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Hermann Maurice Ouédraogo, designer burkinabè :  » je souhaite que ma marque me survive  » 

La marque OHM Yatenga, ça vous dit ! Derrière cette marque issue des initiales de son nom, Ouédraogo Hermann Maurice à l’état civil, se cache « un passionné de la mode », comme il se définit lui-même. En effet, en plus de la mode, il excelle dans la confection de gadgets publicitaires, dans la communication. Ce natif du Yatenga qui se présente comme étant un « Mossi de Bobo » pour y avoir passé une bonne partie de sa vie, est l’invité, cette semaine, de votre média, actuburkina.net. Dans un entretien qu’il nous a accordé le 8 juillet 2025, le dépositaire de la marque OHM Yatenga explique comment il est venu dans le milieu alors qu’il est comptable de formation. Aussi, dévoile-t-il l’un de ses combats, à savoir la pérennisation de sa marque même après son départ, mais aussi ses projets. Bref, découvrons tout sur l’homme qui se cache derrière la marque OHM Yatenga dans ces lignes qui suivent !

Vous dites être un passionné de la mode. Qu’est-ce que cela signifie ?

Je dis cela parce que je n’ai pas suivi de formation en tant que tel dans le domaine de la mode, je dirais que c‘est inné.

Vous avez un label OHM. A quoi renvoie-t-il ?

OHM est composé des initiales de mon nom : Ouédraogo Herman Maurice.  Et pour montrer le côté africain, pour que l’on sache que c’est une marque africaine d’origine burkinabè, j’ai ajouté Yatenga. Parce que quand les gens regardent la qualité de ce que je fais, ils pensent que cela venait d’ailleurs. Et moi, pour montrer ce côté burkinabè et mon patriotisme, j’ai ajouté Yatenga.

Combien d’années totalisez-vous à ce jour ?

Je peux dire que la marque a été créée en 2000 mais je l’ai déclarée au niveau de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), il y a 15 ans de cela.

Selon nos informations, vous êtes comptable de formation. Racontez-nous comment est-ce que de la comptabilité, vous vous êtes retrouvé dans le domaine de la mode ?

Pour moi, c’est l’effet contraire car c’est la mode qui m’a poussé à aller faire la comptabilité. Comme je l’ai dit, je suis un passionné de la mode et ce depuis tout petit. Et jusqu’à l’heure où je vous parle, je n’ai jamais appris à coudre ni même à pédaler une machine. Mais je rends grâce à Dieu qui m’a donné le don de savoir faire le choix des tissus et de dessiner. Il m’a donné pas mal de qualités que j’ai su exploiter. En plus de la mode, j’ai d’autres casquettes. Je suis un peu dans la confection de gadgets publicitaires, dans la communication et là encore il y a le design. Donc, je crée mes gadgets et je les fais confectionner par des artisans locaux, mais la mode a pris le dessus sur tout. Pour la petite histoire, je suis né en Côte d’Ivoire précisément à Abengourou.  C’est après le décès du papa quand j’avais l’âge de 12 ans, que nous sommes rentrés, toute la famille, à Bobo-Dioulasso et c’est là que tout est parti. J’avais mon aîné, qui n’est plus de ce monde, qui savait bien s’habiller. Il a toujours été un modèle pour moi et j’ai toujours voulu lui ressembler. C’était quelqu’un qui fréquentait beaucoup les coins de friperie à telle enseigne qu’il m’a contaminé et j’ai commencé également à fréquenter ces coins de friperie. J’achetais beaucoup les chemises et à un certain moment, j’ai senti cette envie de créer ma marque. Et comme j’aime beaucoup lire, à travers mes lectures, j’ai découvert beaucoup de choses. Il m’arrivait souvent, que lorsque je partais acheter des tissus et des chemises dans les friperies, j’achetais d’abord une chemise très belle, un tissu très beau même ce n’est pas à ma taille. Je demandais après à un couturier de l’ajuster. Souvent, j’achetais une chemise et arriver à la maison, je la défais pour chercher à comprendre, à satisfaire ma curiosité. Je cherchais à toujours comprendre avec quoi cette chose a été faite. C’est ainsi qu’au fil du temps, j’ai décidé de créer ma propre marque. Quand j’étais jeune, je voulais vivre de ma passion qui est la mode. Après le décès du papa, on vivait de la maigre pension de ce dernier, que ma mère partait chercher en Côte d’Ivoire. Au Burkina, nous étions à la charge du grand-père et trois à quatre ans plus tard, il est aussi décidé. Il fallait mouiller le maillot comme on le dit. Ensuite, c’est mon idole en l’occurrence mon grand-frère, qui décède. Cela a compliqué davantage les choses et là je devrais prendre les rênes pour soutenir ma petite sœur et mon petit frère. Après mon BEPC, lorsqu’on m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai dit la comptabilité parce que, pour moi, le comptable est quelqu’un de nanti, celui qui a de l’argent. Ce n’est pas parce que je n’ai pas réussi à l’école et je me suis adonné à la mode. Non ! J’ai dû abandonner un moment l’école pour chercher de l’argent pour financer mon rêve parce que j’ai très vite compris que personne ne me donnera de l’argent pour que je réalise ce rêve. A travers mes lectures, j’ai pu découvrir l’histoire de certains grands couturiers comme Pathé’o, Cis Saint Moise, Ide Mava, Clara Lawson. Le fait d’avoir lu des articles sur ces personnes m’a encore plus motivé et donné une raison de croire en mes rêves, celui de créer ma marque et de vivre de cela.

