ActuBurkina
A la une Vie de stars

Amity Méria, artiste-musicienne : « La musique burkinabè a beaucoup gagné en quantité et en qualité »

L’invitée de actuburkina, cette semaine, est une grande dame, une pionnière, une diva de la musique burkinabè, qui totalise plus de 30 ans de carrière musicale. 30 ans de carrière avec des sonorités mandingues qui ont bercé et continuent de bercer les mélomanes burkinabè et bien au-delà. Vous l’aurez sans doute deviné, il s’agit de Amity Méria, de son vrai nom Mariam Dramé. Dans cet entretien qu’elle a bien voulu renseigner pour nous, la diva s’est prononcée sur la situation sécuritaire du pays. Une situation certes difficile mais elle reste tout de même optimiste car, dit-elle, « notre pays va bientôt se retrouver ». Sur la question de la musique burkinabè, la promotrice du centre culturel « Cœur de diva » estime que « la musique burkinabè a beaucoup gagné en quantité et en qualité » et mieux, celle-ci « a de beaux jours devant elle, surtout avec les jeunes ». En attendant, la diva invite les Burkinabè au diner-gala caritatif qu’elle organisera le 24 novembre prochain, en vue de soutenir les veuves et orphelins des Forces de défense et de sécurité et des VDP tombés au front.

Depuis 2015, le Burkina traverse une crise sécuritaire sans précédent. En tant qu’artiste, quel est l’impact de cette crise sécuritaire sur vos activités musicales ?

Effectivement, ce n’est pas du tout facile. Ce que je peux dire déjà, c’est que depuis plusieurs décennies, j’étais parmi les artistes qui aimaient organiser des tournées à l’intérieur du pays mais depuis 2015, les choses sont devenues difficiles. A cause de l’insécurité, nous n’arrivons plus à aller dans les différentes provinces du pays pour nos concerts et spectacles. Cette situation se ressent sur nos activités. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Après quelques tentatives, on a compris les choses et on a dû arrêter les tournées. Cela est vraiment dommage !

A quand remonte la date de votre dernier concert ? Y en a -t-il de prévu cette année ?

Nous sommes presque toutes les semaines dans les Play back mais la date de mon dernier concert, je précise, concert-live, remonte au 23 avril 2023. C’était au CENASA, placé sous le signe de la paix, de la résilience et de l’unité nationale. Il y a eu beaucoup d’allocutions de personnes-ressources parce que nous voulions, avant tout, célébrer l’unité de nos cœurs. Face à tout ce qui arrive dans notre pays, nous avions voulu dire tout simplement qu’il faut tenir le coup puisque, tous, dans nos cœurs, nous ne voulions que la paix, donc c’était pour nous, de réaffirmer la volonté de tous les Burkinabè à un retour de la paix, la quiétude, afin que nos enfants et petits-enfants puissent grandir paisiblement. C’était le thème de mon concert et par la grâce de Dieu, l’appel a été entendu, la paix a été célébrée et le pardon également. Nous nous sommes dit qu’il faut toujours être résilient et que cette résilience ne peut réussir que dans l’unité de tous les Burkinabè, et dans l’unité des cœurs. Nous avions fait salle comble et c’était vraiment l’objectif recherché et nous sommes repartis réconfortés.

 Vous avez fêté vos 30 ans de carrière musicale l’an passé. Lorsque vous regardez dans le rétroviseur, êtes-vous satisfaite de l’évolution de votre carrière ?

Disons qu’en matière d’art, l’essentiel est de vivre son art, de pratiquer son art. Nous sommes un peu des vecteurs de messages et l’essentiel est d’essayer, en tout cas, d’être à la hauteur. Ce n’est pas forcément d’être satisfait ou pas. Cela n’a aucun sens dans la pratique de l’art. C’est surtout la passion qui nous anime et cette passion est toujours vive, et nous la vivons toujours au quotidien. Je pense que c’est l’essentiel. Je rends grâce à Dieu qui m’a permis d’évoluer tout doucement jusqu’aujourd’hui et donc je peux dire que j’ai fait ma part et je continue de faire de la faire dans l’univers de l’art et de la musique. Je me dis que dans la vie, la satisfaction ou la désolation sont des concepts que je trouve très relatifs, et que l’on retrouve non seulement dans l’art mais aussi dans tous les domaines d’activités. Parfois il y a des hauts, parfois des bas, mais l’essentiel est de rester soi-même, d’essayer de remonter la pente à chaque fois que nous sommes en bas, sinon la satisfaction n’est pas linéaire tout comme le bonheur ne l’est pas non plus. Ce sont des instants, des successions d’instants qu’il faut savoir apprécier et l’essentiel est de savoir tirer des leçons de tout ce que nous vivons et tout ce que nous traversons. Le rétroviseur dont vous parlez me permets juste d’avoir la mesure des choses, de tirer des leçons et de continuer surtout à donner le meilleur de moi-même.

 Vivez-vous véritablement de votre art ?

Je vis véritablement de mon art et j’utilise ce que je gagne dans la pratique de mon art pour investir dans d’autres domaines, question de faire fructifier mes gains. Sinon, l’activité principale de ma vie, c’est la musique. J’essaie de m’organiser avec le peu que je gagne surtout j’évite de vivre au-dessus de mes moyens. Je vis avec ce que j’ai, je m’organise avec ce que j’ai. Donc je vis de mon art.

Quels sont vos projets à court et moyen termes, musicalement parlant ?

