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EDDIE KOMBOIGO, PRESIDENT DU CDP: « L’ancien régime n’a jamais discuté avec les factions extrémistes de l’Azawad »

 Dans un entretien accordé à l’Opinion (France), le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Eddie Komboïgo, revient sur la crise sécuritaire que connaît notre pays depuis près de cinq ans. Pour lui, ce n’est ni  plus ni moins qu’un échec du régime en place qui, dit-il, « se défausse de ses responsabilités en expliquant que Blaise Compaoré est complice des djihadistes ». Lisez plutôt !

 Pas une semaine ne se passe sans une nouvelle attaque terroriste au Burkina Faso. Comment en est-on arrivé là ?

 

Cela provient de la faillite du pouvoir et de son manque d’anticipation. Les terroristes frappaient déjà en 2012 à nos frontières, lorsque Blaise Compaoré était encore au pouvoir. Mais notre pays disposait d’un corps d’élite, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont le rôle allait au-delà de son appellation ; ces hommes ayant été formés à la lutte antiterroriste. Nous avions aussi un service de renseignement de qualité dont l’ancien chef, le général Gilbert Diendéré, purge une peine de prison. L’insurrection de 2014 et le coup d’Etat manqué de 2015 ont abouti à la dissolution du RSP et à l’éparpillement de ses hommes dans différentes unités. Les gouvernants actuels ont une peur bleue de l’armée. Ils ont commis une erreur : on ne réforme pas les forces de sécurité quand on sort d’une crise immédiate. Les terroristes ont exploité ces signes de faiblesse. Aujourd’hui, nos frontières avec le Mali et le Niger sont poreuses. Le Sahel, le Nord, l’Est et la Boucle du Mouhoun sont attaqués régulièrement. Et le pouvoir tente de se défausser de ses responsabilités en expliquant que Compaoré est complice des djihadistes afin d’opérer un retour au pouvoir. C’est absurde.

Les proches de Blaise Compaoré ont toujours été en contact avec les chefs des groupes armés du Nord Mali…

L’ancien Régine n’a jamais discuté avec les factions extrémistes de l’Azawad. Le seul texte signé par Blaise Compaoré est celui relatif à l’accord préliminaire à l’élection présidentielle au Mali et aux pourparlers inclusifs entre les représentants politiques de l’Azawad et l’Etat malien. Ce texte, signé sous l’égide de la communauté internationale (Union africaine, Union européenne, Nations unies, Organisation de la conférence islamique) garantissait l’intangibilité des frontières et a permis une interposition de l’armée française pour réaliser les opérations de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants. Malheureusement, la réinsertion n’a jamais eu lieu et cela a dû frustrer une partie des belligérants.

Les émissaires de Compaoré n’ont-ils pas livré des armes en contrepartie de la libération d’otages ?

C’est à la demande de pays tiers, notamment d’Etats européens et du Canada, que ces émissaires ont été envoyés pour discuter avec les preneurs d’otages, uniquement pour obtenir la libération de ces derniers. Nous ne sommes pas au courant d’une transaction d’armes en contrepartie.

Le ministre de la Défense, Moumina Chériff Sy, a sous-entendu que la France avait aussi une part de responsabilité dans les évènements actuels…

Il a chargé Paris, mais il n’a avancé aucune preuve de ses affirmations. Il existe un climat de désinformation  tacite, pour expliquer l’échec de la politique du gouvernement. Nous savons qu’il existe un accord de coopération militaire entre nos deux pays pour l’encadrement, la formation de nos armées ainsi que pour des interventions ponctuelles, à la demande du Burkina.

Les officiers se plaignent que les commandes d’armement n’arrivent pas à bon port. Est-ce exact ?

 En mars dernier, le Congrès pour la démocratie et le progrès est allé à la rencontre du chef d’Etat-major général des armées, Moïse Miningou, pour s’assurer que le budget alloué avait été débloqué. Les commandes sont en cours mais tardent à être livrées.

L’appel du président Kaboré aux volontaires pour intégrer l’armée est-il justifié ?

 Ce n’est pas compréhensible. Le risque est que ces volontaires se transforment en milices dangereuses pour la stabilité du pays. Il eut mieux valu faire appel aux trois derniers contingents de soldats mis à la retraite, qui ont entre 44 et 46 ans. Ils ont une expérience de plus de 25 ans. La situation est inquiétante. Plus de 1 000 écoles ont été fermées, l’administration est quasi absente de la région du Sahel, d’une partie de l’Est, de la Boucle du Mouhoun et du Nord. Conséquences : plus de 700 000 déplacés internes et plus de 50 000 réfugiés dans les pays voisins.

 Sera-t-il possible d’organiser la présidentielle de 2020 ?

 Le pouvoir nous a rassurés sur sa tenue, en novembre 2020, dans le cadre du dialogue politique entre la majorité et l’opposition. Il est de la responsabilité du chef de l’Etat de ramener la paix, d’organiser un scrutin inclusif et transparent ainsi que de permettre aux déplacés et réfugiés de retrouver leurs foyers. Nous avons demandé que la diaspora (entre 4 et 5 millions d’électeurs) puisse voter avec la carte biométrique mise en place sous Blaise Compaoré, et c’est ce qui nous a été refusé par le gouvernement et les partis de la majorité. Le gouvernement a modifié le Code électoral pour empêcher la diaspora de participer massivement à ce scrutin.

Quelle sera la stratégie de l’opposition en 2020 ?

 Les partis de l’opposition se concertent régulièrement. Nous avons un projet d’accord à l’étude : il permettra à chaque formation politique de présenter un candidat au premier tour, puis de soutenir le candidat arrivé en tête dans un probable second tour.

L’ex-Premier ministre, Kadré Désiré Ouédraogo, souhaite comme vous être le candidat du CDP.

 Un projet de directive, portant sur les critères et les conditions d’éligibilité à la candidature, a été élaboré par le Secrétariat permanent du parti. Il a été soumis pour avis au président d’honneur du CDP, Blaise Compaoré. Nous aurons un retour en janvier, afin que le bureau exécutif puisse adopter cette directive.

Pour qui vote le président Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire ?

 Blaise Compaoré donne des orientations et valide le candidat choisi par les instances. Il a déjà dit, dans une lettre  datée du 26 mai 2019, que le candidat devrait  «être actif et se conformer aux statuts et règlement intérieur du parti». Quant à Kadré Désiré Ouédraogo, il a démissionné du CDP et a affirmé sur les médias que sa candidature était portée par un autre parti.

 Quand annoncerez-vous votre candidature ?

 Les trois derniers Premiers ministres et présidents de l’Assemblée nationale de l’ère Compaoré me demandent d’être candidat,  les militants également. Je suis président du parti et je dois m’assumer. Ma réponse ne saurait tarder alors que le bilan de la présidence Kaboré est un échec. Son Plan national de développement économique et social (PNDES) n’est réalisé qu’à 10 %. Il n’a pas réussi à faire la réconciliation nationale. Son projet de gratuité des soins tombe à l’eau. Les centres de santé primaire sont en rupture de médicaments. Notre pays vit 260 jours de grève en moyenne par an depuis 2016. Le système éducatif n’a pas été réformé si fait que l’on constate  un surpeuplement dans les classes. Les seules infrastructures réalisées, l’ont été avec des ressources acquises sous l’ancien régime. Et le Burkina s’enlise davantage dans l’insécurité et la guerre contre le terrorisme.

Source : L’Opinion (France)

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