Le Président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a accordé une interview à la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) et à Canal 3, diffusée le jeudi 4 mai 2023 sur les antennes de la télévision nationale. Dans cette interview de plus d’une heure, le chef de l’Etat a abordé plusieurs sujets, parmi lesquels la situation sécuritaire, la mobilisation générale et la mise en garde, les velléités de déstabilisation du pouvoir actuel, les volontaires pour la défense de la patrie, les droits de l’homme, etc. Nous vous proposons l’interview in extenso. Lisez plutôt!
Question (Q.) : Après plus de sept mois au pouvoir, comment vous-vous sentez avec cette tâche titanesque de reconquête du territoire national ?
Capitaine Ibrahim Traoré (C.I.T.) : Merci à vous ! Comme vous l’avez si bien dit, c’est une lourde responsabilité, une tâche titanesque due au contexte sécuritaire difficile. Mais nous rendons grâce à Dieu. Jusque-là, nous tenons bon et nous pouvons dire que nous sommes galvanisés et l’espoir est là parce qu’à l’analyse de la situation actuelle et vu donc l’itinéraire emprunté, nous sommes convaincus que nous sommes sur la bonne voie. Vu aussi ce que le peuple nous laisse voir, cela nous motive.
Q : Lors de votre première grande interview avec la presse, vous affirmiez que la guerre n’avait pas encore commencé, c’était en début février. Aujourd’hui où en sommesnous ? La guerre a-t-elle commencé ?
C.I.T. : Je vois qu’il y a eu beaucoup de polémiques autour de la question. Je peux dire aujourd’hui que nous sommes à l’introduction. Nous avons introduit la guerre. Mais pour l’instant, ça a été introduit avec des opérations que vous pouvez constater çà et là. Des phases plus intenses viendront au fur et à mesure que nos capacités opérationnelles et surtout logistiques vont monter.
Q : Ces derniers temps, l’armée mène régulièrement des frappes aériennes contre les positions des terroristes. La guerre est-elle seulement aérienne ?
C.I.T. : Non, la guerre n’est pas seulement aérienne. Mais, ce sont plusieurs phases que je ne peux pas vous décrire ici. C’est tout un plan qui est là. Il y a une phase importante. Pour chaque étape, vous allez sentir les changements. Aujourd’hui, certes, il y a beaucoup de frappes aériennes, mais au sol, les troupes progressent. Comme vous pouvez le constater, très souvent, elles sont à l’offensive vers l’ennemi. Ce n’est pas uniquement aérien, mais nous avons besoin de cette phase pour le renseignement et l’appui.
Q : Parlant de la guerre et de sa mission, beaucoup n’approuvent pas cette stratégie. Elle est couteuse aux Burkinabè. Comment vous expliquez cette option ?
C.I.T. : La guerre, nous ne l’avons pas choisie. Elle nous a été imposée. Nous la ferons. La guerre n’est pas plus couteuse que nos vies que nous perdons. Donc il faut la faire. C’est la seule option. Je ne sais pas si vous avez des présomptions, mais pour nous c’est la guerre. On nous a attaqués, on se défend et nous allons défendre notre territoire vaille que vaille.
Q : Quelle est la situation sur le terrain quand on voit toutes ces offensives qui sont menées par l’armée burkinabè ?
C.I.T. : Il faut reconnaitre que les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sont engagés. Il y a le cœur et il y a la rage. Ils sont encore plus galvanisés par le peuple. Pour avoir été sur le terrain, je sais ce que cela fait lorsqu’on se sent soutenu. Ça nous motive, ça nous galvanise, ça nous pousse vers l’avant. C’est aussi le message que nous leur passons lorsqu’on va les voir. Veiller sur leur sommeil, c’est-à-dire les populations civiles quand elles dorment ; quand elles mènent leurs activités, c’est notre mission. Tous ceux qui se sont engagés ont cela en tête.
Q : Malgré cette offensive, on a l’impression que les capacités des groupes armés terroristes sont importantes quand on se réfère aux attaques du camp des VDP de Ouahigouya et de Ougarou. Qu’est-ce que les Burkinabè doivent penser aujourd’hui ?
C.I.T. : Il faut dire que pendant longtemps, nous avons fait une erreur d’évaluer et de minimiser la menace, que ce soit l’effectif de l’ennemi ou sa capacité de nuisance. Souvent lorsque dans les centres d’opérations, nous les estimions à 100 ou 200 combattants maximum, nous faisions une erreur. Nous disions que c’était la capacité de mobilité. Certes, il y a la capacité de mobilité, mais ils sont nombreux aussi. Mais on en tue beaucoup. Nous ne sommes pas là pour faire le point de combien nous avons tué, mais nous sommes conscients qu’ils sont là. Voilà pourquoi nous sommes en train de recruter et nous équiper en conséquence.
Q : Quelle est la situation du territoire par rapport aux différentes opérations qui sont menées, est-ce que nous avons une bonne partie sous notre contrôle ?
C.I.T. : C’est une guérilla. Le terrorisme, c’est une guerre d’infiltration. Depuis certaines opérations, il y a plusieurs zones où les terroristes ne sont plus basés. Mais nous ne les considérons pas comme conquises. Comme je l’ai dit, il y a plusieurs phases. Il y a des zones où vous allez vous rendre et vous ne verrez pas de terroristes. Mais nous n’avons pas permis à des populations de repartir là-bas parce que nous attendons un certain niveau avant d’être sûrs de les sécuriser. C’est-àdire mettre un plan en place avant de les installer. Il y a plusieurs zones où les populations sont retournées. Mais il y a des zones aussi où des populations continuent de se déplacer. Plusieurs facteurs expliquent cela. Même dans les zones libérées, on n’est pas installé. On s’installe avec un minimum de précaution. Le plus important, c’est d’attrister l’ennemi au maximum. Qu’il sente que nous n’avons plus cette idée de tergiverser. Nous sommes prêts à l’offensive. C’est la seule manière de le fragiliser et de permettre aux gens de s’installer tranquillement.
Q : L’un des constats que l’on peut faire aujourd’hui, c’est que la majeure partie des attaques importantes interviennent autour de l’organisation des grands évènements. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
C.I.T. : C’est bien que l’on fasse cette analyse parce que cette lutte est très grande. Ce n’est pas uniquement ceux qui combattent ici, ils ont leurs stratèges. Bien sûr avant le SIAO, il y a eu certaines attaques. Mais surtout avant le FESPACO, il y a eu de grandes attaques. Donc nous avons analysé. On savait qu’avec la Semaine nationale de la culture (SNC), il y aurait de grandes attaques. On a pris assez de dispositions. Mais nous ne pouvons pas être sûrs à 100%. C’est une guérilla, elle peut surgir de façon inopinée quelque part. Mais l’objectif global recherché par leurs relais locaux sur la toile, c’est de créer l’émotion. Les gens ont en tête que le Nègre est émotion. Si vous remarquez, après le FESPACO, ils disent sur la toile que pendant qu’il y a la guerre, ils sont en train de fêter. La SNC c’est pareil. Les relais des terroristes ne font que relayer ce genre de messages. Donc, c’est créer l’émotion au sein de la population pour que ces stratèges arrivent à leurs fins. Mais nous sommes avertis.
Q : Le renforcement des capacités de l’armée est un axe majeur pour la reconquête du territoire national. Où en sommes-nous avec la réorganisation en termes de recrutement, de formation et bien attendu, en matière d’acquisition de matériel ?
