Ancien ministre de la Culture de son pays, il fait partie des grandes figures non seulement du cinéma de son pays, mais aussi de tout le continent. La preuve, il a remporté l’Etalon de Yennenga en 1995 avec son film « Guimba ». Récemment, il a été reconduit en tant que secrétaire général de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI). Lui, c’est Cheick Oumar Sissoko, cinéaste malien. Présent à Ouagadougou dans le cadre du FESPACO, nous l’avons rencontré le 25 février 2019 et avons échangé avec lui, entre autres, sur le parcours du FESPACO 50 ans après, sa vision pour la biennale du cinéma panafricain dans les 50 années à venir, etc.
« Le Pays » : Le FESPACO a 50 ans. Comment appréciez-vous son parcours depuis sa création jusqu’à ce jour ?
Cheick Oumar Sissoko : C’est un parcours créatif parce qu’il a amené tout le continent et la diaspora à se mobiliser pour faire des films et les présenter ici. C’est un parcours qui a su faire en sorte que le FESPACO devienne le plus beau et le plus grand évènement culturel panafricain. C’est aussi un parcours intéressant puisque le monde s’est attaché au FESPACO, l’a aimé et participe à ce FESPACO-là.
Comment voyez-vous le FESPACO dans les 50 années à venir?
Dans 50 ans, je serai en train de sucrer les mangues. Je pense que dans 50 ans, l’Afrique aura un autre visage. Nos pays connaîtront un autre développement et, à l’évidence, notre cinéma va pouvoir s’exposer dans le monde et le FESPACO sera un festival unique en son genre, magnifique, avec des films qui vont pouvoir être distribués. Parce que dans 50 ans, il y aura des salles de cinéma partout, de grands films et nos enfants auront fait de grandes écoles de cinéma.
Certains Etats demandent une organisation tournante du FESPACO. Quel est votre commentaire sur la question ?
Je pense que c’est l’illusion qui les habite. Parce que le FESPACO, c’est le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Le O c’est Ouagadougou. Ceux qui veulent cela, n’ont qu’à créer un festival chez eux. C’est de l’illusion. Ceux qui disent cela, c’est parce qu’ils aimeraient bien pouvoir bénéficier de l’image que le FESPACO donne au Burkina Faso. Ils aimeraient bien pouvoir bénéficier des richesses que ce festival apporte à l’économie locale.
Lors de la cérémonie d’ouverture du FESPACO le 23 février dernier, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Mahamat Faki , a annoncé la création d’une commission africaine de l’audiovisuel et du cinéma. Nous savons bien que cela était un des combats de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI). Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Vous avez bien raison en disant que c’était un des combats de la FEPACI mais, en réalité, c’est elle qui a déposé un dossier à l’UA en 2003 et c’est elle qui s’est battue de 2003 à 2016 pour que cette institution soit créée. Toutes les dépenses des réunions liées à la mise en place de cette commission ont été le fait de la FEPACI, avec le soutien politique et financier du Kenya. Même les voyages des Etats, des membres de l’UA, ont été faits à partir des fonds de la FEPACI, des fonds qui ont été mis à la disposition de la FEPACI par le Kenya. Il a oublié de le signaler et cette commission, c’est nous qui la voulons, et il faut l’animer. Nous serons dans le conseil d’administration. Cela, pour permettre aux autorités de réfléchir sur les problèmes et les solutions.
Le cinéma, c’est aussi l’engagement des politiques. Pensez-vous que les chefs d’Etat africains sont suffisamment déterminés à promouvoir le 7e art ?
Aujourd’hui, les politiques commencent à comprendre. Mais leur engagement est lié au fait que nous leur exposons notre vision, des programmes. En cela, nous manquons d’intelligence et de solidarité. Très sincèrement. Parce que des pays tels le Maroc, le Sénégal, la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, le Mali, le Burkina Faso, etc., se sont engagés sur la base du travail des cinéastes. Les Etats étaient obligés, sous la férule des Programmes d’ajustements structurels (PAS) du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, de réduire les budgets sociaux. La culture n’était pas leur tasse de thé parce qu’ils ne pouvaient pas engager des fonds. Aujourd’hui, les politiques comprennent que la culture est un facteur de développement, de paix, de prospérité et de stabilité.
Propos recueillis par Colette DRABO