Difficile de parler du cinéma burkinabè sans évoquer son nom. « Rue princesse », « La nuit de la vérité », « Quand les éléphants se battent » ou encore « Une femme pas comme les autres » sont entre autres films dans lesquels elle a démontré ses talents d’actrice. Mais elle n’a pas que cette seule casquette car en plus d’être comédienne de cinéma, elle excelle dans des métiers de sa formation initiale, à savoir la communication. En effet, propriétaire d’une agence de communication et d’une régie publicitaire, elle est également promotrice des Celebrities days qui se tiennent à chaque édition du FESPACO. Vous l’aurez certainement deviné, il s’agit de Georgette Paré, une grande dame au riche et long parcours cinématographique. Dans cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder le 14 août dernier, la diplômée d’attachée de presse et des relations publiques revient sur ses débuts dans le cinéma, son regard sur le cinéma burkinabè et africain et ses attentes. A ce titre, elle a émis le vœu que des mécanismes soient mis en place de sorte à ce que le cinéma puisse s’autofinancer et s’auto produire car il est avant tout du business. Bref, c’est un riche entretien que nous vous invitons à savourer tout simplement !
Actuburkina : Présentez-vous à nos lecteurs.
Georgette Paré : Je suis Georgette Paré, comédienne de cinéma. Mais j’ai fait des études de communication, j’ai une formation d’attaché de presse et des relations publiques et en plus d’être comédienne, j’ai une agence de communication, une régie publicitaire. Je suis productrice d’évènementiels et à chaque édition du FESPACO, j’organise les Celebrities days et suis dans les industries culturelles et créatives. J’ai produit une pièce de théâtre qu’on appelle « Larmes des armes » qui circule en ce moment mais qu’on va reprendre à la rentrée prochaine, au mois de septembre. Donc j’ai plusieurs casquettes : je suis actrice sur les bords et communicatrice d’évènements.
On entend souvent dire comédien, acteur de cinéma. Y a-t-il une différence entre les deux ?
Non, dire qu’on est comédien peut renvoyer au théâtre, à plusieurs autres aspects de l’art, de jouer. Dire que je suis actrice de cinéma, c’est précis ; comédien, c’est générique. Sinon, les deux appellations peuvent se dire.
On vous voit de moins en moins dans les films ces derniers moments. Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est un choix parce que j’ai commencé en tant qu’actrice depuis 1989 et par la suite, j’ai voulu tester les autres métiers du cinéma. À un moment donné, je me suis un peu éloignée de la scène tout en ayant toujours un pied dans le cinéma. Je fais la production, la promotion par rapport à ce que j’ai appris lors de ma formation sur le terrain et, du coup, avec la création de mon entreprise, j’avais mis en berne le jeu d’acteur pour essayer de donner vie et corps à ce que j’ai appris à l’école, qu’est la communication. Je ne suis vraiment pas partie parce que c’est un métier qui, lorsque vous l’embrassez, vous colle, vous reste et quand vous vous en éloignez, il commence à vous manquer. Donc je suis et je demeure comédienne. J’ai fait quelques films ces derniers temps et sûrement qu’au FESPACO prochain, vous aurez l’occasion de les voir.
Racontez-nous comment est née votre passion pour le cinéma ?
Comme je l’ai dit, c’est en 1989 que j’ai démarré donc cela fait 35 ans que je suis dans le métier. A l’époque, le métier n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Aujourd’hui, on peut à la limite se former pour être comédien mais à l’époque, quand j’arrivais dans le cinéma, je n’avais pas décidé d’être actrice de cinéma. Je dirai que le métier m’a rencontrée comme par hasard et il se trouvait que j’étais fascinée également surtout du fait du FESPACO qui avait lieu tous les deux ans au Burkina. J’ai donc rencontré le cinéma et, bizarrement, il s’est trouvé être le métier que Dieu a choisi pour moi.
Vous avez joué dans de nombreux films. Quel a été le rôle qui a été difficile à jouer pour vous ?