C.I.T. : Nous ne pourrons pas tout vous détailler parce qu’il y a des choses assez sensibles. Ce que nous pouvons vous dire, c’est que nous avons un concept qu’on nous a imposé qui n’est pas forcément le bon. Je prends un exemple, les conditions du dernier recrutement sont différentes de celles qui existaient depuis quelques années parce que nous nous sommes posé quelques questions simples que vous pouvez aussi vous poser. Lorsqu’on veut recruter un soldat, on nous dit qu’il faut le Certificat d’études primaires (CEP). Celui qui a le CEP, c’est juste quelqu’un qui sait lire et écrire la langue française. En quoi c’est un critère de combativité ? Lorsqu’un soldat est recruté pour avoir du galon, le certificat d’armes n°1 ou n°2, il faut impérativement qu’il sache lire et écrire en français. Nous avons compris qu’être combattant n’a rien à avoir avec les diplômes. Les terroristes tels qu’ils sont, n’ont pas le 1 er diplôme militaire. Cette conception qu’on nous a imposée, nous avons vu qu’elle n’était pas la bonne et il faut la restructurer. Il faut recréer une armée qui réponde à nos attentes. Lorsque vous prenez l’exemple de Ladji Yoro (paix à son âme), c’est un officier tout fait. Il avait des centaines d’hommes qu’il menait au combat. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il sait lire et écrire. Ils sont pleins dans le milieu des VDP qui ont des centaines d’hommes. Il y a cette conception de la chose qu’il faut d’abord avoir. Donc il faut restructurer, réorganiser pour trouver d’autres types d’unités pour s’adapter au mode de combat de l’ennemi. L’équipement va aussi de pair avec, parce que les gens ont perverti certaines idées en insinuant que nous avons dit que ce sont des petits problèmes logistiques, mais nous les avons résolus. Quand vous prenez le côté équipement, il n’y a pas longtemps, vous aviez dans l’armée quatre à cinq soldats avec une kalachnikov. Lorsque les gens étaient sur le terrain, ceux qui partaient les relever venaient s’entasser à Fada ou Kaya pour attendre que d’autres ramènent les armes et les autres moyens d’équipement avant qu’ils ne partent. Mais en quelques mois, nous avons résolu ce problème. Aujourd’hui, chaque soldat est en mesure d’avoir une kalachnikov et ses chargeurs, un gilet et un casque. C’était ça le petit problème logistique. C’est résolu. Mais on nous a longtemps fait comprendre que c’est difficile d’avoir les armes. C’était du mensonge. Nous les avons acquises en quelques mois. Les gens sont équipés, les VDP qui sortent par milliers sont équipés avec des gilets, casques et armes. Vous les remarquez sûrement à travers des reportages sur le terrain. L’équipement tactique et stratégique va venir. Voilà pourquoi nous disons que nous sommes à l’introduction parce que nous sommes à un dixième de ce que nous souhaitons.
Q : En termes de réorganisation de l’armée, vous avez procédé à la création de nouvelles régions militaires. Aujourd’hui, est-ce que ce dispositif est opérationnel sur le terrain ?
C.I.T. : Il est en train d’être opérationnel. C’est un dispositif qui a été pensé et mis en place. Mais c’est un processus. Comme je vous l’ai dit, il y a un problème d’effectif qui est là. Mais les recrutements sont là pour pallier cette difficulté, pour combler ce vide. Au fur et à mesure, ils seront tous étoffés pour se mettre en place. Nous voulons mettre en place une armée forte qui doit pouvoir répondre aux besoins des populations.
Q : Monsieur le président, quel est le niveau du moral et le niveau de motivation dans notre armée et au sein des VDP, c’est-à-dire la question des primes. Est-ce que ce sont des questions résolues ?
C.I.T. : Les combattants sur le terrain sont aujourd’hui motivés. Ils sont plus que motivés, ils sont galvanisés. Certains d’entre eux réalisent même des petites vidéos pour montrer leur détermination à combattre, à défendre leur patrie. Mais nous les rappelons à chaque fois que les réseaux sociaux ne sont pas indiqués. Ils le font pour prouver qu’ils sont très motivés. Les soldats sont encore plus motivés de voir des populations qui décident de s’engager pour les accompagner. Donc si c’est le moral, ils ont le moral. Ce qui est important, c’est quand ils voient que nous acquérons des armes, que nous nous soucions du volet armement. Tout cela motive les soldats.
Q : Quelle est l’efficacité des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sur le terrain ?
C.I.T. : L’efficacité n’est plus à démontrer. Ils sont efficaces du moment qu’ils l’acceptent et se sacrifient pour la patrie, c’est plus que de l’efficacité. Nous leur donnons un b.a.-ba, mais il sera du devoir de ceux qui sont sur le terrain de continuer à les entrainer pour qu’ils deviennent encore plus professionnels. Sinon les VDP ont fait leur preuve. Il y a de nombreuses localités où ils font leurs preuves. Actuellement ceux qui sont avec nos hommes combattent très bien. Ils sont très courageux. Ils sont très efficaces.
Q : Qu’est-ce que vous pensez de ceux qui estimaient que l’option VDP n’était pas la bonne pour le Burkina ?
C.I.T. : Est-ce qu’ils ont proposé une autre option ? Il ne s’agit pas de critiquer, il s’agit de proposer. Je tiens à vous dire que ce n’est pas nous qui avons commencé ce concept VDP. Je sais que vous le savez bien. Ce concept VDP existait, mais nous avons trouvé que ce n’était pas la meilleure façon de faire. Nous avons décidé de nous impliquer plus. Les VDP étaient formés et laissés à eux-mêmes. Et nous avons jugé que ce n’était pas la bonne formule. Il faut qu’ils soient accompagnés. Aujourd’hui, les VDP et les militaires, les autres forces, c’est-à-dire la police, la gendarmerie, sont tous mixés. Les VDP ne manœuvrent donc plus seuls. Ils sont donc, comme je le disais, accompagnés. Donc si quelqu’un dit que ce n’est pas la bonne formule, peut-être qu’il fait allusion à la formule « de les laisser faire ce qu’ils veulent ». Est-ce cela la bonne formule ? Je ne sais pas. Mais c’est la bonne formule, et nous y tirerons des combattants. Je vous ai dit que c’est une porte d’entrée dans l’armée pour ces VDP qui souhaiteront intégrer l’armée. Parce que ce sont des combattants, des patriotes.
Q : Qu’est-ce que vous pensez du niveau de mobilisation des Burkinabè en faveur du Fonds de soutien patriotique, qui est un fonds destiné à équiper et à soutenir les VDP ?
C.I.T. : Je suis satisfait. Et c’est ce qui nous motive le plus. C’est-à-dire lorsqu’on sent que le peuple a pris conscience et qu’il a décidé de prendre son destin en main. Cela nous motive et ça motive encore plus le soldat sur le terrain. Il n’y a pas longtemps, il y a un chef de détachement qui a pris fonction, donc qui a relevé un autre m’a laissé un message que j’ai lu. Et je l’ai appelé immédiatement. Il me disait qu’il est arrivé dans un village et les villageois ont cotisé et lui ont remis l’argent pour que cela soit déversé dans le Fonds de soutien patriotique des VDP. Et cela l’a beaucoup ému. Quand il me l’a raconté, moi également j’étais très ému. Je me suis demandé comment de telles personnes aussi éloignées, de plus dans une situation sécuritaire délétère, ont-elles pu cotiser pour le Fonds de soutien patriotique. Ils sont nombreux dans la brousse qui ont des difficultés de ravitaillement. Parce que cela prend des jours pour aller les ravitailler. Ils vivent difficilement, mais ils contribuent. Donc n’en parlons pas de ceux qui sont en ville. On a pris de nombreuses mesures. Nous avons instauré certaines taxes et autres. La population a accepté. Donc c’est très satisfaisant. Cela veut dire que les gens ont compris l’esprit que nous devons nous battre nousmêmes. Et nous ne pouvons que saluer cela.
Q : Malgré cette mobilisation, vous aviez décidé à travers un décret de faire de la mobilisation générale et la mise en garde. Est-ce que pouvez nous expliquer ce choix ?
C.I.T. : La mobilisation générale et la mise en garde sont des dispositions légales que l’autorité peut être amenée à prendre en fonction de la situation. Il y a eu un reportage sur le sujet avec le directeur de la justice militaire pour expliquer ce décret. Je ne dirais pas que c’est différent de la mobilisation qui existe déjà, mais cela accompagne. Parce que nous sommes en guerre. Et je vois certains qui y voient une manière de brimer ou de restreindre la liberté des uns et des autres. Il ne s’agit pas de cela. Mais il faut que les gens comprennent qu’on ne peut pas laisser aussi le libertinage aussi se faire. Parce que nous sommes en guerre. C’est la patrie qui est en jeu. Et que dira le soldat ou le VDP qui est au fin fond de la brousse, qui dort dans sa tranchée, et qui a renoncé à sa propre liberté pour défendre la patrie ? Donc il n’y a pas de raison que vous ici et moi, nous ne puissions pas aussi abandonner ou céder un peu de notre liberté pour soutenir la lutte. Donc dans le texte de mobilisation générale et de mise en garde, il y a de nombreux éléments qui seront pris en compte, notamment les réquisitions et autres. Je pense que vous avez bien lu. On pourra réquisitionner, que ce soit le personnel ou le matériel et de nombreux services.
