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Ouédraogo Tinga Père Pascal, Moine bénédictin: « La femme comme une personne, doit jouir de tous ses droits sans la moindre restriction »

L’auteur du point de vue ci-dessous est un moine bénédictin. Ouédraogo Tinga Père Pascal, puisque que c’est de lui qu’il s’agit, est un anthropologue Burkinabè. Il fait savoir que la femme en sa qualité de personne, ne doit pas être considérée comme inférieure parce qu’elle est de sexe féminin. Pour lui, l’homme et la femme ne sont pas des adversaires, mais plutôt des alliés pour bâtir une humanité apaisée, solide, paisible et pleine d’espérance. Lisez plutôt !

 Pourquoi la femme, une personne intrinsèque, est déjà considérée chez ses parents comme une étrangère ?

 A cette question, nous ne prétendons pas donner ici une réponse. Mais pour participer à l’éveil et à la formation de l’esprit réflectif dans le contexte culturel, j’essaie par cet article, en tant qu’écrivain anthropologue apprenti, dans une perspective déterminante, lancer une forte interpellation à la conscience personnelle et collective, et j’invite tous à entreprendre ou à continuer une sérieuse réflexion à la lumière de la culture burkinabè, en vue de toucher le nœud d’une continuelle difficulté humaine. La personne humaine est un être personnel, relationnel et essentiellement communicatif. Faisons très attention, car la conscience humaine joue un rôle irremplaçable dans la communication interpersonnelle.

Concernant l’être et la personnalité de la femme, nous constatons amèrement, que dès la naissance dans une des familles burkinabè, sauf exception, si l’enfant est de sexe féminin, il est « ipso facto » considéré selon la mentalité et les coutumes, comme un étranger. Etant une fille, elle n’appartient pas à la famille, bien qu’elle soit du même sang que les garçons de son papa. Son père géniteur parle de lui : « Quand elle deviendra grande, je dois la marier, ou bien comme aujourd’hui, elle ira à la rencontre de l’homme de son cœur ».

En principe, en sa qualité de personne, elle ne doit pas subir un tel traitement, d’être estimée inférieure seulement par ce qu’elle est de sexe féminin. Le père sait que par elle, il ne peut pas assurer la continuité de sa lignée patriarcale propre. Selon la logique, elle est plutôt habilitée aller aider au relèvement de la lignée patriarcale d’une autre famille, dont elle deviendra l’épouse d’un des fils, du papa de sa nouvelle famille d’alliance.

Avec cette mentalité arriérée des parents et de l’entourage, la fille va être moins favorisée dans le domaine de l’éducation, de la scolarisation, et du partage des biens familiaux, car disent-ils : pourquoi s’investir économiquement pour quelqu’un qui est là aujourd’hui avec nous, et va partir chez d’autres et nous laisser à notre sort ! Parce qu’elle est de sexe féminin, elle ne bénéficie pas à une sérieuse éducation, même quand il y avait le « Keogo ». Ce comportement est un indice d’ignorance. En effet, en termes de comptabilité et de profit, les parents attestent ainsi que : la fille n’est pas rentable à sa propre famille, ce sont surtout d’autres qui vont profiter d’elle. Ces raisonnements sont insensés et à courte vue ? C’est inadmissible, car la dignité fondamentale et la valeur de la personne humaine ne dépendent pas de son sexe.

Actuellement, l’école est pour tous, mais hélas, la mentalité reste toujours encore inchangée chez beaucoup des Burkinabè. Pourquoi priver la femme de ses droits humains comme s’il lui manquait quelque chose pour mériter son état d’être humain total, seulement par ce qu’elle est de sexe féminin ? La liberté d’être et de s’exprimer est donnée à tous, même s’il y a des normes qui ordonnent et expliquent pourquoi et comment.

Selon les droits humains, les hommes sont égaux. Donc la femme comme une personne, doit jouir de tous ses droits sans la moindre restriction en aucune manière. Elle est totalement une personne accomplie, avec sa seule différence physiologique et caractère d’être de sexe féminin.  Alors dans notre contexte actuel, il va falloir revoir cette situation préoccupante de la femme et de sa vraie place dans nos familles respectives burkinabè et dans la société. Car même si la Constitution et le Code des personnes et de la famille au Burkina Faso sont intelligemment et sagement élaborés et établis, il est évident qu’en réalité, beaucoup de femmes restent des victimes silencieuses de la part des hommes. Et cela peut se vérifier dans les foyers concrets comme au sein de la société avec ses multiples domaines de services publics et privés. Cependant, nous ne concluons pas que tous les hommes sont ainsi. Et aussi que les femmes sont toutes sans défauts. Le vivre heureux ensemble est un droit et un devoir. L’effort personnel et collectif consenti est requis.

C’est très clair, en mode de relations humaines, la femme n’est pas pour l’homme sans personnalité propre, ils sont tous deux, des personnes libres, réciproquement, l’une pour l’autre. Afin que le monde soit un espace de vie et d’épanouissement humain pour tous, dans un équilibre renouvelable, il faut que leur vision l’un sur l’autre change radicalement et même ontologiquement, si on peut l’exprimer ainsi. Il nous faut plus de dialogue engagé et aussi de rupture sage avec certaines attitudes et pratiques culturelles ou coutumières dans les relations responsables entre l’homme et la femme.

La femme doit retrouver et occuper sa place à part entière au sein de sa propre famille et jouir de ses droits comme membre permanent. Son mariage avec une autre famille d’alliance ne la sépare pas de sa famille d’origine. Elle n’est pas devenue une étrangère à l’occasion de son nouveau lien avec la famille d’alliance de son mari, par les rites du Yikaadem (le mariage), qui lui donne son statut d’épouse.

