Faso pour intervenir à l’audience par le biais de Monsieur Yves SAUVAYRE, Avocat au Barreau de Lyon et de Maître Anta GUISSE du Barreau de Paris« , tous deux, semble-t-il, spécialistes des questions d’extradition. Selon cette information lapidaire, « après avoir rendu une décision autorisant le Burkina Faso à intervenir dans la procédure d’extradition, la Chambre de l’Instruction de la Cour de Paris, statuant en matière d’extradition, aurait exposé à Monsieur Paul François COMPAORE et à son Avocat, mon excellent Confrère, Olivier SURE, « …l’identité des avocats désignés par l’Etat du Burkina Faso.. » pour assurer sa défense.

Ensuite, selon le même communiqué sommaire, la Cour aurait « …procédé à la vérification de l’identité de Monsieur Paul François COMPAORÉ et qu’à l’appel de son nom, Monsieur Paul François COMPAORE… » se serait « …présenté à la barre de la Cour… » qui aurait « … vérifié son identité … ». Sur la question de sa nationalité, Monsieur Paul François COMPAORE aurait « …acquiescé qu’il est bel et bien Ivoirien et Burkinabé… ». Il semble qu’à l’issue de cet interrogatoire sur son identité, la Cour de Paris lui aurait « … notifié l’ensemble des pièces constitutives de la demande d’extradition du Burkina Faso aux autorités judiciaires françaises qu’il aurait déclaré en avoir pris connaissance… » antérieurement.

A la question de la Cour de savoir, si Monsieur Paul François COMPAORE « … consentait à être remis aux autorités judiciaires du Burkina Faso pour y être jugé, l’intéressé… » aurait répondu par la négative et c’est dans ces circonstances que le dossier aurait « … été renvoyé à l’audience du 07 mars 2018… » pour y être examiné au fond.

Compte tenu du caractère spécifique de la procédure d’extradition et sans prétendre être un « spécialiste » du droit de l’extradition, il convient d’apporter une part contributive éclairante, en particulier, à l’opinion publique burkinabé pour exposer, que l’extradition de Monsieur Paul François COMPAORE par les juridictions françaises vers le Burkina Faso est, sur un plan strictement juridique et ce, sans querelles de gargotes, tout simplement impossible pour plusieurs raisons, tenant, d’une part au droit burkinabé lui-même, et, d’autre part, aux conditions légales du droit français de l’extradition et les juridictions françaises n’hésiteront pas, un seul instant, à tirer toutes les conséquences juridiques ci-après énoncées.

Primo, l’extradition par la République française (qui est loin d’être une République bananière comme on le voit sous nos tropiques) de Monsieur Paul François COMPAORE est impossible pour la simple raison que notre pays dispose dans son corpus législatif de la sanction de la peine de mort. Certes la peine de mort n’est plus appliquée au Burkina Faso depuis la fusillade du Commandant Boukary LINGANI, du Capitaine Henri ZONGO et bien d’autres militaires sommairement jugés par la Cour martiale et passés par les armes à feu.

Par conséquent, en raison même de l’existence de l’arsenal législatif de la peine de mort au Burkina Faso, Monsieur Paul François COMPAORÉ ne sera jamais extradé au Burkina Faso pour la simple raison que la France n’extrade pas un accusé vers un pays (fut-il son pays d’origine) qui pratique ou qui dispose dans son arsenal législatif de la peine de mort.

Les constituants de la dernière révision constitutionnelle (non encore adoptée par référendum) et, notamment les farouches partisans de la peine de mort comprendront désormais pourquoi certains démocrates se sont battus avec succès pour l’abolition de la peine de mort au Burkina Faso à l’instar de la France qui l’a proscrite de son droit positif en 1981 sous le mandat du regretté Président, François MITTERAND.

Ne serait-ce que pour cette raison, c’est en vain que le Burkina Faso caressera un quelconque espoir de voir Monsieur Paul François COMPAORE extradé dans notre pays. Le dire est une argumentation juridique pertinente objective et non partisane. De plus cet argument est infranchissable donc constitutif d’un obstacle dirimant. Ce n’est d’ailleurs pas la seule argumentation juridique qui s’oppose à une telle extradition. Il y a plus, même si cela peut porter à polémique.

Mais la Cour de Paris ne tergiversera certainement pas sur cette polémique: c’est la question de la prescription de l’infraction pour laquelle l’extradition est sollicitée par les autorités politiques burkinabé, État demandeur, à l’État requis, savoir, la France.