Q : Monsieur le président, cette mobilisation fait craindre à certaines personnes, en dehors des questions de liberté, le sort de leurs biens qui pourront être mobilisés dans le cadre de cette guerre…
C.I.T. : Dans les textes de la mobilisation générale, je pense qu’il doit être mis en place dans les différentes régions des commissions de réquisition. Même s’il y a lieu de réquisitionner des biens, je pense que c’est sur des bases légales. Toutes les conditions sont décrites dans le texte. Cela ne signifie pas qu’un individu se verra retirer tous ses biens à telle enseigne qu’il ne puisse pas vivre. Ce sera évalué. Ce ne sera pas fait de manière désordonnée. Il y a des commissions qui siègent pour cela.
Q : Qui parle de guerre parle de renseignement. Notre renseignement est-il aujourd’hui efficace après les changements intervenus à la tête de l’Agence nationale de renseignement (ANR) ?
C.I.T. : Oui, je peux vous dire que le renseignement est efficace. Il y a plusieurs opérations qui ont été menées sur la base de renseignements et de renseignements très fiables. Les services de renseignement sont en train de monter en puissance pour acquérir de nombreux moyens électromagnétiques. Et les moyens humains sont en train d’être déployés aussi, les capteurs et tout. C’est très important. Déjà je pense que vous suivez souvent l’actualité. Il y a de nombreuses choses qui se font sur la base du renseignement. Quand le renseignement est précis, les plus rapides ce sont les vecteurs aériens et les troupes au sol font souvent le ratissage. Donc on peut dire que ça travaille très bien.
Q : Peut-on revenir sur cette attaque déjouée à Arbinda grâce aux renseignements que vous évoquiez à l’instant ?
C.I.T. : Je ne vais pas vous décrire comment le renseignement a été trouvé. Mais Arbinda n’est pas isolé. Ça tombe bien qu’on en parle. C’est une grande manœuvre qu’on suivait depuis quelques jours, depuis notre présence à Bobo-Dioulasso. On suivait. C’est une grosse manœuvre. Comme je l’ai dit, il y a des stratèges qui réfléchissent à la manœuvre et qui actionnent les pions. Arbinda devait se faire en même temps qu’un autre événement à Ouagadougou. Nous suivions donc tous les deux événements. Ici à Ouagadougou, je n’ai pas pu suivre, mais je sais que d’autres services ont suivi. Il y a eu des montages pour essayer de s’en prendre à un chef coutumier. Il s’est aussi agi de mettre en conflit les populations. Nous connaissons ce montage. Nous connaissons ceux qui sont à la manœuvre. C’était juste pour créer un semblant de désordre à Ouagadougou. On allait déployer beaucoup de forces pour sécuriser le palais du chef coutumier et sécuriser d’autres personnes. Cela fait une image. Et dans le même temps, d’autres acteurs devaient frapper quelque part. Cela fait deux. Et le lendemain, les relais locaux sur la toile devraient donc sortir quelque chose. Nous le savions. Donc nous étions concentrés plus sur l’autre côté où de nombreuses personnes allaient perdre la vie. Nous savions que l’ennemi a infiltré, qu’il a des véhicules piégés. Et où il allait frapper, nous étions à cette dernière analyse et à la dernière minute, nous avions pu savoir c’était où. Dieu merci, nous les avons détectés vers une heure du matin quand ils partaient pour mener leur opération. Et nous avons frappé et tout détruit. S’ils avaient réussi leur coup, il y aurait eu beaucoup de morts. Pendant ce temps, on déploie des forces pour soi-disant protéger le pouvoir. C’est ce qui allait sortir le lendemain comme ragots : « Voilà, pendant que les gens meurent, ils sont là à déployer des troupes pour juste garantir leur pouvoir ». Ils allaient accentuer sur ces facteurs. Rien n’est anodin. De nombreuses choses sont liées entre elles.
Q : Cela nous permet de parler de ces velléités de déstabilisation du pouvoir. Est-ce que ce sont des informations qui sont avérées ?
C.I.T. : Bien sûr, ces informations sont avérées. Nous vivons cela depuis novembre, décembre [2022]. L’itinéraire emprunté ne plait pas forcément à tout le monde. L’impérialisme n’est pas forcément ailleurs, ce sont ceux-là qui sont là, des Burkinabè, des Noirs ici. Ils sont là, ils sont pleins qu’on connait. De nombreuses personnes nous ont reprochés d’être trop gentils. Je pense qu’à partir d’un moment, on va arrêter d’être gentils. De nombreuses choses sont connues. Ces velléités existent. Il y a plusieurs plans. Je vous ai expliqué tout de suite que lorsque les fêtes arrivent, c’est un gros plan pour créer d’autres évènements pour juste créer l’émotion. Le cas d’Arbinda, il y a beaucoup d’autres choses. De l’argent rentre, ça circule, pour essayer de créer d’autres organisations qui sont payées ainsi de suite. Mais je pense que la justice a été saisie pour certains cas. Peut-être qu’on va mobiliser d’autres aussi pour leur permettre d’aller défendre la patrie au lieu de chercher à déstabiliser. Parce que nous voulons nous concentrer sur la guerre.
Q : Vous dites que les renseignements ont des informations sur des individus qui cherchent à déstabiliser le pouvoir en place ; est-ce qu’il y a des arrestations ou des procédures en cours pour pouvoir juger ces personnes ?
C.I.T. : Ces personnes sont très intelligentes. Elles sont manipulées par des gens qui nous ont peut-être légué nos textes de notre Constitution jusqu’à nos droits. Ce n’est pas nous qui l’avons créée mais c’est du copiercoller. Donc, ces gens connaissent la limite de certains textes qu’ils exploitent. Comme, nous sommes dans un Etat de droit, ils disent à leurs relais de faire ce qu’ils ne peuvent pas. Et réellement, la justice a beaucoup de peines parce qu’aujourd’hui, pour avoir ce qu’on appelle les preuves, c’est un peu difficile souvent. Mais, qu’à cela ne tienne, nous avons acquis aussi un certain nombre d’équipements techniques qui nous permettent d’avoir les preuves. Donc, sûrement dans les jours à venir, vous verrez, vous allez découvrir beaucoup de visages. Donc, ça existe. Quand vous prenez la lutte, ce n’est pas exclu souvent que vous entendiez des gens, des VDP ou des villageois se plaindre que l’on a libéré des gens arrêtés. Oui, on arrête. Lorsqu’on nous alerte, on arrête et on remet aux OPJ (ndlr, Officiers de police judiciaire). Mais, s’il n’y a pas de preuves ? Parce que le villageois ne pourra jamais filmer le gars avec une kalachnikov. Le terroriste même exploite nos textes car il sait que tant que nous n’avons pas de preuves tangibles, on ne peut rien faire. Donc, beaucoup de gens sont arrêtés mais libérés à la suite. Mais, ce n’est pas la faute à ceux qui arrêtent ou à la justice. Ils se basent sur nos textes et cela fait partie aussi de nos réformes.
Q : Et pourtant, on vous accuse de ne pas observer des procédures sur les droits de l’Homme…
C.I.T. : (sourire) Les droits de l’Homme ! Je ne savais pas que j’étais accusé de ne pas observer des procédures sur les droits de l’Homme. Je suis en train de l’apprendre. Sinon, si on ne respectait pas les droits de l’Homme, il y a quand même plusieurs personnes qu’on aurait déjà arrêté, beaucoup de personnalités si on peut le dire ainsi. C’est parce qu’on laisse la justice faire son travail vraiment. Mais je vous l’ai dit que si certains débordent trop et que cela peut jouer sur la patrie, comme ce qui est en train d’arriver actuellement, nous allons nous excuser en vertu donc d’autres textes tels que la mobilisation générale. Nous allons permettre à d’autres d’aller défendre la patrie. Sinon, nous sommes de grands défenseurs des droits de l’Homme. Les droits de l’Homme commencent par quoi ? C’est le droit à la vie. Nous sommes des soldats et tous ceux qui se battent ont pour mission première de protéger la vie. Et si on nous dit qu’on ne respecte pas les droits de l’Homme, c’est un peu malhonnête.
