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Abbé Paul Dah, au sujet du carême: « Le chrétien doit se priver de tout ce qui l’éloigne de Dieu et des autres »

 Ce mercredi 22 février 2023, l’Eglise débute son temps liturgique, appelé temps de carême. Quarante jours de prières, de pénitence et de partages qui conduiront les chrétiens catholiques à la joie pascale, le jour de Pâques. Dans un entretien avec l’Abbé Paul Dah, chargé de communication de la Conférence épiscopale Burkina-Niger (CEBN), le 20 février dernier à Ouagadougou, l’homme de Dieu est revenu sur le sens du carême, ses exigences ainsi que sur des conseils pratiques pour un carême solidaire. Lisez plutôt pour en savoir davantage !

 Le mercredi des cendres marque le début du temps de carême.  Que représente ce jour pour l’Eglise et les chrétiens catholiques ?

 En partant de la Bible, la cendre apparaît comme un symbole de pénitence et de fragilité, et finalement d’une prise de conscience par l’homme de son état de pécheur. C’est dans cette dynamique et cette perspective que s’inscrit le mercredi des cendres dont la signification est l’humilité devant Dieu, le fait de se reconnaître pécheur et fragile, limité, mais avec la ferme volonté ou résolution de se convertir.  Comme on le voit, il ne s’agit pas de nous culpabiliser mais «de recevoir la possibilité de « repartir du Christ », ainsi qu’aimait à le dire le saint pape Jean-Paul II. C’est tout le sens d’une des deux formules que le prêtre est invité à prononcer, au choix, lorsqu’il impose les cendres : « Convertis-toi et crois à l’Evangile» ou bien «souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière». C’est donc un jour de pénitence où les fidèles sont invités à recevoir les cendres dans un esprit d’humilité et de conversion. La liturgie de ce jour le signifie bien à travers cette invitation à se convertir du prophète Joël : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux […] » (Jl 2, 12-18).

 Quel est le sens de l’imposition des cendres sur le front des fidèles, le mercredi des cendres ?

 La cendre appliquée sur le front vise à  nous appeler plus clairement encore à la conversion, précisément par le chemin de l’humilité comme nous venons de le dire. C’est l’image de notre pauvreté, sans Dieu. Cependant, la signification ultime de la réception des cendres sur notre front, en début de carême, est une  manière de redire toute notre foi en la résurrection en Jésus-Christ et par lui. Ainsi, même si nous savons que nous mourrons un jour, nous sommes sûrs que Dieu nous ressuscitera avec Jésus-Christ pour la vie éternelle. Dès lors la cendre, marquant le début du carême, annonce déjà Pâques, noyau central de toute la vie chrétienne. C’est pourquoi s’en tenir aux cendres en elles-mêmes serait prendre le signifiant pour le signifié.

Le mercredi des cendres est précédé du mardi appelé « mardi gras ». Pourquoi l’institution de ce « mardi gras » ?

 A mon avis, c’est une tradition populaire ayant très probablement des motivations très pratiques. Car, voyez-vous, les aliments qu’interdisait le jeûne du carême étaient précisément ceux qui étaient difficiles à conserver. Or jusqu’au XIXè siècle, la réfrigération était inconnue. On peut comprendre donc qu’à la veille du temps de jeûne et de pénitence, on se permette, pour ainsi dire, une dernière folie, en essayant donc de consommer tout ce qu’on risquait de perdre pendant les six semaines de carême et d’aider les autres familles à en faire autant, dans une ambiance festive, ce d’autant plus qu’aucune réjouissance n’était permise par l’Eglise, tout ce temps durant. Le mardi gras n’est donc pas une institution liturgique, même si la tradition en fait, pour beaucoup, un jour de festivité et de carnaval, juste avant le temps d’austérité. La racine latine de carnaval, carnelevarium signifiant justement abstention de viande, est éclairante là-dessus…

 Le carême est-il obligatoire pour tout chrétien catholique ?

