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Naël Melerd, artiste-slameur burkinabè : « J’ai tout ce qu’il faut pour sortir des albums… mais cela ne m’intéresse pas pour l’instant »

Il fait partie des grands noms des artistes-slameurs burkinabè tant il force l’admiration du fait de la profondeur de ses textes et des messages qui y sont véhiculés. Lui, c’est Rayangnewendé Eliphèle Nathanaël Minoungou à l’état civil, mais Naël Melerd comme nom d’artiste. Nous l’avons rencontré le 19 décembre 2023, à son domicile dans un quartier de Ouagadougou et au cours de nos échanges, il est revenu sur ses débuts dans le slam, les nombreuses activités qu’il mène, ses relations avec les autres slameurs et surtout ce vœu cher qu’il nourrit, à savoir se « lancer dans la formation de la relève » pour vider son trop-plein. Faites de plus amples connaissances avec l’homme de la mélocriture, de la déviacriture et de la parfacriture, dans  cette interview ci-dessous.

 Vous êtes un artiste slameur, comment êtes-vous arrivé dans le slam ? Et pourquoi le choix de ce genre musical ?

Je peux dire que je suis issu d’une famille de musiciens parce que mon père était pianiste et maître de chœur dans une chorale. Il composait également des chansons d’église. Si fait que j’ai côtoyé les instruments de musique assez tôt.  En réalité, j’aime écrire, que ce soit des chansons ou des poèmes. Mais le déclic avec le slam est venu quand j’étais en classe de seconde en 2009, précisément pendant un cours de Français sur les rimes. J’ai aimé la leçon et il y avait des exercices que j’ai faits, c’était tellement bien fait et ç’a été mis au tableau et tout le monde avait aimé et recopié. Depuis cette période, j’écrivais des textes, juste pour le plaisir et j’en avais plein dans mon cahier. Après ma Terminale, je suivais l’émission « Je slam pour ma patrie » un jour à la télévision nationale et je voyais des gens qui déclamaient. J’ai dit à ma famille que c’est ce genre de textes que j’écrivais. C’était à Tenkodogo. Et l’année d’après, j’ai postulé et j’ai remporté et c’est ainsi que les choses sont parties. Mais en réalité, je n’ai pas choisi le slam parce que je travaille sur beaucoup d’autres styles de musique qui ne sont pas connus mais que je trouve meilleur que le slam.  Etant donné que personne ne connait ces styles musicaux, je suis juste vu comme étant le slameur.

En écoutant vos chansons, on constate que vous avez des textes très profonds et de conscientisation. D’où tirez-vous votre inspiration ?

A la base, je définis l’inspiration comme étant une substance abstraite, assez spirituelle provenant d’un monde parallèle. Pour ma part, je dirai que ça vient de Dieu. C’est un don et j’ai développé diverses méthodes de travail. Il y a par exemple la  mélocriture, de la déviacriture, la parfacriture sur laquelle je suis en train de travailler actuellement. Ce sont des procédés de relation poétique avec des démarches scientifiques. Ce qui fait que je peux enseigner ce que je fais parce que je les ai rangés dans des formats pédagogiques. J’ai terminé le premier module qui est la mélocriture, et dans mes recherches j’ai constaté qu’il y avait des limites et j’ai développé le 2e qui est la déviacriture que j’ai aussi terminée. Je suis maintenant sur le 3e module qui est la parfacriture, c’est-à-dire l’écriture la plus parfaite. Peut-être que je n’arriverai pas à la finir de mon vivant mais néanmoins, les deux sont déjà prêts.

Depuis combien d’année faites-vous le slam et combien d’albums ou de textes avez-vous ?

Officiellement, je vais dire que c’est en 2016 mais je n’ai pas d’album pour le moment. En réalité, le fait d’avoir un album ne m’intéresse pour le moment. Sinon, j’ai tout ce qu’il faut pour sortir des albums et actuellement je suis à plus de 500 créations et si je les divise par 15, j’aurai plus d’une vingtaine d’albums mais cela ne m’intéresse pas parce que je ne vois pas l’urgence. Il est vrai que j’ai un studio et j’ai enregistré pas mal de textes et pour faire un album, il me suffit de ramasser et faire sortir. Mais un album, pour moi, doit apporter quelque chose d’assez spectaculaire et pour le moment, je trouve que je n’ai pas besoin de cela. Peut-être que je le ferai quand je vais commencer à viser une dimension internationale. Souvent, par rapport au public, il faut changer le texte et si c’est un album défini, tu ne peux que faire avec et pour moi, cela coupe la communication en temps réel. Par définition, le slam c’est l’interaction que quelqu’un qui a un art, avec un public en temps réel. Ce qui veut dire qu’au fond, on ne peut pas avoir un album de slam mais on peut avoir un album de poésie, car dès qu’on dit slam, c’est qu’il y a du live. Donc j’essaie de ne pas trahir cet esprit mais je sais que ça va venir parce que j’ai pas mal de sons enregistrés et, un jour, je vais les faire sortir mais pas pour le moment.

