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MADESS, ARTISTE-MUSICIEN : « le grenier du reggae africain, c’est bien la Côte d’Ivoire ; qu’on le veuille ou pas »

Pour cette semaine, actuburkina.net  est allé à la rencontre de l’artiste- musicien Madess,  de son vrai nom à l’état civil,  Mahamadi Ouédraogo. Au cours de cet entretien réalisé  le 2 septembre 2020 au CENASA, il a été question de sa carrière musicale, de la musique reggae au Burkina, de la  crise  sécuritaire et de l’impact de la  Covid-19 sur les activités culturelles.  Un clin d’œil a été fait aux Marley d’or dont il est le promoteur,  et qui, à l’en croire, ont été annoncés  pour  le 3 octobre prochain,  à Ouagadougou.

 

Actuburkina : Que devient Madess qu’on n’entend plus ?

Madess : Il est vrai que cela fait un bout de temps qu’on ne m’entend plus parce que j’ai d’autres projets musicaux qui ne sont pas forcément des productions d’album. Ces activités m’ont pris beaucoup de temps, j’en suis conscient. Mais il faut que j’y retourne parce que c’est le fondamental.

A quand remonte la sortie de ton dernier album ?

En termes d’album, je dirai en 2012. Cependant, il y a eu deux à trois singles que j’ai fait sortir entre-temps afin de continuer d’exister.

Que deviennent les Marley d’or dont tu es le promoteur ?

Les Marley d’or se portent assez-bien. L’évènement fait son petit bonhomme de chemin malgré le Covid-19. Nous sommes à pied d’œuvre pour la tenir cette année. Je profite pour annoncer  qu’ils  auront lieu le samedi 3 octobre 2020 dans l’enceinte du SIAO. On sait qu’il y a des années qui sont plus propices que d’autres mais le rôle social de l’entrepreneur culturel et de l’artiste que nous sommes, c’est d’exister parce que le peuple en a besoin. Il ne faut donc pas dire que parce que c’est difficile cette année, on va attendre d’avoir beaucoup d’argent avant de se réaliser. Dans la vie de tout être humain, il y a des hauts, des bas, des périodes difficiles mais il faut composer avec tous ces aspects de la vie. Voilà pourquoi nous avons décidé, avec le Commissariat général des Marley d’or,  de maintenir l’évènement cette année. Nous comptons bien sûr sur les partenaires, mais nous comptons aussi sur nous-mêmes pour la réussite de l’évènement parce que nous y tenons.

D’aucuns accusent les Marley d’or de faire la part belle aux artistes ivoiriens. Que leur réponds- tu ?

Je crois qu’il faut être honnête dans la vie. Le grenier du reggae africain, c’est bien la Côte d’Ivoire.  Qu’on le veuille ou non, c’est la réalité. Quand je prends le cas du Burkina,  les reggaemen burkinabè qui ont le plus marché, 99,99% sont venus d’Abidjan. Il est vrai que  la part belle est faite aux artistes ivoiriens. Cette année,  ce sera toujours pareil. Il est à noter que nous avons une certaine facilité avec les artistes ivoiriens, sinon on a fait venir au Burkina, Chacha Marley, Abu Sadiq, Kodjo Ontui tous du Ghana, Famy Mensha du Bénin, Koko Dembelé du Mali, etc. C’est vrai que des festivals tels les Marley d’or et Reggae city existent mais notre souhait est qu’il y ait beaucoup de festivals afin que les faiseurs de reggae puissent mieux s’exprimer. On constate qu’il y a de moins en moins de production reggae parce qu’il n’y a pas assez de scènes pour ces artistes. En dehors des scènes, il faut que les reggaemen occupent l’espace médiatique. Je le dis parce que les médias sont les porte-voix des artistes burkinabè. Alors pourquoi ne pas demander à Madess ou à Osciby Johann d’assurer une émission de reggae sur une chaine de radio ? S’il n’y a pas de gens pour le faire, il faudrait que nous même le fassions même si nous ne sommes pas des animateurs de radio. Je suis conscient que pour la survie du reggae, les artistes musiciens que nous sommes, avons un rôle prépondérant à jouer.

Que fait Madess en dehors de la musique ?

Pour le moment, je ne fais pas autre chose si ce n’est la musique. Je réfléchis musique matin, midi et soir.

Peut-on dire que la musique nourrit son homme au Burkina Faso ?

Tout est relatif. Cela fait 20 années que je suis au Burkina mais je n’ai jamais vu quelqu’un dire que ça va. Dans tous les secteurs,  ça ne va pas, dit-on. Dans notre contexte, les gens commencent à voir autrement l’artiste-musicien parce qu’on en voit, de nos jours, qui se payent de belles voitures, construisent des maisons et scolarisent leurs enfants. La société nous voit désormais autrement. C’est ce qu’il faut valoriser parce que la musique, c’est surtout le rêve. En ce qui me concerne, je dirai que je ne vois pas le verre à moitié vide mais plutôt à moitié plein. La musique nourrit son homme, le showbiz nourrit son homme.

 

Quel est l’impact du Covid-19 sur tes activités ?

