Il a décidé de s’inscrire dans le registre musical Reggae pour dénoncer les tares de la société pour que règnent la justice et la paix au pays des hommes intègres, en Afrique et dans le monde. Lui, c’est Oscibi Jhoann qui était dans les locaux de actuburkina.net, le 3 mai dernier. Dans une interview que le styliste-modéliste de formation a bien voulue nous accorder, ce membre fondateur du mouvement le Balai citoyen et artiste appelle à l’union, la cohésion pour bouter « les terroristes déjà essoufflés » du fait de la puissance de feu de nos combattants, hors des frontières du pays des hommes intègres. Lisez plutôt !
Selon nos informations, Oscibi Jhoann est un styliste-modéliste de formation. D’où vous est venu cette passion pour la musique, en particulier le Reggae ?
Vos informations sont justes. J’ai une formation de styliste-modéliste, spécialité en coupe européenne-dame. Je l’ai exercée pendant plus de 15 ans et c’est avec ces revenus que j’ai fait mes premières maquettes et enregistrer mon premier album, « Juste et justice » sorti au Burkina en 1999 et qui a eu un franc succès. Pour ce qui est de la passion pour la musique, il faut dire qu’aux premiers moments, je n’étais pas trop musique, j’ai plutôt pratiqué la chorale religieuse. Par la suite, j’avais voulu m’exprimer sur la scène culturelle en plus de la mode et le Reggae s’est vite offert à moi parce que c’est une musique qui revendique la justice, la probité, qui lutte contre la corruption et l’impunité. Alors comme de nature, je n’aime pas l’injustice, naturellement le Reggae qui est pour moi une musique d’expression, de construction était l’option toute trouvée pour moi, car à mon sens, la paix c’est la justice et non le contraire.
N’avez-vous pas, à ce jour, perdu la main pour ce qui est de votre métier de styliste-modéliste ?
Non ! je n’ai pas perdu la main. De temps en temps, je rends visite à des camarades et la nuit, je couds pour garder la main. Parce que la couture, c’est comme quelqu’un qui a un permis et s’il ne conduit pas, il perd la main. Mais en ce qui me concerne, je conduis souvent même si je ne le fais au grand jour. A vrai dire, je n’ai pas laissé tomber la couture, elle m’intéresse.
Combien d’albums totalisez-vous à ce jour ?
J’ai à mon compteur 6 albums dont le dernier « Sougouri Balgo » sorti en 2021 et dont nous sommes en train de faire la promotion. Actuellement, j’ai fait sortir un single appelé « Rabaké », qui traite de l’actualité nationale, notamment la lutte contre le terrorisme.
Vous êtes un Reggae-maker. Ce style de musique est-il vendable au Burkina et nourrit-il vraiment son homme ?
Le style de musique reggae-music est vendable mais difficilement parce que lorsque la politique opte pour l’achat des consciences, lorsque le suivisme et le népotisme sont souvent le credo des politiques, la musique reggae est combattue jusqu’à sa racine. Nous sommes, en tant que reggae-man prônant la probité et la justice, combattus par les systèmes de gouvernance. En plus de cela, il y a la perversité qui est devenue une ligne politique pour berner la jeunesse. Donc le reggae qui est une musique de prise de conscience, n’est pas bien vu. Sinon le reggae est vendu et vendable au Burkina, en Afrique et dans le monde. C’est une musique commerciale.
De quoi vit Oscibi Jhoann ? De la musique ou de la couture … ?
Vous savez, la musique n’est pas que vente d’albums. La musique, c’est un carnet d’adresses, c’est de la stratégie. On n’a pas forcément besoin de remplir des stades pour vivre de sa musique. On a besoin d’être organisé. Pour revenir à votre question, je vous réponds que je vis de la musique et d’un carnet d’adresses que j’entretiens. Je dois dire que je suis très actif sur Youtube. Si vous y allez, vous verrez que je ne peux pas faire un an sans faire un clip, sans être dans l’actualité. Si fait que quand je pars toucher mes droits d’auteurs au Bureau burkinabè des droits d’auteurs (BBDA). C’est un chèque que je reçois. Donc, en clair, je vis de mon art.
On le sait, les artistes engagés ont très souvent des problèmes avec les gouvernants de leur pays. Quelle est votre expérience personnelle ?
Quand on est artiste engagé, on n’est pas forcément invité à la table des rois, on n’est pas forcément invité à prester à Kossyam. Naturellement, je prends l’exemple de 2014 où nous étions dans les rues pour dire non à la modification de l’article 37. Mais nous étions pratiquement l’ami de tous ceux qui voulaient que Blaise Compaoré parte. Mais lorsqu’ils sont venus au pouvoir, certains reggaemakers dénonciateurs de la corruption et du népotisme, n’ont jamais joué au palais. Mais nous nous sommes préparés à cela et nous ne sommes ni étonnés, ni surpris. C’est la population qui est surtout notre boussole. Lorsque tu fais ce genre de travail et que tu as la reconnaissance du public, c’est cela ta récompense. Sinon, tu ne peux pas faire du reggae et manger à la table du prince régnant.
