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Dépenses fiscales au Burkina : des recommandations fortes  pour sortir des effets néfastes

 Un des leviers, des instruments de politiques budgétaires permettant à l’Etat d’agir, c’est bien les dépenses fiscales. Elles peuvent être définies comme étant des avantages fiscaux, des réductions, des mesures dérogatoires au droit commun accordés à des entreprises, des ménages, à l’administration publique ou à des ONG et associations en vue d’obtenir des objectifs donnés. Au Burkina, les entreprises absorbent environ 75% des dépenses fiscales, suivies des ménages qui prennent environ 14,3%. Mais ces dépenses fiscales profitent-elles réellement au pays des Hommes intègres ? Le Centre d’étude et de recherche appliquée en finances publiques (CERA-FP), avec l’accompagnement de Oxfam Burkina, a amené une étude comparative des dépenses fiscales dans 6 pays africains, dont les résultats ont été présentés le 27 juin 2024, à Ouagadougou, au cours d’un atelier en vue de l’adoption du document final. Plusieurs recommandations ont été formulées afin que le Burkina sorte gagnant quand il accorde des dépenses fiscales.

Au Burkina, les entreprises absorbent environ 75% des dépenses fiscales, pendant que les ménages s’en tirent avec environ 14,3%. Accorder des dépenses fiscales n’est pas mauvais en soi puisque cela est prévu par la loi. Pour le consultant en fiscalité et finances publiques, Amos Zong Naba, le fait pour le Burkina d’accorder “ des dépenses fiscales aux entreprises montre que notre politique fiscale est d’encourager les gens à aller plus à l’investissement, quelque soit l’investissement. D’ailleurs, le code des investissements est l’un des codes qui pourvoit le plus aux dépenses fiscales après le code minier. Les trois principales sources de dépenses fiscales sont le code minier, le code des investissements et le code général des impôts”, a relevé le consultant qui a mené l’étude comparative sur les dépenses fiscales de six pays à savoir le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Togo, le Burkina et le Maroc sur les périodes de 2020, 2021 et 2022. De l’avis de Amos Zong Naba, les choses ne sont toujours pas faites dans les règles de l’art au Burkina. “ Je dois préciser que l’étude a révélé que des dépenses fiscales sont accordées mais qui ne relèvent pas de la loi.  Ce que nous avons déploré parce que pour répondre au code de transparence qui est donné par l’UEMOA, notamment à travers la directive 01 du 27 mars 2009, il est clairement dit que nous devons travailler à ce qu’il y ait une transparence fiscale. Si c’est accordé et que ce n’est pas à travers la loi, qu’il n’y a pas eu un débat autour, donc qu’une personne à travers son pouvoir discrétionnaire accorde cela, cela n’est pas intéressant”, a déploré l’expert en fiscalité. Pour le secrétaire exécutif du CERA-FP, Hermann Doanio, l’Etat, en accordant ces dépenses fiscales donc ces avantages fiscaux, l’Etat renonce quelque part à recouvrer des recettes. Cependant, il ne doit pas perdre sur toute la ligne. “ Si on doit perdre, c’est de veiller aussi à ce que cette perte ne soit pas une perte sèche mais puisse servir à des fins beaucoup plus nobles, notamment à travers la création d’emplois, permettre à des secteurs d’activités d’émerger, aux populations d’avoir accès aux produits et biens qui seront transformés par ces entreprises”, a-t-il estimé. C’est pourquoi, le secrétaire exécutif du CERA-FP a indiqué que la volonté affichée, à travers cette étude, est d’inviter le gouvernement à capitaliser les meilleures pratiques identifiées dans les 5 autres pays mais aussi à valoriser, à renforcer les bonnes pratiques mises en œuvre au Burkina.

Une vue de participants à l’atelier de validation

 

Il a déploré l’absence de débat ouvert sur les dépenses fiscales. “Le citoyen lambda qui est le principal contributeur, ignore pratiquement les dépenses fiscales encore plus les objectifs poursuivis par ces dépenses fiscales”, a-t-il regretté. “ Nous voulons qu’au niveau du Parlement, que ces dépenses soient mises en débat, qu’on puisse les accorder en toute connaissance de cause en ce disant que nous renonçons à un certain moment donné à recouvrer ces recettes, ce qui est une perte, mais que cette perte va créer des opportunités en termes de croissance économique et de dynamisation des activités économiques. C’est pourquoi au lieu de nous limiter aux données spécifiques du Burkina, nous avons essayé de scruter ailleurs pour voir quelles sont les meilleures pratiques à capitaliser et faire en sorte que la société civile puisse contribuer à plus de mobilisation des ressources et à moins de déperdition sous le format des dépenses fiscale”, a justifié M. Doanio.  

A l’en croire, les différentes recommandations issues de l’étude constitueront “ le début d’une campagne de plaidoyer où nous allons demander au gouvernement et au Parlement des actions fortes à mettre en œuvre pour pourvoir atténuer les effets néfastes des dépenses fiscales et faire en sorte que si elles doivent être accordées, qu’elles le soient en toute pertinence et qu’on puisse suivre les retombées de ces dépenses fiscales pour que le pays sorte gagnant”.

Colette DRABO

Quelques recommandations formulées

Dans le domaine 1 : Renforcement du cadre juridique, organisationnel et institutionnel

– Rapprocher l’année d’évaluation de celle de publication du Rapport

– Renforcer les moyens de collecte et les capacités techniques des équipes techniques (formation et outils de traitement de l’information fiscale ou comités d’évaluation).

– Publier régulièrement les rapports détaillés sur les dépenses fiscales, y compris leur coût, leurs bénéficiaires et leurs objectifs et en faisant la ventilation par secteur d’activité

– Assurer un bon suivi des incitations fiscales par les administrations fiscale et douanière pour lutter contre la fraude

Dans le domaine 2: Rationalisation des dépenses fiscales

Abroger toutes les faveurs fiscales qui ne sont pas accordées par le législateur sauf les textes supranationaux et accorder les nouvelles faveurs fiscales que sur la base d’une loi

– Mieux cibler les bénéficiaires, exclure certaines grandes entreprises, fixer des objectifs pour chaque segment, évaluer les bénéfices des dépenses fiscales par période

– Privilégier les mesures de faveur temporaires que permanentes et procéder à l’évaluation de leur impact

Dans le domaine 3 : Transparence et gouvernance des dépenses fiscales

– Réaliser régulièrement des études d’impact économique et social des dépenses fiscales pour arriver à une information plus large de la représentation nationale

– Susciter un véritable débat citoyen sur les dépenses fiscales à la suite de la publication des rapports annuels et des rapports d’impact (société civile, Presse et citoyens) en rendant accessibles au grand public les informations sur les DF

– Intensifier le contrôle parlementaire sur les dépenses fiscales en suscitant le débat lors des sessions parlementaires et les questions orales

– Lutter contre la fraude fiscale et douanière par un contrôle systématique

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