Q : Justement, monsieur le président, cette question nous permet d’aborder le sujet sur les allégations de violations de droits de l’Homme au Burkina Faso avec la dernière attaque qui s’est produite à Karma. Alors, que s’est-il exactement passé dans ce village situé à une vingtaine de kilomètres de Ouahigouya ?
C.I.T. : Je témoigne toute ma compassion aux victimes de Karma et à toutes les victimes du terrorisme. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Je pense qu’actuellement si je ne me trompe, des membres de l’exécutif sont en train de rencontrer certaines structures pour leur expliquer un certain nombre de choses. Et aussi, il y a les dossiers qui sont à la justice militaire et qui font l’objet d’enquêtes. Et les enquêtes sont en cours. On attend que les enquêteurs fassent leur travail. Il faut que les gens évitent de tirer des conclusions hâtives.
Q : En tant que chef de l’Etat, quel était votre ressenti quand vous aviez appris ce drame ?
C.I.T. : Pour ceux qui me connaissent, on est forcément meurtri. Cela fait mal de voir ça parce qu’on m’a dit qu’il y a 136 corps qui ont été inhumés. Cela fait mal, c’est tout ce qu’on peut dire. Mais, il faut rendre justice. Il faut se préparer à retrouver ceux-là qui font ça, de même que tous ces drames qui sont déjà passés. On essaie d’acculer la justice militaire pour agir vite. Souvent, c’est difficile pour eux, car il y a certaines zones difficiles d’accès où il y a eu des exactions. Mais, souvent l’armée fait l’effort de les y amener pour chercher à auditionner ou enquêter.
Q : Les forces de défense et de sécurité sont pointées du doigt dans ce qui s’est passé à Karma. Qu’en dites-vous monsieur le président ?
C.I.T. : Ok. Je vois que cela attire vraiment l’attention. C’est ce que je disais, il faut éviter d’accuser sans savoir ce qui s’est passé parce que tout est possible. Dans l’armée, il y a ce qu’on appelle la perfidie. Je pense que ça fait partie des modes d’actions privilégiés de l’ennemi. Lorsqu’il est faible et voit le rapport de force défavorable, il passe souvent par ces actions. Donc, quelqu’un qui sait cela ne peut pas accuser immédiatement les forces de défense et de sécurité. Donc, c’est la prudence qui est de mise et il faut laisser les enquêteurs aller jusqu’au bout avant de commencer à accuser qui que ce soit. L’objectif d’accuser les forces de défense et de sécurité, vise à casser leur moral qui n’est pas une bonne chose.
Q : Sur Karma, on parle bien sûr d’allégations de génocide. Est-ce une réalité ou de l’instrumentalisation ?
C.I.T. : Génocide ? J’ai entendu ce terme. D’autres se sont précipités pour le dire. Peut-être que ce sont des gens qui méconnaissent ce qu’ils disent. Mais, je pense que ces propos ne doivent pas attirer trop notre attention. Le Burkina est en guerre depuis bientôt huit ans. Il y a eu plusieurs drames et pourquoi, on n’a pas parlé de génocide ? Et subitement, on parle de génocide avec Karma. Donc, cela doit tiquer les gens. L’instrumentalisation est claire. Pourquoi commencer à accuser directement parce qu’on a dit qu’ils sont venus avec des pickups et des tenues de l’armée ? J’ai entendu des propos de ce genre. Mais, pendant cette guerre, l’armée a perdu ses blindés et ses pickups qui sont avec l’ennemi. Les tenues, ce n’est pas nous qui les fabriquons. On les paye de l’extérieur. Donc, combien de fois nous avons été attaqués par des unités qu’on croyait des nôtres ? Demandez à ceux de Toéni. Des gens sont venus avec des blindés de l’armée jusqu’à rentrer dans la base, et commencer à écraser des soldats et ils ont compris que ce n’est pas nous. A Kadiel, il y a eu une attaque et on a ramassé onze corps, croyant que c’était les nôtres. C’est à Bourzanga que les gens se sont rendu compte qu’il y avait des corps de terroristes habillés de la même façon que nous. Moi, je vous parle comme ça parce que je suis un témoin privilégié de la perfidie. Le 14 avril 2018, si je ne me trompe, il y a eu une très grande attaque contre la base de la MINUSMA (ndlr, Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali). Je crois que c’est l’une des plus grandes attaques. La base est grande, il y a beaucoup de contingents et la force est là. Mais, l’ennemi a usé de la perfidie. Moi, j’ai eu la chance ou la malchance d’être dans cette attaque et on a vu beaucoup de choses. Donc, on ne peut pas à priori parler comme cela. Même, toutes les forces étrangères qui étaient là-bas peuvent témoigner. Vous pouvez retrouver sur ARTE, un documentaire qui parle de cette attaque. Parce que nous avons vu venir des véhicules UN mais ceux qui y étaient avaient notre tenue avec des casques bleus. Mais, comme on était sous le feu, le mitrailleur a mitraillé le véhicule. Quelqu’un a envoyé le RPG et le véhicule a pris feu. Les deux qui étaient dedans nous interpellaient et j’ai failli dire à mon unité que nous avons deux portés disparus. Les soldats m’ont demandé, est-ce que ce ne sont pas nos deux camarades disparus ? Mais, à cette étape où le feu montait dans la cabine du véhicule, j’ai dit de patienter et que même si ce sont nos camarades, ce sont des dommages collatéraux. Et je n’ai pas fini de prononcer ce mot que je me suis retrouvé par terre et j’ai vu juste un cercle noir dans le ciel. Le véhicule a explosé car il était piégé et bourré d’explosifs. Pendant ce même combat, un autre véhicule est passé par le check-point immatriculé FAMA avec des forces qui semblaient être des forces françaises de Barkhane. C’était des gens à la peau blanche avec des tenues de l’armée française et des écussons de l’armée française. Ce qui fait que les soldats ont soulevé la barrière parce qu’ils se sont dit que c’est une unité amie qu’ils ont recueillie. Ils ont roulé tranquillement jusqu’à la porte de Barkhane. Tout le monde connaît cette histoire. Et lorsqu’ils sont arrivés, ils ont débarqué et plusieurs soldats de Barkhane ont été blessés parce que le véhicule était piégé. Et je pense qu’ils se sont bien rétablis. Sur le terrain, nous connaissons l’histoire de cette guerre. Il faut éviter autant que possible d’aller dans ce sens. Donc, on attend que les enquêtes finissent pour dire qui était là-bas et qui a fait quoi. Ce sont des exemples. Il y en a plein et vous pouvez vous renseigner.
Q : Monsieur le président, votre ministre de la Défense a évoqué hier (ndlr, mercredi 3 mai 2023), une coalition internationale contre le Burkina. Est-ce que vous assumez de telle notion ?
C.I.T. : Assumer de telle notion ? Il s’agit d’analyser et d’observer ce qui se passe. D’abord, nous sommes en guerre qui est arrivée à une étape assez importante. C’est normal que des gens se posent des questions. Sur le plan des équipements, ils sont nombreux ces pays qui ont refusé catégoriquement de nous les vendre. D’autres nous ont dit qu’ils ne vendent pas ce qui est létal, c’est-àdire qu’ils ne vendent pas des armes. Donc, peut-être que c’est avec les cailloux qu’on va combattre l’ennemi ou je ne sais pas. Et même ce qui n’est pas létal, en termes de blindés, ils sont nombreux ces pays qui ont manifesté leur refus de nous les vendre. On s’est tourné vers d’autres Etats pour acheter. Mais, ils sont encore nombreux ces pays qui viennent s’offusquer pour qu’on ne parte pas en payer avec ces Etats. Que dire de ces genres de comportements ? C’est compliqué. Aujourd’hui, vous avez parlé de terme génocide qui est sorti à un moment particulier. Nous regardons les agissements de beaucoup de personnes, nous voyons certaines choses mais nous continuons de communiquer pour dire aux gens d’arrêter. Le peuple burkinabè a choisi d’assumer son destin et il faut respecter ce choix. Voilà ce que nous pouvons dire. Quant au reste, c’est à nous de parer à toute éventualité.