Je dirai que tous les rôles sont difficiles parce qu’à partir du moment où on vous demande d’être quelqu’un que vous n’êtes pas, naturellement il faut aller chercher, à devenir ce qu’on vous demande d’être. Donc je ne pourrai pas vous dire exactement le rôle qui m’a paru le plus difficile mais toujours est-il qu’en tant que comédien, quand on vous donne un personnage à incarner naturellement, vous essayez de l’être et de bien le rendre. Mais toujours est-il que chaque personnage que j’ai eu à incarner, a été une occasion d’aller à la découverte de ce personnage et chercher vraiment à mieux le rendre.
Certaines personnes affirment que dans le milieu du cinéma, les femmes sont beaucoup victimes de propositions indécentes. Quel commentaire faites-vous ?
En tant que femme de culture, quel regard avez-vous sur le cinéma burkinabè aujourd’hui ?
Le cinéma burkinabè, à l’instar des autres cinémas, cherche naturellement à se faire une belle place. Il se trouve que nous avons une certaine longueur d’avance sur les autres et cela nous a amenés à dormir un peu sur nos lauriers mais les autres sont en train d’aller à la vitesse grand V. Sinon je pense que pour notre cinéma se porte assez bien, mais il gagnerait à aller davantage de l’avant et à maintenir sa place de capital du cinéma africain. C’est vrai qu’on a été très tôt coopté par le cinéma et les décisions politiques nous ont donné une certaine longueur d’avance pour pouvoir être ce que nous sommes aujourd’hui. Nous avons des techniciens qui sont prisés sur la scène internationale, des comédiens toujours sollicités à l’international, sans oublier que nous avons de grands réalisateurs, et aussi la relève qui est assurée. Je pense que le cinéma burkinabé a toutes ses chances de s’améliorer, d’aller de l’avant et de maintenir son privilège. Nous avons connu quelque moment de balbutiement mais cela est tout à fait normal dans la vie d’un métier ou dans l’évolution des choses. Il peut arriver qu’on trébuche à un moment et qu’on se ressaisisse ensuite. J’ai confiance que les professionnels que nous avons et la nouvelle génération de cinéastes qui est en train de monter en collaboration avec l’ancienne qui a toutes les qualités requises, ensemble, on pourra donner de la hauteur à notre cinéma.
Comment expliquez-vous le fait que depuis 1997, le Burkina court derrière l’Etalon d’or de Yennega sans pouvoir le remporter ? Est-ce à dire que les films burkinabè ne sont pas aussi compétitifs que les autres ?
Très tôt, le Burkina a montré ce qu’il savait faire en matière de cinéma. Il a connu de grands réalisateurs tels que Gaston Kaboré, Idrissa Ouédraogo, Pierre Yaméogo, Dany Kouyaté, Fanta Regina Nacro, et j’en oublie. Le pays a montré ses qualités en matière de cinéma et je me dis c’est ce qui nous a amenés à dormir sur nos lauriers et les autres qui nous voyaient rafler les Etalons, se sont vraiment mis à travailler. Très rapidement, les gens ont compris l’importance du cinéma et les pays se sont mis à investir dans leur cinéma ainsi que les partenaires qui ont aussi investi davantage dans la cinématographie. Mais il faut se dire que si depuis 1997 le Burkina n’a pas encore l’Etalon d’or, c’est parce que le FESPACO est un festival très sérieux et il n’a pas de parti pris. C’est la qualité des films est mise en avant et le jury est souverain. Aussi, ce n’est parce qu’on est Burkinabè ou que Ouagadougou est la capitale du cinéma qu’obligatoirement, l’Etalon d’or devrait nous revenir. Je pense cela doit nous amener à nous remettre en question et à revoir notre manière de travailler pour revenir sur la scène. Moi je ne suis pas choquée qu’on n’ait pas encore remporté l’Etalon depuis 1997 parce que quand on voit des films à côté des nôtres, si on est honnête, on ne peut qu’admettre que nous sommes bons mais comparer aux films présentés, on a de petites défaillances quelque part. Ce n’est pas pour autant que nos cinéastes déméritent mais il se trouve qu’ils sont en face d’autres cinéastes plus compétitifs, plus imaginatifs ou qui disposent de plus de moyens pour réaliser leurs films. Car il faut le reconnaitre, le cinéma coûte assez cher et pour pouvoir faire une belle création, il faut franchement un minimum de moyens.