En effet, en second lieu, l’infraction est considérée en France comme prescrite. C’est le lieu de rappeler ici les effets juridiques de la prescription. Les contraventions se prescrivent par un an, les délits par trois ans et les crimes par 10 ans. Sans abus, il convient de préciser que la mort de Norbert ZONGO et ses compagnons d’infortune, calcinés dans leur véhicule, l’a été en décembre 1998.

Or, il est constant que Monsieur Paul François COMPAORE a déjà bénéficié d’une Ordonnance de non-lieu d’un juge d’instruction burkinabé. Cette ordonnance est devenue définitive et est donc passée en force de chose jugée. Ce n’est, qu’ultérieurement à cette prescription et à cette Ordonnance de non-lieu définitive qu’un élément nouveau aurait « ressuscité » la procédure dans ce dossier.

Aux yeux de l’État français et de ses juridictions en charge des questions d’extradition, cet élément nouveau, semble-t-il au demeurant résultant des déclarations d’un témoin dont la moralité serait douteuse parce que repris de justice, ne saurait emporter la conviction de la Cour d’Appel de Paris qui est une juridiction dont la jurisprudence est prestigieuse et implacable.

Les autorités politiques françaises ne peuvent nullement l’influencer la Cour. En effet, en France, on peut vraiment parler de l’indépendance de la Magistrature comme c’est le cas de nos magistrats burkinabé actuels puisque désormais, le Président du Faso n’est plus le Président du CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM). Du moins il faut l’espérer…

Dès lors, ni les promesses, (d’ailleurs subordonnées à cette indépendance des Magistrats français) faites par le Président Emmanuel MACRON lors de sa rencontre historique avec nos étudiants à l’Université Joseph KI-ZERBO de Ouagadougou ne pourront perturber la sérénité de la Cour d’Appel de Paris.

Disons-le tout net : Cette affaire est, dès lors, mal enclenchée par Monsieur René BAGORO, actuel Garde des Sceaux en sa qualité de représentant des autorités politiques burkinabé, lesquelles préfèrent « engraisser » deux avocats étrangers comme si, dans notre pays, il n’existait pas d’avocats compétents et spécialistes de la procédure d’extradition.

Dans un contexte de rareté des ressources souvent exhibée par les autorités politiques pour justifier leurs incapacités congénitales à trouver une solution aux problèmes existentielles du peuple burkinabè, ce sont des milliers d’euros qui sont décaissés au profit d’avocats étrangers pour d’ailleurs quel résultat alors qu’il y a de brillants avocats burkinabè qui exceptionnellement, au regard de la noblesse de la lutte auraient pu accepter de constituer un collectif d’avocats (Le Bâtonnier Mamadou SAWADOGO, le Bâtonnier BADHIO, Me Prosper et Ambroise FARAMA et la liste n’est pas exhaustive…) pour défendre la cause.

C’est le lieu de préciser que les avocats burkinabé n’ont d’ailleurs rien à envier de leurs confrères de l’hexagone et c’est bien un Confrère inscrit aux deux barreaux qui l’affirme sans désemparer. Mais bref, ce snobisme africain n’est pas nouveau ! C’est même un complexe très ancien…

Enfin, on peut affirmer sans grand risque de se tromper que les gros sous engagés par l’État burkinabé pour cette entreprise d’extradition du frère cadet de l’ancien Président Blaise COMPAORE est inéluctablement vouée à l’échec. En effet, même si par extraordinaire les deux arguments n’emportaient pas la conviction de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Paris, il suffit simplement que Monsieur Paul François COMPAORE sollicitasse l’asile politique en France en raison des événements des 30 et 31 octobre 2014 pour se voir octroyer la protection consulaire française.

Comme l’opinion publique burkinabé pourra le constater en réalité et ce, quel que soit le caractère abominable de la mort de Norbert ZONGO et de ses compagnons d’infortune, la France n’extradera pas, même pour des raisons politiques, le frère cadet de l’ancien Président du Burkina Faso. « Sed Lex Dura Lex«  énoncent les latins.

Le dire est une simple contribution pour l’éclairage d’une bonne frange de nos compatriotes de bonne foi qui ont soif de vérité et non une quelconque démarche partisane encore que chaque burkinabé peut, en application des dispositions de l’article 8 de la Constitution du 3 juin 1991, donner son opinion sur toute question de son choix.

Gageons qu’en son audience du 7 mars 2018 à 14h30, la Cour d’Appel de Paris statuera comme ci-dessus exposé. Procédure à suivre donc…

Paul KÉRÉ

Docteur en Droit de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne

Avocat à la Cour

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