Q : Cela nous donne l’occasion monsieur le président de parler justement des sources économiques de financement des groupes armés terroristes. Qui finance ces terroristes ?
C.I.T. : Les terroristes ont beaucoup de sources de financement. Mais, au fil du temps, nous découvrons beaucoup de choses. Il y a des nationaux qui les financent indirectement sans savoir. Ce sont des gens qui leur vendent des choses parce qu’ils payent cher. Il y a nos bétails que les terroristes vendent très cher à l’extérieur. Il y a l’orpaillage. Et aussi, dernièrement, on a arrêté des gens à Ouagadougou. On était beaucoup étonné. Ils viennent par lot entre 30 000 euros et 60 000 euros. Donc, ils ont ces devises étrangères, toutes neuves. Ces individus étaient venus de Djibo pour venir faire l’échange à Ouagadougou et repartir. On se demande donc d’où vient cela ? Plusieurs fois, on a intercepté ces cas-là avec des devises étrangères, ce qui fait poser beaucoup de questions. Ils ont du financement, ça c’est sûr.
Q : Ça nous donne aussi l’occasion de parler de la violation de notre espace aérien par des aéronefs. Ce n’est pas nouveau, aujourd’hui, le phénomène se poursuit ?
C.I.T. : Oui, je pense que le ministre en a parlé hier. Ça se poursuit et nous ne manquons pas souvent de notifier à ceux-là qui sont les auteurs. Dans la plupart des cas, on arrive à identifier ces aéronefs et souvent on arrive à les interpeller. Ça arrive, même la deuxième attaque de Ougarou, les soldats sont là, vous pouvez vous renseigner. La veille, ils ont été survolés plusieurs fois. Il y a trois ou quatre jours de cela au Sahel, il y a eu des survols. Souvent, on identifie l’appareil, on fait des écrits pour dire clairement, votre appareil est venu, il a fait ceci, cela.
Q : Est-ce que justement l’armée burkinabè a les moyens d’intercepter ou de détruire ces aéronefs ?
C.I.T. : Oui ! Actuellement, il y a ces moyens. Nous pouvons le faire même si on ne les a pas déployés. Mais, si nous partons du principe qu’autour de nous, il y a des pays amis qui ont aussi des partenaires, peut- être que c’est pour les besoins de ces pays je ne sais pas. Mais, nous communiquons d’abord, nous dialoguons et nous disons que si vous êtes en train d’opérer en faveur de ces pays amis, il faudrait nous dire à l’avance et si vous avez besoin de rentrer dans notre espace, il faut aussi nous prévenir. Nous n’interdisons pas quelqu’un de rentrer dans notre espace aérien, mais si on est prévenu, on sait que vous passez par là pour un besoin particulier. Parce que souvent, pour attaquer les groupes armés, il faut avoir un angle d’approche, mais lorsque nous ne sommes pas prévenus, ça donne une autre idée, voilà pourquoi nous ne détruisons pas systématiquement. On détecte, on fait des notifications et plusieurs fois, ils ont reconnu être rentrés pour des appuis à des unités armées.
Q : Tout à l’heure, vous parliez de l’attaque de Ougarou, justement de la première attaque dans cette zone isolée. Quand on regarde cette première attaque, au moment où les événements se déroulent, les réseaux sociaux sont inondés sur le bilan. Comment cela se fait-il ?
C.I.T. : Je n’ai pas reçu cela, mais il y a des gens sur les réseaux sociaux qui me disent. Et, nous avons appris des bilans pas possibles. C’est le bilan des terroristes. Il y a la guerre, il y a la communication. Il y a des individus que les terroristes ont et qui font leur communication sur les réseaux sociaux parce que c’est devenu l’outil de formation de la population. Les premières heures, on m’a dit 100 morts … C’est leur souhait. C’est cette propagande aussi qu’ils font pour les terroristes. Mais, je dis, ne tirons pas de conclusion, on attend que l’unité sur place communique. Quand les renforts sont arrivés, ils ont fait le constat et ils ont envoyé le point de 33. Je dis vous confirmez les 33 ? Ils disent oui. Est- ce que les autres sont présents, les blessés sont évacués à Fada ? Donc, quand on voit ce qu’ils ont publié au départ, c’est leur souhait.
Q : Est-ce une façon de minimiser la puissance de feu de notre armée basée à Ougarou ?
C.I.T. : Si vous voyez la veille, l’attaque de Ougarou est arrivée, nous avons attaqué une base. Vers Kantchari , je pense. C’est une réaction à cela. Cette base a été attaquée parce que nous avons suivi pendant plusieurs jours des infiltrations de terroristes venant de pays voisin qui se sont rassemblés là-bas. On savait qu’il y avait des attaques en préparation. Nous avons attaqué la base en premier, donc c’est une riposte. Mais, nous avons une capacité de réaction et je pense qu’actuellement, beaucoup sont en enfer. C’est ça le plus important. Ça fait partie, c’est la guerre.
Q : Monsieur le président, le Burkina Faso doit s’aligner à d’autres pays, il y a des partenaires pour pouvoir gagner cette guerre. Aujourd’hui, après le départ de l’armée française, qui sont actuellement les alliés du Burkina Faso dans cette guerre ?
C.I.T. : On a beaucoup d’alliés. Le départ de l’armée française ne signifie pas que la France n’est pas un allié. Mais, on a des alliés stratégiques aussi, on a de nouvelles coopérations, la Russie par exemple qui est un allié stratégique. La chance est que la plupart de nos moyens majeurs sont russes et on continuera d’acquérir des moyens majeurs avec la Russie. Il y a la Turquie qui est un allié majeur et d’autres Etats. Donc, on a beaucoup d’alliés mais le niveau de coopération diffère et on va coopérer avec ceux qui souhaitent nous aider dans cette guerre en acceptant nous accompagner.
Q : Avec la Russie, la population attendait beaucoup de cette coopération, est- ce que vous êtes satisfait de cette coopération ?
C.I.T. : Bien sûr ! Je suis satisfait, la coopération existe il y a longtemps , mais on est en train de développer pour aller plus loin. Nous sommes satisfaits parce qu’on arrive à échanger sur ce que nous cherchons comme moyens, accompagnement et tout. C’est franc. On a des intérêts, on défend toujours l’intérêt du Burkina. Peu importe l’allié, c’est d’abord nos intérêts, et on regarde ce qui nous arrange. Donc la Russie, c’est un allié
Q : On a vu lors d’une des séances des conseils des ministres, le Burkina Faso qui a accordé la possibilité à la Corée du Nord de nommer un ambassadeur ici au Burkina Faso. Qu’est- ce que vous attendez de ce pays ?
C.I.T. : C’est la même chose. Notre défi est sécuritaire. Il faut reconnaitre quelque chose. Nous utilisons des choses que la Corée du Nord nous avait données dans les années 85 et nous combattons avec. Il faut le leur reconnaitre ça. Il y a des armes lourdes nord- coréennes qui sont actuellement dans notre armée. Nous souhaitons encore acquérir des armes là-bas pour combattre mais il y a beaucoup d’autres domaines.
Q : Sur le terrain, est- ce que notre armée est appuyée par des forces étrangères ? On parle souvent de présence de Wagner
C.I.T. : Non, notre armée, jusqu’à l’heure où je vous parle combat seul. Ce sont nos FDS et nos VDP qui combattent. Et, d’ailleurs, on n’a même pas encore fini de former nos VDP et je peux dire que c’est l’introduction d’abord. Le concept de Wagner est un concept créé pour dire à certains Etats d’abandonner le Burkina. C’est tout. Eux, ils parlent de Wagner, vous savez combien ont des armées privées ? Pourquoi ils ne parlent pas de leurs armées privées. Ils sont nombreux ces pays qui ont des armées privées qui nous ont approchés pour vendre leurs services. Wagner aussi est privé mais pourquoi se cantonner sur Wagner ? C’est juste un concept pour dire aux autres de s’écarter du Burkina. Pour l’instant, ce sont des forces burkinabè qui se battent jusqu’à ce jour et le reste on verra bien.
Q : Dans la sous -région, quel est l’état du rapport du Burkina Faso avec ses pays voisins ?