Projets à moyen terme, je dirai que c’est d’essayer de développer l’espace culturel « Cœur de diva » que j’ai créé, de faire fonctionner cet espace pour le bonheur de tous les artistes, que ce soient les artistes-musiciens, artistes-plasticiens, bref les artistes de tous les domaines de l’art. C’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. Il est vrai que cela fait un bon bout de temps que je suis dans la musique mais j’ai jugé bon, en tout cas, de créer un espace d’expressions. Pour le moment, nous sommes situés sur le boulevard Mouammar Kadhafi pas très loin de l’échangeur de Ouaga 2000. A moyen terme, c’est le premier projet que j’essaie de développer. Il y a également que j’ai en projet d’organiser un concert, mais cette fois-ci, ce sera un diner-gala caritatif pour soutenir les veuves de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et ce sera, s’il plait à Dieu, le 24 novembre prochain. Ce sont les deux projets sur lesquels je me focalise en ce moment.

Vous êtes une doyenne de la musique burkinabè. Quelle appréciation faites-vous de cette musique aujourd’hui ?

Je pense que la musique burkinabè est en pleine ébullition, elle prend son envol avec la jeune génération et j’en suis très fière. La musique burkinabè a beaucoup gagné en quantité et en qualité. Il est vrai qu’avant il n’y avait pas d’infrastructures réelles en matière de musique mais aujourd’hui, nous avons tout pour faire de la musique. Avec l’avènement des séquenceurs, faire la musique aujourd’hui est devenue plus facile. Cependant la difficulté réside dans le fait qu’avec les séquenceurs, on a tout à la fois et donc les données sont énormes et il faut choisir dans toute cette grosse donnée pour essayer de faire la musique. Donc il y a trop de choix en fait, techniquement parlant. Autant c’est devenu plus facile avec les séquenceurs, autant c’est devenu difficile pour les artistes dans le choix des sons, des mélodies, de tout ce qu’il faut agencer pour qu’une musique soit à la hauteur des attentes des mélomanes.

 

La diva de la musique burkinabè, Amity Méria

En plus de cela, il y a le phénomène de l’internet qui fait que la musique physique a tendance à disparaitre. Je veux dire qu’on achète plus la musique physiquement, c’est des sites aujourd’hui donc, personnellement, je trouve que la jeune génération s’en sort encore très bien par rapport à nous autres qui ne sommes pas de la génération internet.  La 3e chose que je peux dire, concernant la musique burkinabè et qui est valable pour toutes les musiques du monde, c’est qu’on a aujourd’hui la musique virtuelle qui est venue s’ajouter à la musique réelle et donc aujourd’hui, les artistes ont le choix de se pencher plus vers la musique virtuelle, ou vers la musique réelle.  Il y a même la musique à intelligence artificielle.

Pour ma part, je suis plus dans le réel par rapport au virtuel. C’est un choix artistique et cela se comprend parce que quand nous avions commencé la musique, il n’y avait pas internet, tout ce qui était virtuel, donc c’est normal et naturel que nous penchions beaucoup plus pour la musique réelle. En tout cas, je pense que la musique burkinabè a de beaux jours devant elle et surtout avec les jeunes. Le danger, c’est qu’il faut savoir faire les bons choix parce qu’on en a trop.

Quel regard critique jetez-vous sur la politique culturelle aujourd’hui au Burkina ?

C’est un gros point d’interrogation. Je pense humblement que la priorité du Burkina, c’est sa sécurisation face au terrorisme, la priorité aujourd’hui, c’est la paix dans notre pays. Il est vrai que malgré tout ce que nous traversons, la culture doit vivre mais je crois que la politique culturelle pourra mieux se faire valoir quand le territoire sera sécurisé, quand la paix reviendra dans notre pays, à mon humble avis.  Je n’aimerais pas du tout être à la place des autorités de cette politique culturelle actuellement parce qu’elles ont du pain sur la planche. Je pense que chaque chose a son temps. J’ai espoir et je suis optimiste que notre pays va bientôt se retrouver et que la culture ira de plus en plus loin et de plus en plus forte. Malgré cette situation sécuritaire, nous voyons les artistes se battre et se débattre, pour contribuer, à leur manière, à l’effort de guerre, et aussi contribuer à leur manière à soutenir les personnes vulnérables, les personnes déplacées internes, les veuves, les orphelins de guerre. Je pense que la culture continue de se faire valoir malgré la situation difficile. Les artistes continuent de donner de la voix, c’est cela le plus important aujourd’hui.

 Un message à l’endroit de vos milliers de fans d’ici et d’ailleurs ?

Je remercie toutes les personnes qui ont cru en moi depuis mes débuts jusqu’aujourd’hui. Cela fait déjà trois décennies que je suis sur la scène et je leur dis infiniment merci pour leur fidélité. Je pense que tant que j’aurai des fans, j’aurai la force de continuer la musique.  J’invite donc les uns et les autres à venir nous soutenir précisément le 24 novembre prochain, pour le gala caritatif que nous organisons, à venir faire parler leur cœur pour qu’ensemble, nous puissions soutenir les veuves et orphelins de nos FDS et VDP. Il faut être dans la réalité de ces femmes pour comprendre leurs souffrances. Que Dieu nous assiste et bénisse notre pays !  Que la paix revienne, et que la culture puisse continuer de vivre et d’exceller. Je vous remercie.

Propos recueillis par Colette DRABO

Articles similaires

MALI : La CÉDÉAO lève ses sanctions

ActuBurkina

Cour des comptes : le rapport public 2022 remis au Chef de l’Etat

ActuBurkina

Musique : Martin N’terry met sur le marché du disque, « Moogho »

ActuBurkina

Laisser un Commentaire

ACTUBURKINA

GRATUIT
VOIR