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Niger : le directeur du « Courrier » incarcéré après une plainte du Premier ministre 

Ali Soumana, Fondateur et directeur de publication de l’hebdomadaire Le Courrier, a passé sa première nuit derrière les barreaux à la prison de Say, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Niamey. Son incarcération, suite à une plainte du Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, survient dans un contexte de crispation croissante entre le pouvoir et la presse d’investigation nigérienne.

L’enchaînement des événements a été aussi rapide qu’implacable. Dimanche 7 septembre, aux aurores, Ali Soumana a été interpellé à son domicile puis conduit manu militari à la Police Judiciaire de Niamey. La garde à vue, expédiée en un temps record, n’aura duré qu’une journée. Dès le lundi 8 septembre, le journaliste était présenté au parquet. Le scénario redouté par ses proches et collègues s’est alors réalisé : le juge a ordonné son placement sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Say, un centre pénitentiaire réputé pour ses conditions difficiles.

Dans la foulée de cette décision, les motifs précis de sa mise en examen sont tombés : « diffamation, complicité de diffusion par voie de presse et voie électronique ». Ces charges graves font suite à une plainte déposée par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine lui-même, cristallisant les craintes d’une instrumentalisation de la justice contre les voix critiques.

À l’origine de cette tempête judiciaire : un article publié fin août par Le Courrier, révélant une présumée fraude douanière impliquant des commerçants et certains représentants de l’administration. La publication affirmait détenir un document lié à ce dossier et portant, selon ses informations, la signature du chef du gouvernement.

Cet épisode n’est malheureusement pas sans rappeler un précédent récent. Au mois d’avril dernier, Ali Soumana avait déjà été interpellé et placé en garde à vue pendant quatre jours à la suite d’une plainte de l’ancien directeur général des douanes. Il était finalement sorti libre, sans inculpation. La rapidité et la sévérité de la procédure actuelle – avec un transfèrement express en prison – marquent cependant une escalade préoccupante.

La réaction des organisations de presse n’a pas tardé. Dans un communiqué publié lundi, l’Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA) a fait part de sa « profonde préoccupation » face à la dégradation de la situation de la presse au Niger. « L’UJPLA demande aux autorités nigériennes de garantir la liberté de la presse, un pilier fondamental de toute démocratie », peut-on lire dans le texte, qui appelle à la libération immédiate du directeur de publication.

Dans les rédactions de Niamey, l’émotion est palpable. De nombreux reporters et rédacteurs considèrent cette incarcération comme une attaque directe contre leur capacité à enquêter et à demander des comptes aux détenteurs du pouvoir. « Quand on voit la rapidité avec laquelle la machine judiciaire s’est mise en marche, on ne peut que s’interroger sur les motivations réelles de cette affaire », confie, sous couvert d’anonymat, un rédacteur en chef d’un média indépendant.

Le cas d’Ali Soumana n’est malheureusement pas isolé. Il s’inscrit dans une inquiétante série de sanctions visant les voix critiques au Niger. Moussa Moumouni, journaliste domicilié à Dosso, a été condamné à deux ans de prison ferme. Après un bref passage à la maison d’arrêt de Niamey, il a été transféré à la prison de Daikaina, connue pour ses conditions de détention particulièrement rudes. Zada Hassane Badjé, responsable de l’antenne Canal 3 à Dosso et directeur de publication de Toubal, a quant à lui été placé sous mandat de dépôt le 25 août. Jugé le 2 septembre, le ministère public a requis contre lui cinq ans de prison ferme. Son verdict, attendu pour le 16 septembre, est particulièrement redouté par la profession. Tous sont poursuivis pour des chefs d’inculpation similaires : « diffusion de données de nature à troubler l’ordre public, injure et diffamation ».

Alors que le Niger traverse une période politiquement complexe, l’incarcération d’Ali Soumana soulève des questions cruciales sur l’espace accordé à la liberté d’expression et à la presse d’investigation. Le journaliste, lui, attend derrière les barreaux de la prison de Say que la justice – ou peut-être le politique – décide de son sort.

Source: ActuNiger

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