C.I.T. : Les rapports sont bons. Ce qui nous préoccupe dans la sous- région, c’est l’insécurité et nous avons plusieurs échanges et rencontres et je pense qu’avec la plupart des pays, nous avons en vue des opérations. Certes, d’autres s’impatientent mais nous avons plusieurs fronts. Et, on profite s’excuser auprès de certains de ne pas aller plus vite comme ils le souhaitent. En fonction de l’intérêt, nous décidons de mettre l’accent sur tel ou tel aspect en fonction de nos capacités.
Q : Récemment, des propos d’un général d’un pays voisin, le Niger, accusaient le Burkina Faso d’être abandonné par des pays et ne bénéficiant d’aucun soutien, notre armée semble ne pas être efficace. Comment vous avez vécu ces propos en tant que chef de l’Etat ?
C.I.T. : Ce sont des cas isolés. Ces propos ne nous affectent aucunement parce que je ne sais même pas s‘il est vraiment un général de l’armée nigérienne, car les combattants de l’armée nigérienne, nous nous respectons et on travaille bien ensemble. Donc, si quelqu’un est loin des combats, il raconte autre chose. Et ça n’engage que lui. Qu’on soit isolé ou seul, on se bat. Notre peuple nous soutient et c’est très bien. C’est le budget national et c’est le peuple qui contribue. C’est notre fierté. Ces propos de ce monsieur, il ne faut pas trop les prendre en compte.
Q : Le Mali et le Burkina, c’est un tandem qui marche bien dans la lutte contre le terrorisme ?
C.I.T. : Oui, ça marche très bien. Aujourd’hui, nous arrivons à coopérer ensemble. Nos aéronefs rentrent au Mali, le renseignement aussi, on le partage. C’est devenu le même territoire. Ils peuvent se stationner autant qu’ils peuvent ici. C’est le même ennemi qui bouge entre nos pays. Donc, ça se passe très bien. Donc, pas de souci sur ce plan.
Q : Qu’est- ce que le gouvernement de la Transition fait sur le terrain pour réformer l’Etat et lutter contre la corruption ?
C.I.T. : Il y a beaucoup de réformes en cours. Les réformes majeures pour lutter contre la corruption, c’est la digitalisation. Déjà, on a commencé par nous-mêmes FDS. Il y a une application qui a été testée à Ouagadougou. C’est le Econtravention qui a été créé pour que les citoyens puissent payer lorsqu’ils sont amendés et payer directement au Trésor, à travers une application, que l’argent ne circule pas. Parce que, lorsque chaque année le REN-LAC fait la publication des structures les plus corrompues, on se rend compte que les porteurs de tenue sont chaque fois en tête. On commence d’abord la lutte par là-bas. Bien sûr, il y a d’autres secteurs qu’il faut dématérialiser. Cela a été lancé et est en cours. C’est un processus qui avait été bloqué et comme vous avez pu voir les rapports, c’est le seul moyen qui peut lutter contre la corruption. Lorsqu’on dématérialise les procédures et qu’on digitalise certains trucs, on est lancé dans ça. Et là, ça permet de ne pas pouvoir tricher. Sinon, c’est un phénomène qui détruit quand même notre pays. Plusieurs réformes sont en cours dans plusieurs ministères prenant en compte ce volet.
Q : Alors sur ce plan, la cession de certaines mines, notamment celles de Tambao et de Inata sont considérées par certaines personnes et certains analystes comme étant des cas de corruption au sein du gouvernement.
C.I.T. : Nous avons attendu ces analystes-là. Qu’est-ce qu’ils proposent ? C’est trop facile de s’asseoir sur un plateau et débattre de très mauvaise foi peut- être. Qu’est -ce qu’ils proposent ? Quand on prend Inata, Inata est abandonnée depuis longtemps. Vous savez qui exploite Inata ? Ce sont les terroristes. Peutêtre que ça ne plait pas à ces gens-là, qu’on donne Inata à quelqu’un. Peutêtre que c’est pour cela qu’ils se frustrent. Sinon, je pense que ça a été clair. La procédure est claire. Sinon, ce n’est pas cédé. Le montant même du permis a été diffusé je crois. Ils vont payer. Ça sera les mêmes conditions, ils vont payer les mêmes taxes. L’Etat a ses intérêts dedans. Ils vont faire les infrastructures au profit de la population. Tout ce qui doit être fait, doit être fait. Et d’abord pour exploiter Inata, il faut sécuriser Inata. Donc sûrement, on va même plus nous aider à pouvoir sécuriser ces zones- là à mesure qu’eux s’installent. Ceux à qui on donne ont tout intérêt à ce qu’il y ait la sécurité. Mais si quelqu’un voit ça comme un problème, et qu’on n’a pas été assez clair, toute la paperasse est là. Ils peuvent prendre et se rassurer que toutes les procédures ont été respectées. Voilà ce que je peux dire.
Q : Sur le plan politique, récemment vous avez rencontré les acteurs politiques qui sont venus exprimer leur soutien au président de la Transition, chef de l’Etat. Quels sont vos rapports aujourd’hui avec cette classe politique ?
C.I.T. : Ce sont des Burkinabè comme tout le monde, nous recevons tout le monde, il n’y a pas de problème. Ils sont venus exprimer qu’ils nous soutiennent. Je dis juste que le soutien doit être sincère. Voilà, je pense que quand je les ai rencontrés, j’ai dit cela dans la salle. Il ne s’agit pas de proclamer. Il s’agit de faire. Et j’espère qu’ils vont le faire et soutenir sincèrement.
Q : Mais est- ce que vous avez l’impression qu’ils sont sincères ?
C.I.T. : Moi je ne peux pas avoir l’impression. Si je dis que j’ai l’impression, on va dire que c’est du subjectif. C’est à eux de nous prouver. Il faut qu’ils posent des actes pour prouver qu’ils accompagnent. Peut – être si demain, la classe politique cotise pour donner que c’est la contribution de tous les partis politiques pour l’effort de guerre, je serai très content, j’aurais vu un acte concret et beaucoup d’autres choses.
Q : Qu’est- ce que vous attendez d’eux concrètement ?
C.I.T. : Qu’ils participent. Je leur ai dit qu’ils participent à la lutte contre ces groupes armés. Parce que si nous voulons aller vers les élections, il faut qu’on combatte. Et le plutôt serait le mieux. Qu’ils s’investissent sérieusement. Ils ont des possibilités, ils ont des partisans et tout. Il faut qu’ils s’impliquent. Déjà en tout cas, lors du recrutement des VDP, certains partis ont dit à leurs militants de s’enrôler. C’est salutaire. Certains aussi ont proposé des solutions par écrit que nous analysons hormis la solution négociation qu’on a mise dans la tête des gens. Ça, c’est hors de question. Voilà, à part ça, toutes les autres options, s’ils ont des propositions de solutions dans les communautés et tout, ils n’ont qu’à actionner ce qu’ils peuvent actionner et participer à la vie. aussi, ils vont intervenir parce qu’il y aura une commission où ils vont s’asseoir aussi. Il y aura beaucoup de choses en matière de démocratie. C’est à eux de s’attendre et de créer un modèle.