 Obligatoire…, je ne sais pas ce que vous sous-entendez par là. Mais ce qu’il faut préciser d’emblée, c’est que toute la religion catholique dont le carême n’est qu’une des pratiques, ne se définit pas d’abord comme une question de permis et de défendu, mais comme charité inventive en tout lieu et en tout temps, impliquant bien entendu des renoncements pour suivre le Christ. Et c’est sans doute là que se situe l’obligation du carême nous proposant :

un effort sur soi-même  : c’est la pénitence, le jeûne ;

une attention aux autres : c’est la participation aux actes de solidarité, de charité, d’aumône. (Avec tous les déplacés du terrorisme, nous avons de quoi faire…)

un retour vers Dieu  : c’est la prière, l’approfondissement de la Parole : (N’oubliez pas le leitmotiv du Cardinal Philippe Ouédraogo : une famille chrétienne, une bible ! Dans ce sens, le carême peut être l’occasion de « goûter la Parole »).

Ceci dit, qui est tenu au jeûne du carême ? Eh bien, selon le Canon 1 252 du code de droit de l’Eglise Catholique, « Sont tenus par la loi de l’abstinence, les fidèles qui ont quatorze ans révolus ; mais sont liés par la loi du jeûne tous les fidèles majeurs jusqu’à la soixantième année commencée. »

 On remarque que le temps de carême est toujours précédé d’un pèlerinage organisé par les différents diocèses. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

 Comme le carême, le pèlerinage est une démarche de conversion, un lieu de rencontre avec Dieu, et, finalement une manière d’entrer en dialogue avec Dieu et, depuis l’appel du départ jusqu’au retour, de vivre un quotidien dorénavant transfiguré. Ce sont donc des démarches spirituelles similaires et complémentaires. Dans tous les cas, il s’agit de se convertir, de se tourner vers Dieu, ou de revenir à lui…

  Dans quelles circonstances ou conditions, un chrétien peut-il être exempté du carême ?

 N’oubliez pas ce que j’ai dit tout à l’heure du christianisme qui ne se pratique pas dans une logique binaire de permis ou de défendu, mais comme un effort constant de charité inventive. Dans ce sens, et si je m’en tiens à cette forme de jeûne attribué au pape François et qui circule sur les réseaux sociaux, je ne vois pas, dans ces conditions, comment le faire (voir encadré).

 Après tout ça, si vous maintenez votre question, sachez que les enfants, les malades et les voyageurs , les personnes âgées sont dispensés de la pratique classique du carême, pour ainsi dire…. Sinon, s’agissant de l’exercice de charité, je n’en trouve pas.

 De quoi le chrétien doit-t-il se priver pendant le carême, selon les prescriptions de l’Eglise ? 

 Pour ajouter à tout ce qui vient d’être dit, c’est de tout ce qui l’éloigne de Dieu et des autres.

  Le carême chrétien dure 40 jours. Pourquoi cela ? Et que revêt la symbolique du chiffre 40 ?

 Pour les chrétiens, cette période rappelle les 40 jours passés par Jésus au désert, au début de son ministère. Mais le nombre 40 est très souvent repris dans la Bible. On parle de 40 jours du Déluge ou bien de Moïse qui a passé 40 jours et 40 nuits sur la montagne, dans la présence de Dieu qui lui a révélé les Tables de la Loi et la Torah. Il réfère aussi au nombre d’années passées par les Hébreux dans le Sinaï, à la sortie d’Egypte et il symbolise une génération entière qui se renouvelle et atteint la terre promise par Dieu, délestée des péchés de la génération précédente. En lien avec la foi, 40,  c’est aussi le temps de l’épreuve, le temps qu’il faut pour approcher Dieu, se convertir et faire appel à sa miséricorde.

 Une véritable confusion est souvent entretenue autour du carême chrétien, surtout quant à l’heure de son début et celle de sa rupture. Qu’avez-vous à dire par rapport à cela ?

 En fait, il n’y a de confusion possible dans la mesure où le calendrier de la pratique chrétienne est solaire et non lunaire. Ce qui veut dire que c’est 24 heures. Donc, de 0 heure à 0 heure. Rappelez-vous qu’on parle de carême en raison de son étymologie latine  quaresĭma, altération de quadragesĭma (sous-entendu dies) « quarantième jour ». Il n’y a pas de rupture de jeûne après le chemin de croix ou autre, puisque dans le principe, le fruit de l’effort (jeûne) de la journée doit servir à aider les autres, notamment les plus démunis.

