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YACOUBA ISAAC ZIDA, EX-PM DE LA TRANSITION : « J’ai été victime d’un complot politique qui dépasse même le cadre du MPP»

La présidentielle 2020 est déjà là et tous les candidats en lice affûtent leurs armes pour occuper le fauteuil présidentiel au soir du 22 novembre prochain. Mais une question taraude les esprits de nombreux Burkinabè, à quand le retour réel de Yacouba Iaac Zida au bercail ? Si plus d’un Burkina en doute, le candidat est formel : « je serai bientôt au Burkina parmi les miens ». A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, l’ancien Premier ministre et chef d’Etat se prononce sur divers sujets dont ceux relatifs à la réconciliation, au mandat d’arrêt lancé à son encontre, etc.  

 

La validation de votre candidature par la CENI puis par le Conseil Constitutionnel constitue-t-elle en soit une surprise pour vous ? Autrement dit, est-  ce que vous vous attendiez vraiment à cette validation ?

Yacouba Isaac Zida : La validation de ma candidature ne m’a pas surpris. Je savais quels étaient les obstacles qui allaient se poser, et bien entendu, toutes les dispositions étaient prises pour les surmonter. D’un point de vue juridique, mon dossier était bon comme celui de tout Burkinabè désireux de candidater, mais là où le problème se posait c’est qu’au plan politique, Zida est un adversaire contre qui un combat a été déclenché depuis cinq années. La validation de ma candidature constituant ainsi un pied de nez pour ce pouvoir, il était tout à fait logique qu’ils le combattent. Mais c’est encore une fois mal me connaître. Ma candidature est bien validée et nous voilà ensemble sur la ligne de départ. Seul le peuple est souverain et c’est lui seul qui doit nous départager.

Maintenant que c’est chose faite, allez-vous rentrer au bercail pour prendre part au scrutin comme tous les autres candidats ?

Évidemment, mon retour est plus que jamais à l’ordre du jour. Je n’ai d’ailleurs jamais renoncé à revenir au pays mais j’ai cru bon de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce retour se fasse dans les meilleures conditions. J’ai été victime d’une machination, d’un complot politique qui dépasse même le cadre du MPP. Aujourd’hui que tout le monde a compris de quoi il s’agissait, je pense qu’il faut remettre les pendules à l’heure. Je ne demande pas des faveurs particulières même si j’en ai droit au regard de mon statut d’ancien chef de l’Etat, mais je ne permettrai à personne de tenter de m’humilier pour plaire à ses maîtres.

Mais quand allez-vous rentrer ?

Bientôt, je serai au Burkina Faso parmi les miens. Encore là, je prends le peuple burkinabè à témoin pour que mes efforts pour préserver la paix et la quiétude de nos concitoyens soient appréciés à leur juste valeur.

Un mandat d’arrêt a été émis à votre encontre. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de faire face à la justice pour lever tous les équivoques sur votre personne ?

Oui, il paraît qu’un mandat d’arrêt a été émis contre moi, ce qui est un incongruité au niveau du droit burkinabè. Savez-vous combien de militaires burkinabè désertent chaque année l’armée ? Dites-moi un seul qui a fait l’objet d’un mandat ? Aucun. Eh bien, je connais très bien les règles qui régissent l’armée et face à un tel cas de figure, l’autorité militaire émet un avis de recherche qui est envoyé dans toutes les garnisons militaires du pays et lorsque l’intéressé est introuvable, on engage sa procédure de radiation. J’ai assisté à des dizaines de cas similaires quand j’étais militaire. C’est donc curieux que le cas de désertion de Zida fasse l’objet d’un mandat international comme s’il s’agissait d’un crime.

Si on vous suit, vous remettez ce mandat d’arrêt en cause ?