Q : Vous insistez sur ce point, pas question de négocier avec les terroristes…
C.I.T. : Non, on ne négocie pas. Il n’y a pas un centimètre de ce territoire- là qu’on doit négocier. On ne donnera rien à un 1F du contribuable. Si le contribuable nous donne 1F, on préfère payer des armes que de négocier. Je pense qu’on a mis dans la tête des gens pour nous garder longtemps dans la guerre. Non ! ça me permet de rebondir à quelque chose qu’on est obligé de dire qu’on a peutêtre pas l’intention. Je pense qu’en 2020, il y a eu des négociations pour tenir les élections. Vous les journalistes, je suppose que vous avez suivi et savez ce que ça fait. Peut -être qu’il y a certaines choses que vous ne savez pas. Mais nous, en tant que combattant,ce qui nous fait très mal, on était en détachement en 2020, on a reçu des instructions d’arrêter tout ce qui est opération symétrique. Ça veut dire, on ne sort plus de nos bases, on reste statique. Déjà, c’est un mal, ça fait très mal au combattant, au soldat de voir ça. Pire, on a été nargué. Les terroristes nous ont nargués. Demandez à ceux qui étaient à Kelbo en son temps. Ils ont appelé les villageois leur montrer l’argent avec des valises de venir dire aux militaires que le gouvernement ne peut pas les combattre. Ils négocient avec eux, ils ont même donné l’argent. De venir dire aux militaires et VDP de déposer des armes. Les gens sont vivants, vous pouvez vous renseigner. Et ceux qui forçaient sortir en son temps, il y a des militaires qui ont été punis. Ceux qui étaient à Bourzanga sont témoins. Des VDP ont été attaqués, il y a eu trois tombés. Des militaires sont sortis pour aller les aider, ils ont été attaqués. Ils n’ont pas été appuyés et pire, on a dit qui les a dit de sortir. Plusieurs personnes ont connu cette situation. Ça fait tomber la combativité. Donc les militaires étaient découragés, ils ne savaient plus c’est quoi ce problème. Et ça persistait tellement que les gens partent en détachement pour juste s’asseoir. Voilà le premier problème que cela a amené. Deuxièmement, l’argent qui a été donné aux terroristes, ça, les gens ont vu. Même ceux qui sont à Djibo peuvent témoigner. Les véhicules qui venaient nuitamment et partaient vers Nassoumbou avec des valides. Peutêtre à l’armée de l’air,vous aurez des preuves. L’argent est sorti. Ils ont pris cet argent et ils se sont équipés. Ils se sont bien installés. C’est à partir de ce moment que nous avons commencé à entendre des voix d’enfants au poste. Parce que, ils ont payé beaucoup de transmissions, ils ont créé un réseau. Une fois que le réseau a été bien installé et stabilisé, ils ont commencé à détruire tous les pylônes. Nos populations ne pouvaient plus nous alerter. Et eux, puisqu’ils ont un autre système de communication, ils ont commencé à détruire tout le système de communication qui existait. Troisième chose négative, cela coupé le lien entre nous et les populations. Vous imaginez, on vous dit, c’est interdit de sortir. Vous êtes assis, la population vous appelle et vous avez interdiction de sortir. Vous êtes obligés de faire semblant de tourner. Le lendemain encore, ils vont dire. Qu’est- ce qu’ils commencent à nous dire ? Qu’il n’y a pas de vérité dans notre combat. Qu’eux, ils voient les gars, il nous appelle mais on ne vient jamais. On ne peut pas dire à ces populations- là qu’on a interdiction de sortir. Mais chacun est là dans son détachement. Finalement, les gens voyaient et ils nous disent plus. Parce qu’ils se disent qu’on les informe et ils ne viennent pas. Il y a eu beaucoup d’effets. Voilà ce que négocier donne. C’est juste déplacer le problème. Il n’est pas question de négocier, on va combattre. Il n’y a pas de temps mort pour quelqu’un.
Q : Vous avez tout récemment parlé de négociations et d’élections. Justement en ce qui concerne les élections, est-ce qu’elles restent encore une priorité pour la Transition à l’heure actuelle ?
C.I.T. : Vous avez dit Transition, on doit transiter vers ça. Mais en attendant c’est la guerre, il faut combattre. Quand les conditions s’y prêtent seulement, on y va. Si demain même, nous pouvons découvrir le maximum de bases et anéantir carrément la capacité de ces gens, après- demain vous organisez vos élections. Je pense que la CENI est active dessus avec une partie de l’exécutif. Donc nous combattons pour permettre au peuple d’aller vers ça et faire son choix. Aussi permettre à ceux qui viennent d’être élus de ne pas se limiter seulement au grand centre, d’aller vers les populations. Si on prend l’instant T aujourd’hui, on ne peut pas faire la campagne sur tout le Burkina Faso. Donc les élections, c’est à l’issue de ce processus.
Q :Et justement l’évaluation de la feuille de route de la Transition surtout avec la CEDEAO qui suit effectivement ce point.
C.I.T. :A ce volet, je pense que la CEDEAO devrait mettre en place un mécanisme de suivi. Il y a un mécanisme de suivi de la Transition. Et à chaque étape, je pense qu’ils vont venir échanger avec nous. Donc nous sommes à l’écoute.
Q : Est-ce que l’élan actuel de la reconquête du territoire national aujourd’hui permet de respecter le calendrier de la Transition ? Surtout qu’à la prise du pouvoir, vous avez déclaré que le calendrier prévu jusqu’en juin 2024 était large et qu’on pouvait tenir les élections après la sécurisation.
C.I.T. : C’est notre souhait de le faire bien avant. On a même souhaité que si on peut le faire tout de suite et que nous, nous retournons d’où nous sommes venus. Qui ne souhaite pas que ça finisse tout de suite ? Qui souhaite voir les gens mourir ? Tuer même les terroristes, ce n’est pas un plaisir de tuer. Ce sont des hommes burkinabè. Il faut qu’ils comprennent qu’ils doivent revenir à la raison. C’est un souhait et on espère rentrer dans le temps. Certes, ceux- mêmes qui nous ont parlé d’élections dès les premiers mois en novembre, décembre, ces mêmes refusaient de nous vendre des armes. Mais comment voulez-vous qu’on combatte rapidement pour faire des élections et vous refusez ? Ils nous ont fait perdre beaucoup de temps. Dieu merci, on est en train de trouver d’autres circuits. On a cette volonté d’aller vers ça.
Q : Monsieur le président, il y a la question de la démobilisation des combattants terroristes aujourd’hui, qu’est- ce qui est prévu pour accueillir ceux qui vont accepter de déposer les armes ?
C.I.T. :D’accord, il y a une commission qu’on a instruite de mettre en place qui est à un niveau bien donné, qui discute avec certains acteurs, notamment le monde judiciaire. Souvent, les terroristes ont peur de quelque chose, c’est de venir et qu’on les enferme. On discute avec eux pour trouver une autre solution. Ça veut dire leur réinsertion. Certains ont déposé les armes mais ont peur d’aller en prison. Moi-même je vous ai dit la dernière fois, attraper et enfermer, ce n’est pas la bonne chose. Ce n’est pas dans nos cultures d’enfermer. C’est la pire crainte de certains terroristes. Parce que d’autres sont démobilisés parmi eux des enfants. Nous avons même des enfants de 14 ans dans les rangs. Donc, il y a un processus qui est en cours. Il y a des discussions avec le monde judiciaire. Il faut mettre en place des structures. Ils ne peuvent pas être démobilisés et venir s’asseoir et se regarder, l’oisiveté est mère de tous les vices. Il faut leur trouver des activités. Dans ce sens, dans certaines zones, nous sommes en train de créer des zones de pâturage, de l’agroforesterie, délimiter des zones parce que ces arbres sont bien pour les animaux. Plusieurs domaines d’activités en fonction de ce que chacun voudrait. Nous allons leur permettre d’exercer pour produire pour la population. Peut -être que la peine serait un certain nombre de travail public au profit du Burkina. Nous sommes en train de voir même pour les prisonniers actuels. J’ai dit au ministère de la Justice de voir avec nos magistrats pour qu’on puisse mettre à profit la peine de travail d’intérêt public au lieu de les prendre et les enfermer dans le noir et les nourrir.
Q : Dans ce sens, qu’attendez-vous des leaders communautaires ?
C.I.T. : Nous avons eu beaucoup de rencontres qui ne sont pas souvent médiatisées. L’attente, c’est à eux de les faire revenir à la maison, il faut les rassurer qu’il y a une commission qui est mise en place qui discute avec le monde judiciaire pour trouver une solution pour que ce ne soit pas ce qu’ils pensent, pour les réinsérer et trouver autre chose. Les leaders communautaires doivent jouer ce rôle pour faire revenir à la maison beaucoup d’enfants qui sont égarés, partis sans savoir la raison, soit par la pauvreté qu’il y a des possibilités de revenir. Nous avons créé le centre d’alerte. Il y a des alertes et ceux qui appellent pour déposer les armes. Les leaders communautaires sont informés. Leur rôle est d’inciter ceux qui n’en peuvent plus rester dans la brousse et qui ont envie de revenir, de revenir. Nous donnons toutes les garanties de pouvoir les encadrer et les reconvertir.
Q : Que pensez-vous des Burkinabè qui ont du mal à accepter ceux qui ont tué des Burkinabè ?