Que faites-vous en dehors du slam ?

A la base, je suis un ingénieur minier de formation. J’ai fait mes études d’ingénieur à l’université, j’ai fini, j’ai travaillé et j’ai ensuite démissionné pour faire la musique. J’ai aussi fait des études de cinéma et là je suis un réalisateur cinéma. En réalité, je suis beaucoup dans la création, tout ce qui me permets de créer, d’inventer des histoires, de raconter quelque chose. Au-delà de cela, j’ai une entreprise appelée le Bloc.O, qui est une entreprise de communication et de production. C’est d’ailleurs au sein de cette entreprise que nous formons beaucoup de jeunes au métier du cinéma, des arts, de la poésie, sur les techniques d’écriture, de prise de parole. On a des projets d’envergure concernant la musique, etc. Quand on prend le volet réalisation de l’entreprise, on a un studio d’enregistrements de clips vidéo, de shoots photos et au niveau de la cellule de communication, on fait les affiches, de la conception, etc.  On a également une salle de répétition live pour les artistes et une cafète. Tout ceci m’a pris énormément du temps ces derniers moments. Donc à part le slam, j’essaie de faire marcher cette boite sans oublier que je traite souvent avec les mines en ce qui concerne l’organisation des fêtes, la location de matériel, la sono et tout. J’ambitionne d’apporter ma contribution pourquoi pas dans la communication de crise à laquelle notre pays fait face parce que j’ai plein d’idées que je réunis et on verra ce que ça va donner le moment venu.

L’ artiste Slameur, Naël Melerd

A vous entendre, vous avez plusieurs casquettes mais où vous sentez-vous réellement ?

Pour être franc, je me sens vraiment bien dans la réalisation. En effet, il peut arriver qu’un domaine te réussisse facilement sans que tu ne fasses beaucoup d’efforts, c’est mon cas avec le slam.  En fait, je n’ai besoin de souffrir pour écrire un texte. Lors de mes prestations, souvent, je vois des gens tellement concentrés, couler des larmes mais je n’ai pas prévu cela en fait. Mais là où je me bats pour imprimer mes marques, c’est dans la réalisation. Mais le problème avec la réalisation, c’est que c’est qu’elle est très budgétivore. Pour le moment, on essaie de faire de petits scénarii mais j’ambitionne de faire quelque chose de grand qui va étonner tout le monde.

Pensez-vous que le slam a de l’avenir au Burkina ?

Oui, le slam a de l’avenir parce que le slam a une bonne relève. Quand j’observe, actuellement, il y a de jeunes frères qui sont en train de monter, très poignants. Quand un art a de la relève, forcément il a de l’avenir. Je suppose qu’ils vont développer beaucoup d’autres manières de faire, travailler à relever le niveau. Je pense que dans la mesure où on aura besoin du slam, le slam aura un avenir. L’autre avantage est que nos dirigeants ont beaucoup compris. Dans les cérémonies, la plupart du temps, on fait appel aux slameurs pour faire des créations, cela a poussé le slam très loin. Tant qu’il y aura la demande, l’avenir sera assuré.

Quels sont vos rapports avec les autres slameurs ?

Il y a ce que j’entends dire et il y a ce que je pense. On me taxe d’être quelqu’un de solitaire, qui n’appartient pas à un clan et qui ne participe pas aux organisations. Certains vont jusqu’à me taxer même d’orgueilleux.  Mais en réalité, c’est une erreur de jugement parce que je suis quelqu’un d’assez réservé, introverti de nature. Cependant, quand je suis avec quelqu’un, je suis totalement ouvert si bien qu’ils me trouvent si cool qu’ils ne comprennent pas pourquoi je suis distant. Souvent, il se trouve que j’ai mille et une occupations si fait que je n’ai même pas le temps de remarquer les activités organisées et les gens qualifient cela d’orgueilleux, mais ce n’est pas le cas. Je n’ai de problème personnel avec aucun slameur. Je cause très bien avec tous.

Certains vous approchent-ils pour des collaborations ?

Oui, j’en ai fait.  Il y a aussi des lauréats de l’émission « Je slame pour ma patrie » qui sont passés au bureau et on a échangé sur leur projet de carrière et tout. Je peux dire que ça va.

Quel est votre regard sur la musique burkinabè dans son ensemble ?

 

Quels sont vos projets à court et moyens termes en ce qui concerne le slam ?

Je veux plus me lancer dans la formation de la relève. Comme je l’ai dit plus haut, j’ai travaillé sur deux procédés qui ont abouti, à savoir la mélocriture et la déviacriture qui sont des produits disponibles. Je pense déjà à comment transmettre ce savoir car c’est ce qui m’importe maintenant. Quand tu es plein, il faut te vider sinon tu stagnes donc moi je veux me vider et chercher encore plus loin. A moyen termes, je pense que je vais parler d’album et plus loin, c’est voir comment viser l’international à travers des collaborations d’écriture avec des artistes.

Un message à l’endroit de vos fans ?

 

Propos recueillis par Colette DRABO

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