Ce mandat est un total non-sens et il ne tiendrait même pas face à un juriste stagiaire. C’est une action conduite par la haine et qui, malheureusement, discrédite encore une fois notre pays et ses institutions au niveau l’international. Quand les gens qui entendent tous les jours que des Burkinabè sont massacrés du fait du terrorisme, apprennent que les gouvernants n’ont rien trouvé de mieux à faire que de traquer un concitoyen qui a choisi de vivre autrement sa vie que d’être militaire. On appelle cela un droit fondamental ailleurs et dans toutes les sphères de la vie active,  tu entres quand tu veux et tu quittes quand tu veux sans avoir d’explications à donner à qui que ce soit.

 Pour le Président du Faso, il n’y a aucun exilé politique burkinabè et tous  ceux qui sont hors du pays peuvent rentrer quand ils le souhaitent. Etes-vous de cet avis ?

Bien entendu, il ne sait pas quelle est la définition du terme exilé politique. Toute personne qui vit hors de sa patrie volontairement ou sous la contrainte pour échapper à la menace ou à la persécution est un exilé. Blaise Compaoré, François Compaoré, Yacouba Isaac Zida et bien d’autres sont tous des exilés politiques.

Par moment, on est enclin à ignorer les choses jusqu’au moment où l’on se retrouve soi-même là-dedans ; mais cela dit, je ne lui souhaite pas l’exil politique.

 

Certaines figures politiques avaient posé comme préalables aux élections, la réconciliation nationale. Finalement, on y est allé dans les conditions que vous connaissez. Quelle est votre approche sur la question ?

Le Burkina Faso ne peut pas faire l’économie de la réconciliation nationale parce que nous avons atteint un stade où notre nation est fondamentalement divisée. Des hommes et des femmes, des familles entières, des groupes ethniques, ne se sentent plus appartenir à cette nation. Je crois que ça ne va pas tenir longtemps si nous ne nous asseyons pas pour ressouder les morceaux. Qu’on le veuille ou pas, nous sommes une même famille et quels que soient les problèmes qui sont intervenus, il faut les régler au sein de la famille. Je constate malheureusement que la dynamique enclenchée sous la transition avec la commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) n’a pas eu de suivi. La création du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) est un fiasco total parce que l’institution s’est bureaucratisée et a complètement dévoyé sa mission. Nulle part au monde la réconciliation n’est confiée à une structure comme la nôtre. Nous nous attendions à un haut conseil qui ait une mission de réconcilier les Burkinabè (des violences causées de telle période à telle période) et cette mission doit être impartie d’un délai bien précis de 18 mois à deux années maximum. Mais actuellement, c’est une tanière de vieux retraités amis du président qui croient qu’ils ont trouvé un endroit pour finir leurs vieux jours. C’est regrettable mais prenez les statuts de toutes les commissions de réconciliations que ce monde a connues, vous verrez toujours la mission et le délai, sauf encore au Burkina Faso. En plus de cette carence institutionnelle, il faut reconnaître que la question de la réconciliation est devenue un objet de chantage politique, puisqu’on a entendu le président Kaboré dire sur les ondes qu’il irait à la réconciliation en faisant rentrer les exilés politiques (dont il ne reconnaît pas l’existence par devant) si toutefois il était réélu. C’est vraiment une insulte, un manque de considération à tout le peuple burkinabè que de marchander sa cohésion et son vivre-ensemble, comme si on était à un marché de galettes.

Vous êtes candidat parce que, surement, vous croyez en vos chances de gagner. Mais si vous veniez à perdre, accepteriez-vous les résultats des urnes ?

Je vais sûrement gagner cette élection. Il faut que vous sachiez que je suis un démocrate dans l’âme et je ne crois pas à la dictature d’une minorité qui prétend être éclairée. C’est pourquoi j’invite dès à présent ceux qui vont perdre, notamment le président sortant, à accepter le choix du peuple burkinabè.  Je le dis parce que nous assistons très souvent à des hold up électoraux dans nos pays d’Afrique ; mais cela ne passera pas au Burkina. Nous devons tous, sans exception, nous soumettre à la volonté du peuple exprimée à travers son suffrage. Cela est sans doute la plus belle manière de prouver son respect non seulement pour notre peuple, mais aussi pour nos propres convictions de démocrates.

Que proposez-vous aux Burkinabè comme projet de société ?