C.I.T. : Cela existe et peut exister. Mais il s’agit de la communication. Il faut qu’à un moment donné, ils parlent de pardon. S’il accepte reconnaitre son tord et de dire qu’il a été sur le mauvais chemin. Beaucoup avouent. Ils regrettent ce qu’ils ont fait comme mal. S’il est prêt à travailler pour cette population, si nous arrivons à bien communiquer, les gens pourront pardonner. Les gens ne sont pas forcément aussi méchants que cela. Le gouvernement travaille sur plusieurs chantiers, notamment sur des programmes en matière d’agriculture, la bataille de l’eau, le secteur de l’élevage.
Q : Quelles sont vos actions prioritaires dans ces différents domaines ?
C.I.T. : Le développement, c’est aussi l’une des causes de cette guerre. Ils ont pu instrumentaliser les jeunes parce qu’ils n’ont rien à faire. Ils ne mangent pas à leur faim. C’est pourquoi, nous avons mis l’accent sur l’agriculture, l’élevage, l’accès à l’eau potable. Cela doit permettre de résoudre beaucoup de problèmes. Nous avons lancé beaucoup de programmes d’agriculture. Il y a aussi l’APEC qui va prendre en compte beaucoup de projets communautaires dans le sens de l’agriculture et l’élevage. Pour l’eau, nous avons lancé une centaine de forages, mais c’est minime. Car, le manque d’eau au Burkina est criant. Donc nous allons chercher à creuser autant que possible le maximum de forages, réhabiliter le maximum de barrages pour permettre aux gens de travailler. Parce qu’on a beaucoup de barrages dont les digues ne sont pas en bon état, elles sont en train de céder. Il faut reprendre tout cela. Pendant longtemps, nous avons construit des barrages qui ne sont pas exploités. Nous voulons exploiter tous ces paramètres et permettre aux Burkinabè de manger à leur faim. Les questions d’infrastructures, de construction de routes, sont également une priorité pour la Transition.J’ai été un témoin privilégié du départ des hostilités à Djibo. J’y étais depuis 2014 où les jeunes manifestaient pour la route Kongoussi/Djibo. S’il n’y a pas de routes, on ne peut rien exporter vers la ville. Les cultures pourrissent. Ils ne peuvent rien faire, ils sont sans revenus. Donc, la route participe à cette guerre. Nous avons décidé de lancer plusieurs routes, Fada/Matiacoali jusqu’à la frontière du Niger, Fada/Bogandé, la route de Titao. Nous souhaitons aller jusqu’à Djibo en continuant à Dori, si nous avons le financement. Kongoussi /Djibo a aussi commencé. Les études, il fallait les réévaluer. Cette phase est terminée. Donc, les travaux sont en train d’être lancés. Il y a beaucoup de routes que nous avons commencées et allons continuer de réaliser. Certains pensent que la Transition devrait se concentrer uniquement sur la guerre et laisser les questions de développement au gouvernement élu après.C’est la conception qu’ils ont de la guerre. La guerre est un tout. Il y a les armes mais aussi le développement. Et l’infrastructure fait partie. Je vous prends l’exemple d’une route au Mali que j’ai connue. C’est la route Tombouctou/Boundam. Vous savez combien de soldats burkinabè, maliens de la Minusma nous avons perdus sur cette route ? Beaucoup de personnes sont mortes sur cette route. Le fait d’avoir bitumé cette route, la criminalité a cessé sur cette route. Peut-être ceux qui attaquaient revendiquaient cela, peut-être qu’ils avaient besoin pour déposer les armes et travailler, de pouvoir faire passer leurs marchandises. La route contribue beaucoup à la lutte contre le terrorisme. Le développement est impératif. Comment l’ennemi a pu élargi son réseau de renseignements ? Vous trouvez un jeune homme du matin au soir qui ne peut pas avoir 100 F CFA, il est assis au kiosque tous les jours, ils négocient 100 F CFA pour boire du nescafé. Le terroriste l’identifie. Et, ces gens viennent les voir, il dit, prends ce téléphone je te donne 30 000 F CFA, ton rôle quand tu vois les FDS sortir, tu nous appelles pour donner la direction. Il va prendre et les renseigner. Ils ont ainsi un réseau de renseignements et sont au courant de tous nos mouvements. C’est la pauvreté. Il faut travailler à ce que ce jeune homme ait quelque chose à faire. Et, la chose la plus facile pour nous, c’est l’agriculture avec beaucoup d’autres domaines. Voilà pourquoi, nous cherchons les financements pour encourager ces genres de projets de développement. Ils ne seront plus nombreux à renseigner l’ennemi, ils ne prendront plus leur argent, car, il a quelque chose à faire.
Q : L’or sorti du sous-sol burkinabè profitera-t-il désormais aux Burkinabè ?
C.I.T. : Bien sûr. C’est aussi notre objectif principal. Nous avons beaucoup de mines industrielles. Il y a des Etats qui exploitent nos sols et refusent de nous aider. Nous les avons interpellés plusieurs fois et j’espère qu’ils vont comprendre l’appel. Hormis cela, l’or profite à l’ennemi. Donc, nous sommes en train de réorganiser l’orpaillage traditionnel parce que beaucoup de tonnes sont produites mais échappent aux contrôles, cela doit nous profiter. Le Code minier est en relecture mais n’est pas encore fini. Nous allons revoir cela. Nous produisons de l’or, mais nous avons aucune réserve d’or ; cela pose beaucoup de questions : pourquoi depuis des années, nous n’avons pas pensé à cela ? Nous cherchons à produire nous-mêmes. Pour les semimécanisés, nous y avons écrit les textes. C’est dans ce sens que nous avons écrit des textes pour faciliter la création des PME. Nous espérons que les Burkinabè pourront s’organiser pour exploiter notre or pour qu’il nous profite. Nous ne pourrons pas continuer à laisser nos ressources sortir.
Q : Le dernier conseil des ministres à Bobo-Dioulasso a pris des mesures pour alléger les charges…
C.I.T. : Bien sûr, c’est pour faciliter l’entreprenariat des jeunes. Beaucoup de personnes ont peur, lorsqu’il s’agit de créer une entreprise avec les droits d’enregistrement, TVA…Les deux premières années, ce n’est pas évident de bien fonctionner. Donc, le ministère des Finances a fait une évaluation pour annuler un certain nombre de taxes pour permettre aux jeunes de pouvoir créer librement leurs entreprises et de pouvoir grandir parce que c’est un secteur qui va employer beaucoup de personnes.
Q : Que pensez- vous de la mobilisation citoyenne autour de la Transition ? A quelques centaines de mètres d’ici, il y a un groupe de jeunes qui veillent jour et nuit sur la Transition. Etes-vous au courant ?
C.I.T. : Je ne peux pas dire que je ne suis pas au courant. Je passe aussi au rond-point et je les vois. Je suis touché parce que c’est cela qui nous motive avec tous les combattants sur le terrain. Lorsqu’ils savent que le peuple est mobilisé, cela ne peut que vous encourager à travailler pour le peuple parce que nous n’avons de compte à rendre qu’au peuple. Et, nous ne ferons que ce que le peuple souhaite. S’ils ont compris notre mission, la trajectoire, nous sommes très contents. Nous saluons cette mobilisation et disons aux gens de continuer de veiller parce que l’impérialisme trouve beaucoup de plans dans son sac.
Q : Quel message avez-vous à l’endroit des Burkinabè à cette étape de la guerre et de la reconquête du territoire national ?
C.I.T. : Que les gens puissent se mobiliser et veiller sur ce que nous sommes en train d’entreprendre. Nous invitions certains Burkinabè à être prudents et à se départir des manipulations parce que d’autres ne prient que pour voir le chaos. Nous savons beaucoup de choses et nous n’avons pas peur. Si jusque-là nous observons certains, il y a une limite à toute chose. Ces individus qui sont en train de chercher à perturber pour attirer notre attention ailleurs pendant que nous devons être concentrés sur la guerre, bientôt cela doit s’arrêter. Et, ceux qui continuent de nous soutenir, nous les remercions et encourageons dans ce sens parce qu’ils soutiennent la Transition mais surtout les combattants qui doivent libérer cette patrie, que cela motive, galvanise.
Source : Sidwaya