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Absence de Roch Kaboré à la rencontre des anciens présidents : « Les arguments du Président Kaboré très peu convaincants », Moritié Camara

Dans cette tribune, le Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales, Moritié Camara donne son opinion sur l’absence du président Roch Marc Christian Kaboré à la rencontre des anciens chefs-d’Etat initiée par le président de la transition, Paul-Henri Sandaogo Damiba le vendredi 8 juillet 2022. Dans son analyse, il laisse comprendre que « les arguments du Président Kaboré son très peu convaincants ».

«Le refus de l’ex-président Burkina Faso Kaboré de participer à la réunion des anciens Chefs d’Etats m’a causé une furieuse envie de réagir.

En effet, l’ancien président Burkina Faso Rock Kaboré n’a pas assisté au sommet des anciens Chefs d’État convoqué par le régime militaire le 8 juillet 2022 pour échanger sur la situation difficile que traverse le pays et qui porte en elle la capacité de remettre en cause jusqu’à son existence.

Pour justifier cette absence le Président Kaboré a évoqué la présence devant son domicile de quelques dizaines de ses partisans prêts à l’empêcher de se rendre à Kossyam. Selon lui cette situation est à mettre au compte de la présence du Président Compaoré condamné il y a peu, à la prison à l’éternité par un juge de Ouagadougou dans l’affaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara en octobre 1987.

Les arguments du Président Kaboré semblent pour le moindre tirés par les cheveux donc très peu convaincants et pour cause.

Un leader en politique qui plus est un ancien chef d’état est celui-là même qui montre la voie et de qui on est en droit d’attendre un dépassement salvateur face à toutes les questions qui portent sur l’intérêt supérieur du pays au service duquel il justifie son engagement public.

Il parle d’un risque de débordement pouvant occasionner des blessés si les policiers dépêchés devant son domicile utilisaient la force pour disperser la foule qui était loin de celle qui a participé au jubilé de platine de la Reine d’Angleterre à Londres le 2 juin dernier.

Sauf que nul besoin d’en arriver là! Il suffisait simplement pour « l’assiégé » de se poster devant son domicile et expliquer à la foule qui lui n’était en rien hostile, la nécessité du dépassement devant les périls auxquels le pays est confronté et le fait que l’intérêt supérieur de celui-ci est au-dessus et transcendant à toutes espèces de considérations furent-elles judiciaires, juridiques ou rancunières.

Cet exercice auquel il aurait pu et dû se livrer sans aucune prescription autre que celle de son sens de l’Etat (dont l’absence ne peut qu’être impardonnable) aurait eu pour vertu de transformer l’état d’ébriété émotionnelle de ladite foule (sic) en un état de sobriété mentale nécessaire à la saine appréciation des enjeux du moment. Sauf qu’il ne l’a pas fait et voilà!

Dès lors, en boycottant cette rencontre il en a réduit la portée ce qui était certainement le but recherché et gagné une étoile à accrocher à son ego, mais que gagne le Burkina Faso à celà?

Personne n’a oublié et certainement pas lui, que le Burkina Faso sous le règne de Compaoré quoi qu’on puisse en dire, a cessé d’être une arrière-cour de la Côte d’Ivoire pour devenir un véritable État respecté, stable, influent avec un réel leadership qui jouait un rôle moteur dans la sous-région et en Afrique.

La contribution du Président Compaoré a la résolution de l’équation sécuritaire à laquelle le pays est confronté peut être décisive et c’est cela qui doit compter à un moment ou les morts se comptent par dizaines chaque jour et que des millions de gens vivent dans des conditions très difficiles loin de leurs foyers d’origine.

Tout cela est moins inquiétant que «les questions judiciaires» selon le Président Kaboré qui dans son adresse à la presse a prononcé cette expression à plusieurs reprises comme un mantra.

Au demeurant le Président Compaoré a été condamné qu’en 2022 pour l’assassinat de son prédécesseur, mais depuis la mort de ce dernier, sa culpabilité a été établie par les modalités de cet assassinat et encore plus largement par l’opinion publique burkinabè et africaine, donc rien de nouveau.

Cela n’a cependant pas gêné Marc Kaboré d’être l’un des plus proches collaborateurs de Compaoré durant plus de 25 ans avant de quitter le navire lorsque les premières fissures laissaient l’eau y pénétrer. Son silence adhésif pendant 25 ans sur la nécessité d’élucider les circonstances de la mort de Sankara par voie et voix de justice, le disqualifie à se définir aujourd’hui comme chantre de cette cause. Le saint et l’assassin qui se nourrissent à la même source ont forcément quelque chose en commun.

En plus, l’évocation de sa prévention en ce qui concerne le respect de la constitution et la séparation des pouvoirs ne peut être admise.

En effet, c’est au nom du respect strict de la constitution que lui et d’autres ont fait souffler sur le Burkina Faso un vent qui, s’il n’a pas décorné les bœufs, a emporté Compaoré et son régime dans des modalités qui restent à élucider en ce qui concerne notamment le rôle de l’armée dans cette chute. Le fait marquant une fois Compaoré parti, est d’avoir soutenu une transition anticonstitutionnelle. Pour un légaliste cela fait désordre!

C’est en cela que réagissant à la vague de coups d’Etats qui a déferlé sur l’Afrique de l’ouest ces derniers temps le Président Rwandais Paul Kagamé dira: «Si sous un gouvernement civil la situation se détériore et que les gens meurent, que les problèmes s’accumulent et qu’en plus les autorités se servent des militaires pour truquer les élections, qui doit-on blâmer lorsque l’armée renverse ces gouvernements?»

Au total ce qui pourrait justifier au mieux et à l’évidence l’absence du Président Kaboré à la concertation des anciens Chefs d’Etat le 8 juillet est son désir de ne pas légitimer une initiative qui pourrait profiter en termes de gains politiques au banni (Compaoré) dont l’éloignement lui a permis d’être oint Roi et à l’ennemi (le militaire Paul-Henri Sandaogo Damiba) qui l’a forcé à abdiquer.

Ce type de calcul politicien serait normal et admissible en temps calme mais pas au moment ou le pays se trouve dans l’œil du cyclone.»

 Moritié Camara, Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales

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