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Exhumation de Thomas Sankara: un processus long et sous pression

Depuis lundi matin, la justice burkinabè a engagé les exhumations des dépouilles supposées de l’ancien président Thomas Sankara et de ses frères d’armes dans le cimetière de Dagnoen à Ouagadougou.

L’épaisse dalle de béton de la sépulture supposée de Thomas Sankara a été cassée vers 8h ce mardi matin. Selon nos informations, les enquêteurs ont découvert de nombreux ossements et des morceaux de tissus. « Les ossements devraient permettre de reconstituer le squelette », nous a indiqué une source judiciaire. Il faudra désormais attendre les tests génétiques pour savoir s’il s’agit bien de la dépouille de Thomas Sankara.

Promesses des politiques

Ces exhumations des dépouilles étaient l’une des grandes promesses des autorités de la transition. Grande promesse notamment du président de la transition. Lors de son discours d’investiture le 21 novembre dernier, Michel Kafando a annoncé : « Au nom de la réconciliation nationale, j’ai décidé que les investigations pour identifier le corps du président Thomas Sankara seront menées ». Une déclaration saluée par la foule, signe que ce dossier est essentiel pour tous les Burkinabè.

Une semaine plus tard, le Premier ministre de la transition, Isaac Yacouba Zida, a même été plus loin. Lors d’une grande conférence de presse, il a en effet annoncé que le dossier Sankara serait entièrement rouvert : « La poursuite des présumés coupables va être entreprise, la justice sera rendue ». Pour le lieutenant-colonel Zida, l’ex-chef de l’Etat Blaise Compaoré est d’ailleurs « au minimum » un personnage central de l’affaire Sankara. « Si, au niveau de la justice, une plainte est déposée, je pense que nous allons demander au Maroc de mettre le président Compaoré à la disposition de la justice », a-t-il prévenu. Depuis, l’ex-numéro un du Faso a quitté le Maroc et s’est installé chez le voisin ivoirien.

Et après ces grandes déclarations, les autorités de la transition ont été ensuite bien silencieuses. Le dossier Sankara est ressorti début mars. Le 4, lors du Conseil des ministres, le gouvernement a signé un décret qui donnait l’autorisation à la famille Sankara d’ouvrir la tombe du cimetière de Dagnoen et de faire analyser la dépouille qui s’y trouve. Pour la famille, cette décision n’avait pas de sens, car elle estime que l’identification n’est qu’une étape du processus judiciaire et que c’est bien évidemment à un juge de lancer ces expertises. Sur notre antenne, Blandine Sankara, l’une des petites sœurs du capitaine, a déclaré début mars : « On fait les analyses et après ? Fin du dossier ? Nous voulons connaitre la vérité et c’est à la justice de faire ce travail ».

Pression de l’armée ?

On peut se demander si l’armée n’a pas fait pression en début d’année sur les autorités de la transition pour limiter les investigations. Précisément sur Isaac Yacouba Zida qui est donc Premier ministre, mais également – et c’est important – ministre de la Défense. Avant la chute de Compoaré, Zida était l’un des chefs du RSP, le régiment de sécurité présidentielle, le bras armé de Blaise Compoaré. Le futur de ce régiment est toujours en discussions au Faso, les responsables de la révolution de novembre dernier exigent sa dissolution. Dans l’entourage de Thomas Sankara, certains estiment que des cadres de ce corps d’élite sont liés ou ont des informations sur les assassinats du capitaine et de ses hommes et doivent donc être entendus par la justice.

Mais, malgré la chute de Compoaré, l’enquête restait au point mort. Juridiquement, c’est la justice militaire – Thomas Sankara était militaire – qui est depuis 1987 en charge de ce dossier. Or, le seul habilité à relancer la procédure, c’était le ministre de la Défense : Isaac Yacouba Zida. Après le décret de début mars, le gouvernement a finalement changé de braquet trois semaines plus tard. Le 25 mars, Isaac Yacouba Zida a pris ses responsabilités et nommé un juge.

Ce juge a donc relancé dans la foulée l’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara et entendu notamment la semaine passée la veuve de l’ancien président, Mariam Sankara. Partie du Faso en 1987, revenue une seule fois en 2007, elle est de retour au pays depuis le 15 mai. C’est elle qui est à l’origine de la seule plainte dans ce dossier. Sa première audition, le 19, a duré huit heures. A la sortie, Mariam Sankara a indiqué qu’elle était revenue sur toute l’histoire et qu’elle attend bien évidemment que la justice fasse désormais son travail. « Il faut rester vigilant », a-t-elle affirmé à la presse.

Pour la famille Sankara, l’exhumation du corps est une étape du processus judiciaire, mais elle est aussi l’occasion de commencer officiellement le deuil. Depuis 1987, le régime Compoaré a toujours interdit les cérémonies religieuses. Il y a aussi l’attente de tout un peuple qui veut désormais savoir comment et par qui le capitaine Thom’ Sank’, comme le surnomment les Burkinabè, a été assassiné le 15 octobre 1987.

RFI

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