 

Après toutes ces années dans le milieu, pensez-vous avoir fait le meilleur choix ?

Franchement, s’il y avait à refaire, je choisirais encore ce domaine. Je dirais que ce choix m’a apporté beaucoup de choses. J’ai pu rencontrer des personnes que je n’aurais peut-être pas pu rencontrer si j’avais continué mes études. Ce travail m’a permis de rencontrer mes idoles, des Burkinabè mais aussi des personnalités d’autres pays. Par exemple, j’ai pu rencontrer le regretté Manu Dibango, un grand présentateur et animateur de la télé que j’écoutais quand j’étais petit, Robert Brazza. J’ai toujours rêvé d’habiller ce monsieur et cela s’est réalisé. J’ai aussi rencontré un grand monsieur qui, quand j’étais très jeune, j’entendais son nom dans les compositions des artistes congolais. Il s’agit de Modibo Souaré et aujourd’hui, je suis l’un de ces bons petits frères. J’ai rencontré pas mal de célébrités et cela m’a permis de créer une famille et voilà.

Avez-vous suivi des formations pour perfectionner cet art qui vous passionne tant ?

Pour dire vrai, je n’ai jamais suivi de formation, j’aime beaucoup lire. J’ai plutôt payer des documents et je me suis autoformé. Je ne suis allé à aucune école de design ou de stylisme. C’est à travers mes différentes lectures, recherches et cette curiosité permanente que j’ai et garde toujours, qui m’amène à donner le meilleur de moi-même. Tout récemment, à force de vouloir donner le meilleur de moi-même, d’émerveiller ma clientèle, j’ai acheté une chemise en Chine. Quand j’arrondis le tout, cela me revient à 45 000 F CFA. La chemise va venir bientôt et moi, je vais la démonter et chercher à comprendre des choses. Il y a un design que je n’arrive pas à comprendre et moi je me suis dit qu’il fallait que je l’achète pour mieux comprendre. Je vous explique un peu comment je travaille.  En effet, je fais le choix des tissus, je dessine les motifs et j’ai une équipe de couturiers qui confectionne les tenus. J’ai un atelier avec une douzaine d’employés composés en majorité de femmes et ils sont de diverses nationalités. Des clients pensent que mes chemises viennent d’ailleurs mais je tiens à rassurer les uns et les autres que tout est fait localement, ici. J’ai deux boutiques dont la première est située vers l’échangeur de Ouaga 2000 et l’autre vers le centre-ville, non loin de l’hôtel Ramadan.

    En 25 ans de carrière dans le domaine quel est le meilleur souvenir que vous gardez ? et le pire souvenir ?

 

 Avez-vous eu à faire des défilés ici au Burkina et même à l’international ?

Je n’ai pas pu faire de défilé parce que je n’ai pas cela dans mes projets. Peut-être que cela se fera dans le futur mais pour le moment, mon objectif est d’habiller les Burkinabè, les étrangers et faire connaitre le Faso Danfani à travers le monde. Ma priorité est de montrer qu’il y a un savoir-faire au Burkina Faso. Ma fierté est de voir les gens émerveillés quand ils sont face à mes chemises confectionnées, ici, et par des jeuneburkinabé. J’espère qu’après cette interview, j’obtiendrai un financement pour réaliser mon rêve qui est de créer une grande unité de production spécialisée dans le prêt-à-porter. A travers le monde, vous verrez de grandes marques qui ont plus de 100 ans d’existence et qui marchent mais, chez nous, ce n’est pas très évident. Je dis toujours à mes collaborateurs, notamment mes couturiers et à mes fils, que je n’aimerais pas que OHM s’arrête après mon départ. Je travaille à cela, de sorte que, que je sois présent ou pas, que la marque continue. Moi je veux que même si dans 100 ans, des Chinois veulent produire du OHM Yatenga, que l’on sache que ça vient d’ici, et que j’aurais fait un travail de fond pour que la marque existe, même après moi.

Quels sont vos projets de longs termes ?

J’en ai tellement. Comme j’aime à le dire, je porte du L mais en termes de vision, c’est du 5 XL, large. J’ai déjà pu acquérir un terrain ici à Ouagadougou et il reste à construire mon siège. C’est cela qui me tient à cœur pour le moment.  Il y a également la construction d’un centre de formation, c’est important. Souvent, à mon atelier, il y a des jeunes gens qui, ayant fait la couture, viennent me voir et lorsque je les mets sur une machine, c’est comme s’ils n’ont jamais cousu d’habits. Et moi, dans mes projets futurs, c’est de créer plutôt un centre de perfectionnement. Il ne s’agira pas de prendre des jeunes qui ne savent pas coudre mais travailler avec des centres déjà existants afin que ceux qui auront fini leur formation, viennent se perfectionner.

Quel message avez-vous à adresser à l’endroit des amoureux de la marque OHM Yatenga ?

 

 

Propos retranscrits par Anna Ido, Véronique ONADJA et Ingrid BONKOUNGOU (Stagiaires)

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