Le Covid-19 a impacté négativement toutes les activités culturelles. Quand nous parlons de nous efforcer pour réaliser les Marley d’or cette année, c’est parce que le Covid-19 est passé par là. Etant donné que les artistes sont considérés dans la société comme une locomotive, ils doivent alors faire preuve de résilience parce que si ces derniers commencent à baisser les bras, c’est sûr que rien ne va marcher. Ce n’est pas le Covid-19 seulement, l’insécurité que vit le pays a porté aussi un coup dur aux activités culturelles.

Comment se porte le reggae de manière générale au Burkina ?

Le reggae a pris un grand coup parce ce que sur les médias, il y a de moins en moins d’émissions reggae qui sont diffusées. Il y avait l’émission « Sion vips » de Sam’s K Le Jah qui était très bien suivie mais qui a cédé la place à d’autres formes d’émission. Aussi, en matière de production reggae, il y en a très peu je dirai. Sur dix productions musicales,  plus de sept s’inscrivent dans les variétés musicales ou les afrobeats. Tout cela fait que le reggae est en train de reculer et il va falloir donner un nouveau souffle à ce genre musical. Les Jamaïcains ont su le faire, pourquoi pas nous ?

Pensez-vous que les autorités font assez pour la musique burkinabè ?

Les autorités font ce qu’elles peuvent. Je pense qu’il ne faut pas jeter la pierre sur les autorités uniquement. Le Burkinabè lui-même a un complexe vis-à-vis de ce qui est produit chez lui. Ce n’est pas forcément dans le domaine de la musique mais dans tous les autres domaines. Même pour porter le Faso Danfani, les gens étaient réservés. Il va falloir corriger d’abord ce complexe afin de booster les choses au plan culturel. Les médias ont un rôle très important à jouer dans cette dynamique. Voyez-vous ? Les chaînes de télévision que nos enfants suivent à longueur de journée sont orientées vers les Télénovelas. Dans ce cas,  quelle culture un enfant va-t-il  adopter s’il baigne dans d’autres cultures ? Les autorités font ce qu’elles peuvent pour le rayonnement de la culture burkinabè. Ce n’est jamais assez, mais elles font beaucoup de choses pour la culture.

Quelle est ta situation matrimoniale ?

Je suis marié et père de trois enfants.

Selon toi,  quelle peut être la solution à la crise sécuritaire que traverse le pays ?

C’est une crise sécuritaire très complexe. Mais il y a quelque chose qu’on a réussi déjà à éviter,  ce sont  les affrontements communautaires provoqués par les forces du mal. Ces forces avaient presque réussi à inculquer dans la tête de nombreux Burkinabè que le terroriste est égal au Peul. C’était le plus gros piège tendu par les terroristes qui allaient nous désunir davantage. Les communautés et les autorités sont à féliciter pour le travail abattu  pour éviter au maximum les affrontements communautaires. Mais tant que les populations ne vont pas collaborer avec les Forces de défense et de sécurité (FDS), on ne pourra jamais venir à bout de l’insécurité. Il faut également tenir compte des zones où règne l’insécurité dans le processus de développement. La plupart des zones à haut risque étaient à la limite délaissées. Ce qui est un terreau fertile pour le grand banditisme et le terrorisme. Et à ce niveau,  les autorités ont fauté. Disons-le net, la misère peut conduire les jeunes désœuvrés de ces zones à rejoindre le camp de l’ennemi qui n’hésiteront pas à  faire   des propositions alléchantes pour avoir le maximum d’entre eux. Il faut aussi rappeler aux parents l’éducation des enfants pour un bon vivre-ensemble. Les médias doivent également jouer leur rôle de sensibilisation. Les artistes burkinabè, quant à eux,  doivent continuer à chanter pour éveiller les consciences des populations. Je leur dis déjà bravo pour le travail déjà effectué avec  les thèmes de paix de cohésion et de vivre-ensemble qui sont abordés dans leur production artistique.

Si Madess se retrouvait nez à nez avec le président du Faso, que lui dirais-tu, ce qui te tient tant à cœur ?

J’ai eu la chance d’être déjà reçu par le président du Faso. Je lui dis merci pour cela. En vérité, quand je vois le président du Faso, je ne vois pas forcément un président mais plutôt un père de famille, soucieux de ceux dont il a la charge.  Si je le rencontre, je vais lui dire d’abord merci pour le milliard qu’il a accordé aux artistes pour soutenir les activités culturelles qui ont pris un coup suite à l’avènement du Covid-19. Je lui dirai également de voir comment il peut augmenter la cagnotte du ministère de la culture, en termes de budget parce qu’il est infime.

Votre mot de fin ?

Je dis merci au journal en ligne Actuburkina pour cet élan que vous avez, d’approcher les acteurs culturels pour des entretiens de ce genre. Cela montre à suffisance que vous avez foi en ce que vous faites même si cela n’est toujours pas aisé. Je crois que quand on aime son travail,  il finit toujours par payer. Merci à tous les lecteurs et rendez-vous le 3 octobre prochain au SIAO pour partager de bonnes vibrations avec l’événement les Marley d’or.

 

Propos recueillis par Kiswendsida Fidèle KONSIAMBO

 

 

 

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