Le Burkina traverse une crise sécuritaire depuis maintenant 7 ans. Vous en tant qu’artiste engagé, quelle est votre contribution dans cette lutte ?
Notre contribution, c’est d’abord notre posture qui est de montrer partout où nous sommes que nous sommes en guerre, montrer que c’est ensemble que nous pourrons gagner cette guerre, montrer que la lutte contre le terrorisme passe par la solidarité avec les autorités, les Forces de défense et de sécurité (FDS), les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Faire comprendre à la population que sans la paix, il n’y a pas de développement et que pour avoir la paix, il faut combattre. Les grands pays que nous envions ont traversé ce genre de difficultés, ont enregistré des pertes en vies humaines avant de bâtir leur pays qui gagne. Aujourd’hui, notre pays fait face au terrorisme et nous disons que nous sommes sur la voie de la victoire, sur la voie de vaincre le mal. Il faut que les Burkinabè comprennent que le Burkina n’est pas un pays pauvre, parce que le pauvre n’est jamais attaqué. Notre message à la population, c’est de se donner la main parce que le terrorisme est essoufflé, les terroristes sont essoufflés et c’est à nous de continuer de persévérer car, comme l’a dit Thomas Sankara, la victoire est à notre portée.
Quel est le regard que vous portez aujourd’hui sur la musique burkinabè en général ?
Quels sont vos projets, à court et moyen termes ?
D’abord, j’ai fait sortir un single le 13 février 2023 qui s’appelle « Rabaké » qui parle du vivre-ensemble et dans ce single, je dis tout simplement que le terrorisme n’est ni régional, ni ethnique. Il est l’axe du mal et nous devons nous donner la main pour le combattre. Je suis donc en train de me battre pour faire sortir une vidéo afin qu’elle soit vue et surtout, nous allons faire un scénario qui rappelle aux uns et aux autres que c’est ensemble que nous pouvons gagner la guerre, développer notre pays le Burkina Faso. C’est une façon pour moi de booster notre lutte contre le terrorisme.
Parlant des jeunes, y a-t-il certains qui vous approchent pour bénéficier de vos expériences et conseils en tant qu’artiste musicien ?
On sait qu’en plus de votre casquette de styliste-modéliste, d’artiste musicien, vous faites partie d’une Organisation de la société civile, notamment le Balai citoyen dont vous êtes l’un des membres fondateurs. Certains de vos camarades, notamment Me Guy Hervé Kam n’est plus du mouvement, Sams’K le Djah réside aux Etats-unis. Cela n’a-t-il pas un peu fragilisé votre mouvement qu’on ne sent plus comme aux premiers heures de sa création ?
Oui naturellement, ce n’est pas parce que les gens ont muté en politique que vous sentez la fragilisation, non. Sous le régime du MPP, ils ont travaillé à discréditer la société civile et notre mouvement n’a pas été épargné. Rappelez-vous que c’est le même système qui nous accusait d’avoir volé des parcelles, d’avoir des V8 et même d’avoir acheté des maisons en Côte d’Ivoire. Naturellement, nous sommes des humains, nous avons pris des coups mais le mouvement demeure toujours et il travaille. Par ailleurs, le mouvement doit aussi faire sa mutation car on n’est plus en 2014, on ne doit plus être là avec des calculatrices. Soit on est avec un système soit on est contre. On doit prendre des positions assez claires. Donc, il est grand temps, qu’on fasse comme le mouvement Y’en a marre au Sénégal qui, après l’élection de Macky Sall, s’est retrouvé avec l’opposition. Ceci pour dire que notre mouvement respire la forme et continue d’observer la politique nationale. Mieux, le Balai citoyen mobilise la jeunesse afin que nous puissions gagner la guerre contre le terrorisme. Ce que je souhaite, c’est que le mouvement essaye d’évoluer, car toute société civile qui ne va pas dans le sens de l’évolution, de l’anticipation risque d’être immergée par certains évènements politiques. Par exemple, dans le cas de la transition que nous vivons aujourd’hui, j’avais voulu qu’on affiche clairement notre position parce que ce n’est pas le moment de porter une tenue de mouvement de la société civil, mais chacun devrait porter une tenue militaire et être carrément au front. Si vous allez sur ma page Facebook, vous constaterez que je suis carrément un soutien du MPSR II parce qu’on n’a pas le choix, c’est ensemble que nous allons gagner la guerre.
Quel est votre message à l’endroit des Burkinabè?
Je lance cet appel à l’endroit de toute la population burkinabè pour dire que notre pays est attaqué et on ne peut gagner la guerre que par la solidarité, la cohésion sociale. Le terrorisme, je le répète, n’est ni régional, ni ethnique, ni culturel. C’est un mal et un mal n’a pas de couleur. Soyons donc bien organisés, évitons la stigmatisation parce que si on gagne la guerre contre le terrorisme par la stigmatisation, on ne pourra pas gérer l’après-guerre. La victoire est à notre portée, les terroristes sont en débandade, c’est à nous de savoir ce qu’on veut. La Patrie ou la mort, nous vaincrons !
Propos recueillis et retranscrits par Colette DRABO