 Que faut-il cerner en termes de différence entre le jeûne chrétien et les autres types de jeûne ?

 C’est vrai que la pratique du jeûne comme discipline volontaire de l’esprit et du corps existe par ailleurs dans de nombreuses traditions religieuses, spirituelles et philosophiques à travers le monde. Mais en ce qui concerne la pratique chrétienne, Il s’agit d’« efforts » plus accrus  concernant toutes sortes  d’addictions du quotidien en vue de se faire plus proche de Dieu et des autres. Comme vous le voyez donc, en régime chrétien, le jeûne permet donc de revenir à Dieu, de renouer une relation intime avec le Père pour autant qu’il est vécu dans le secret comme nous le  rappelle l’évangile de la messe des Cendres (Mt 6, 16-18). Loin d’être un exploit spirituel fondé sur l’orgueil, le jeûne est une offrande de nous-mêmes : « Le sacrifice en sa totalité, c’est l’offrande de nous-mêmes », affirme saint Augustin.

 Le carême 2023 intervient dans un contexte sécuritaire et économique éprouvant pour les Burkinabè, avec son corollaire de Personnes déplacées internes. Quelles orientations pouvez-vous donner pour vivre un carême solidaire ?

 Notre carême est une charité inventive agissante qui rend plus proche de Dieu et davantage du prochain, surtout dans le besoin. Et c’est tout dire.

 Une démarche de quarante jours dans la pénitence, la prière avec comme objectif un véritable changement de cœur. Qu’avez-vous à conseiller aux chrétiens en termes d’exercices spirituels pour mieux vivre ce temps de carême ?

 Que tout ce qui peut être fait dans le cadre du carême s’inscrive dans une démarche réelle et sincère de conversion.

 Quel est votre message à l’endroit des chrétiens ?

 A l’occasion de ce carême, le Pape François a adressé un message à toute l’Eglise et chacun peut s’y référer avec profit.

 Propos recueillis par Kiswendsida Fidèle KONSIAMBO

 

ENCADRE 

15 ACTES DE CHARITÉ PROPOSÉS PAR  LE PAPE FRANÇOIS 

  1. Saluer. (Toujours et partout
  2. Remercier (même si vous ne « devez » pas le faire)
  3. Rappeler aux autres combien tu les aimes
  4. Saluer avec joie, ces gens que tu vois tous les jours
  5. Ecouter l’histoire de l’autre, sans préjugés, avec amour
  6. T’arrêter pour aider. Soyez attentifs à ceux qui ont besoin de vous
  7. Relever le moral à quelqu’un
  8. Célébrer les qualités ou succès d’un autre
  9. Sélectionner ce que vous n’utilisez pas et donner à ceux qui en ont besoin
  10. Aider quand il le faut pour que quelqu’un d’autre se repose
  11. Corriger avec amour, ne pas se taire par peur
  12. Avoir de bons détails avec ceux qui sont près de toi
  13. Nettoyer ce que j’utilise à la maison
  14. Aider les autres à surmonter les obstacles
  15. Appelez vos parents, si vous avez la chance de les avoir en vie
  • Jeûner de mots blessants et transmettre des mots bienveillants
  • Jeûne de mécontentements et remplis-toi de gratitude
  • Jeûne de colère et remplis-toi de mansuétude et de patience
  • Jeûne de pessimisme et remplis-toi d’espoir et d’optimisme
  • Jeûne de soucis et remplis-toi de confiance en Dieu
  • Jeûne de te plaindre et remplis-toi des choses simples de la vie
  • Jeûne de pressions et remplis-toi de prières
  • Jeûne de tristesse et d’amertume et remplis-toi de joie dans le cœur
  • Jeûne d’égoïsme et remplis-toi de compassion pour les autres
  • Jeûne de manque de pardon et remplis-toi d’attitudes réconciliantes
  • Jeûne de mots et remplis-toi de silence et d’écoute des autres

Si nous tentons tous ces jeûnes, le quotidien sera rempli de :

– PAIX ;

– CONFIANCE ;

– JOIE ;

– ET VIE.

 

 

 

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