Je propose à mes sœurs et frères du Burkina Faso de bâtir ensemble avec eux tous un Burkina meilleur.

C’est quoi un Burkina meilleur ?

Le Burkina meilleur, c’est un pays sûr, stable, d’espoir, de progrès et durable. Notre programme est décliné en 150 engagements prioritaires qui prennent en compte tous les aspects de la vie socio-économique du Burkina Faso afin d’y opérer une transformation structurelle visant à réaliser dans les meilleurs délais, le Burkina de nos rêves, le Burkina meilleur. Le premier axe concerne la sécurité. L’insécurité est en train de devenir endémique dans notre pays. Notre territoire a des parties qui échappent au contrôle de l’État et ça, ce sont les prémices d’un Etat en faillite. Nous devons très rapidement reprendre le contrôle de nos 274 200 Kilomètres carrés et y exercer notre souveraineté. Personne n’a le droit de disposer d’un m2 de notre territoire et d’y régenter la vie de nos communautés.  Mais l’insécurité, c’est aussi dans les villes et dans chaque village et nous allons organiser la sécurité de manière à garantir à chaque Burkinabè, la sécurité chez lui dans sa famille, sur son lieu de travail et lors de tous ses déplacements.

Le second axe concerne la stabilité et l’espoir des Burkinabè. Aujourd’hui, nos populations sont sur le qui-vive, l’angoisse et le stress les ont envahis et cela n’est pas de nature à assurer un bien être individuel et collectif. La réconciliation est d’une extrême priorité car il faut arriver à recréer les conditions nécessaires au vivre ensemble.  Les hommes politiques, les communautés, doivent comprendre que le Faso est notre patrimoine commun et qu’il faut le préserver. Nos différences, si nous les acceptons, vont constituer un enrichissement et non pas engendrer la division. Tout est question de dialogue. Il y a un proverbe mossi qui dit que « lorsque les aveugles sont éloignés les uns des autres, ils se lancent des pierres ». Pourquoi cela ? Parce que chacun ignore tout sur les autres et par conséquent, s’en méfie. Les garants et les facilitateurs du dialogue de la réconciliation et de la cohésion sociale doivent reprendre la place qui leur revient. Il s’agit des autorités traditionnelles, coutumières et religieuses. Les coutumiers notamment doivent quitter la sphère politique pour préserver leur crédibilité au sein de la société burkinabè. C’est pourquoi nous allons constitutionnaliser le haut conseil de la chefferie traditionnelle qui prendra, de manière pleine et pérenne, sa place dans la société moderne burkinabè. Sur le plan de l’administration, il y aura des assises nationales de l’administration auquel les syndicats joueront un rôle essentiel afin de définir les objectifs et les politiques en toute transparence. Toujours sur l’administration, sa modernisation sera accélérée car on ne peut pas continuer à fonctionner comme une administration des années 80, et enfin, nous allons dépolitiser l’administration publique en faisant en sorte que les fonctionnaire avancent et occupent les postes de responsabilité par leurs compétences et ancienneté et non pas par clientélisme politique. Tous les postes de direction seront soumis à appel à candidatures.  Aucun fonctionnaire ne pourra être affecté avant le temps de service prévu pour son poste sauf s’il le demande ou en cas de grave faute. Nous croyons que les femmes et les hommes du Burkina sont compétents et capables de donner le meilleur d’eux-mêmes en toute conscience professionnelle quand ils sont débarrassés de toute pression politique.