L’anthropologie culturelle burkinabè plaide pour que la femme ne soit pas une perpétuelle étrangère

 Comment s’y prendre de sorte qu’une femme ne se sente plus une étrangère perpétuelle dans sa propre famille d’origine comme dans celle de son mari, sa famille d’alliance ?

A voir de près, la femme doit d’une manière plus particulière, porter au plus intime de son être, une profonde blessure psychologique, puisque déjà même avant sa vie consciente, elle était accueillie et considérée par les siens comme une étrangère, parce qu’elle est née de sexe féminin.

Par l’expérience personnelle, elle se voyait être traitée comme étrangère dans sa propre famille d’origine. Il est possible qu’elle subisse cette même influence négative chez son mari où elle se trouve désormais en tant qu’épouse et future mère, mais pas tout à fait comme membre à part entière. Là aussi, elle doit apprendre à s’adapter aux personnes et à l’environnement ambiant. Sa douleur sera plus grande surtout, quand une fois chez son mari, les conditions de la vie matrimoniale ne sont pas harmonieuses.

En ce sens, le sort de la femme ressemble à une jeune plante qu’on plante sur un sol, et que peu de temps après, on la déracine aussitôt de là, pour aller la planter ailleurs. La fille en quittant de chez son père, c’est pour aller chez son mari, dans le but de l’aider à se lever, en termes imagé, d’où : wa roog-ma, car c’est par elle qu’il aura des progénitures, afin de perpétuer sa lignée et son nom au milieu des siens, après la mort de son papa. Pag la Yiri Et pour que l’histoire de la femme redisons-le, en tant que personne ne s’éternise, elle doit garder ses liens d’origine avec sa famille paternelle. Il serait normal qu’elle soit reconnue chez son mari par son nom de famille. Car même si les modes de relations ont changé entre la femme et ses parents, elle garde ses droits en tant qu’héritière.

Nous réaffirmons ici que l’homme et la femme sont deux socles inséparables de l’humanité. Il importe que chaque homme réajuste son regard sur sa femme et qu’elle soit considérée en tant qu’une personne totale, qui a ses droits et ses devoirs fondamentaux. Chez ses parents d’origine, ses droits sont naturels, constitutionnels et évolutifs. Tandis que chez son mari, sa famille d’alliance, ses droits sont constitutionnels et aussi culturels. Que ce soit chez ses parents d’origine comme chez son mari, sa famille d’alliance, elle doit avant tout être aimée, accueillie et respectée à tout égard. Yikaaadem yaa nonglem sore. (le mariage est le chemin de l’amour). Sans restriction, chaque femme a droit à la confiance totale de tous, et il faut qu’elle prouve qu’elle la mérite, cette confiance auprès de tous, sans distinction de sexe. Elle doit retrouver et garder son équilibre psychologique dans ses relations avec tous les membres de ses deux familles, afin qu’elle cesse de se sentir continuellement aliénée et étrangère. Libre en toute loyauté, elle ne doit rien mendier pour exister aux yeux des autres.

Dans toutes nos relations humaines, faisons usage de l’intelligence et de la sagesse. Ecartons tout ce qui semble nous dresser les uns contre les autres, par animosité. Mais cherchons ensemble, tout ce qui nous unit les uns aux autres, dans une écoute patiente et réciproque, fraternelle et amicale. Ainsi, nous pouvons lutter efficacement contre les obstacles et tout ce qui peut nous conduire sournoisement à la division. Apprenons plus comment construire les ponts, plutôt que comment élever les murs.

L’homme et la femme ne sont pas deux adversaires, mais des alliés pour bâtir une humanité apaisée, solide, paisible et pleine d’espérance à travers des familles d’origine et d’alliance, lieu d’éclosion et de vie d’amour, de miséricorde et de pardon. Discernons sagement l’esprit qui anime nos relations humaines, car il y a un très grand écart entre être avec quelqu’un et se servir tout simplement de quelqu’un.

   Avec sérénité, l’homme et la femme burkinabè se doivent une mutuelle confiance sans faille, et cela, à tous les niveaux. Qu’ils s’aiment, reconnaissent ensemble leur dignité inchangeable et se respecter, afin de construire ensemble une Nation libérée, unie et florissante, selon le grand souhait du peuple tout entier.

OUEDRAOGO Tinga P. Pascal  

 

Quelques notions

  • Wa roog-ma : De façon systématique, celui/celle qui ne se marie pas, la logique anthropologique enseigne qu’il décide lui-même sa propre ruine sans relèvement, symbolisée par la ruine visible de sa maison, les cases et les murs tombent.
  • Pag la Yiri : Littéralement, cela signifie : La femme, c’est la maison. Mais c’est une expression qui souligne admirablement l’importance irremplaçable du rôle que joue la femme dans son foyer, au sein de la famille de son mari surtout. C’est elle le vrai pion discret de la famille. Elle est l’artisane de la paix, elle joue le rôle de médiatrice entre son mari et les enfants. Elle est la nourricière pour la croissance physique de chaque membre de la famille. Elle apaise les conflits quand ils surgissent entre les membres de cette même famille. Elle refroidie ce qui est chaud, et réchauffe ce qui est refroidie et manque de vitalité. Comme l’amour est la clé et la machine de tout, son amour pour son mari, ses enfants et tous les membres de la famille, est un feu qui ne s’éteint jamais chez elle.

Le principe est que la reconnaissance de chaque être humain, commence au sein d’une famille, où un        homme et une femme se sont mis d’accord pour l’accueillir, reconnaître sa dignité dans l’amour et le respect. Nous disons : A Ting Paga, la femme de Tinga. A Timpok Sida, le mari de Timpoko. Nous ne disons pas : A OUEDRAOG Paga, Mme OUEDRAOGO. C’est le prénom qui est utilisé et non le nom de famille.  

 

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