Justement, pensez-vous que les autorités accompagnent-elles comme il se doit le cinéma burkinabè ?
Vous êtes la promotrice des Celebrities days organisés en marge de chaque édition du FESPACO. Quel objectif visent ces Celebrities days ? Et après plusieurs éditions, êtes-vous fière d’avoir initié cet évènement ?
J’ai initié les Celebrities days pour répondre à quelque chose que j’estime qu’il manquait à notre cinéma. Franchement le cinéma, comme on le dit, c’est le rêve et ceux qui font rêver, ce sont ceux qui jouent dans les films, ce sont les comédiens. Des comédiens, nous en avons, des têtes d’affiches, des célébrités, nous en avons. Quand vous regardez un film, c’est le jeu d’acteur qui vous convainc que le film est bon. C’est-à-dire que vous ne connaissez pas le film a été écrit par quelqu’un, que c’est quelqu’un qui l’a filmé. La première personne qui vous fait croire au film, c’est l’acteur en face de vous. Ça n’a pas commencé par nous, mais par ceux qui ont créé le cinéma, qui ont trouvé que la magie du cinéma provenait d’abord de ceux qui savaient rendre les émotions c’est-à-dire les acteurs. A partir de cet instant, moi-même en tant qu’actrice ayant tourné dans pas mal de festivals, j’ai vu comment les comédiens étaient mis à l’honneur. Parce que, lorsqu’un film sort, c’est l’acteur qu’on voit. Indiscutablement, c’est lui qui, quand le film est bon, on dira que c’est bon et si le film n’est pas bon aussi, on dira qu’il a joué comme un pied. Donc l’idée de faire des Celebrities days pendant le FESPACO, c’est de reconnaître tout le mérite que les acteurs ont, c’est de faire rêver les gens et donner une certaine âme à notre cinéma. Donc je dirai que c’est par rapport à mon métier, ce que moi-même j’appréhende chez les autres acteurs. Je me suis dit quoi de plus normal que d’en créer ici et de faire venir des acteurs célèbres. Aussi, le public a besoin d’être en contact avec ces acteurs. Donc l’idée m’est venue, avec d’autres amis et partenaires, de faire venir des têtes d’affiches, des célébrités pour qu’en plus des films en compétitions, en plus de cette grand-messe du cinéma, il y ait quelque part ce côté vivant parce que quand tu te retrouves en face qu’une célébrité, que tu as vu dans un film et qu’elle est en face de toi, cela donne autre chose. Quand vous les voyez de visu, c’est merveilleux et pour moi, c’est beau. Quand vous partez au festival de Cannes, on rencontre des célébrités de tous genres ; ce n’est pas uniquement celles des films, mais il y a des célébrités du sport, de la musique. Et c’est ce que j’ai voulu en initiant les Celebrities days, c’est-à-dire convier des célébrités du monde entier pour pouvoir alimenter davantage la fête du cinéma.
Nous sommes au terme de cet entretien. Qu’auriez-vous souhaité dire qu’on n’a pas abordé ?
Ce que je peux souhaiter à notre cinéma, c’est de se remettre en selle, d’être compétitif, de s’autofinancer et de trouver les mécanismes qu’il faut pour s’auto produire. Qu’il y ait beaucoup de productions et qu’on quitte une production pour aller à une autre et que les comédiens passent de plateau en plateau. Qu’ils jouent à l’international parce c’est un métier et un métier, ça se vit à 100 à l’heure. Il y a des comédiens qui ont des plannings sur deux, trois, quatre voire cinq ans. C’est ce que je souhaite à toute la chaine de la production. Je veux que notre cinéma soit vivant et que ce métier que nous avons choisi de faire, nous nourrisse, qu’on en vive et qu’il fasse notre bonheur, le bonheur des cinéphiles et de nos fans.
Propos recueillis et retranscrits par Colette DRABO