Le troisième axe est la construction d’un Burkina prospère. Notre pays dispose des ressources humaines et naturelles nécessaires pour construire notre développement. Nous allons continuer de qualifier ces ressources humaines en mettant l’accent sur les formations techniques et technologiques. Pendant la transition politique, nous avions pris la décision que tout élève burkinabè qui obtenait le Bac série C était automatiquement admissible à la bourse pour l’université, peu importe sa moyenne. Nous avions fait le constant que les élèves préféraient s’orienter dans d’autres séries pour être sûr d’avoir le Bac avec au moins 12 de moyenne requis pour prétendre à la bourse. C’est vous dire que nous avons mis en place des systèmes inadaptés qui nuisent à notre progrès. Il faut que nous ayons l’audace de changer les choses. Il y a vingt ans, lorsque les premiers miniers se sont intéressés à notre pays, nous avons adopté un Code minier très attractif en 2003 pour attirer le plus d’investisseurs possible. Aujourd’hui, nous n’avons pas fait évoluer considérablement ce code même s’il est une catastrophe pour nous et nos enfants. L’or, vous le savez, n’est pas une ressource renouvelable et s’il est fini, on n’en parle plus. Nous allons changer cela afin que cette ressource serve à booster tout en diversifiant notre développement. En Chine par exemple, si vous y aller pour ouvrir même une boutique de chaussures, la loi vous oblige à avoir un partenaire local majoritaire. Au Ghana voisin, le code minier exige que 51% du capital de chaque mine soit détenu par des Ghanéens. Nous devons aller dans ce sens pour enrichir les Burkinabè qui sont intéressés par le secteur. Aucun pays ne peut se développer sans avoir développé son secteur industriel. Au Burkina, nous allons construire des usines dans les secteurs agroalimentaires ainsi que dans tous les autres secteurs de la transformation. La consommation des produits burkinabè doit aller de pair avec la production nationale, puisque si nous ne produisons pas ce que le consommateur veut, il ira acheter ce qui est produit ailleurs. En un mot, nous devons transformer cette économie de consommation dans laquelle nous sommes, en une économie de production-consommation.

En même temps que nous créons de la production, nous créerons des emplois décents pour les Burkinabè. L’entreprenariat sera fortement encouragé chez les femmes et les jeunes.

Le quatrième axe est relatif à la construction d’un Burkina durable. C’est Antoine de Saint-Exupéry qui a dit que « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Toute notre action doit être guidée par le souci de la préservation de ce pays, de cette terre sur laquelle nos enfants vont vivre demain. Il ne s’agit donc pas de tout détruire et leur laisser un environnement invivable. Sur les plans de l’énergie, nous devons, en même temps que nous œuvrons à atteindre et à dépasser nos besoins énergétique, assurer que nous développons davantage d’énergies propres comme le solaire, et ce n’est pas ce qui manque. La préservation de l’environnement sera au cœur de nos actions.

Quel est votre message de cœur à l’endroit des Burkinabè ?

Le peuple burkinabè a énormément souffert ces cinq dernières années. Nous avons perdu près de 3 000 compatriotes dans les attaques terroristes, nous comptons 2 millions de déplacés avec près de 500 000 enfants qui ne vont plus à l’école, errant par-ci et par-là avec leurs parents sans domicile, plus de 2 millions de Burkinabè menacés par la famine, et la liste est encore longue.

Je salue une fois de plus la mémoire des civils et soldats qui sont tombés sous la fureur des terroristes. J’adresse encore ma sympathie à leurs familles et proches.

Je voudrais dire au peuple burkinabè d’Est en Ouest et du Nord au Sud que je salue son courage et sa grande résilience. Toutefois, nous ne devons pas continuer ainsi. Il nous faut nous mettre debout et barrer la route à ceux qui troublent notre paix. Pour réussir cela, il nous faut absolument changer ceux qui sont à la tête de notre pays. Un proverbe de chez nous dit bien que « si tu tombes, ne regarde pas là où tu es tombé mais regarde plutôt là où tu as trébuché ». Nos malheurs de ces cinq dernières années sont liés au mauvais choix que nous avons fait en 2015 de confier notre destin au MPP et à son président Roch Marc Christian Kaboré.

Peuple du Burkina, j’ai une seule chose à te dire, le 22 novembre 2020, fais le bon choix, pour ta survie, ta sécurité, ta stabilité, ton espérance et ton développement durable.

Interview réalisée par Fidèle KONSIAMBO

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1 commentaire

ZONGO 15 novembre 2020 at 17 h 27 min

C’est formidable tout ça mais comment peut on prétendre à tous ces traîtres :
General Ancien président et PM et vouloir être libre de ces mouvements,,,,,

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