Au début de sa carrière professionnelle en 2016, les avertis de la scène musicale burkinabè étaient convaincus qu’elle est une valeur sûre de la musique burkinabè. Elle a confirmé ces dires juste un an après la sortie de son maxi, en remportant le Kundé de la Meilleure révélation de la musique burkinabè en 2017. Plus les années passent, plus elle se bonifie. En cette année 2024, elle a encore inscrit son nom sur la liste des lauréats des Kundé en arrachant le Kundé de la meilleure artiste féminine burkinabè. Vous l’aurez certainement deviné, il s’agit de Aminata Nabaloum à l’état civil alias Nabalüm. Avec sa voix veloutée, elle a conquis les cœurs de millions de mélomanes d’ici et d’ailleurs. Invitée de actuburkina.net le 26 août dernier, Nabalüm a bien voulu se prononcer sur sa passion pour la musique, ses débuts, ses relations avec Alif Naaba, responsable de “La Cour du Naaba” devenue son ancienne maison de production. Elle a également évoqué ses projets tout en promettant de faire une surprise pour cette fin d’année 2024 ou en 2025.
Racontez-vous comment vous êtes venue dans la musique ?
J’ai toujours su que j’étais née pour chanter parce que depuis toute petite, je passais mon temps à reprendre des chansons qu’on nous apprenait à l’école mais à ma manière. Je cassais les tympans de tout le monde à la maison. Et quand j’ai atteint l’âge de participer à des compétitions, j’ai commencé à y participer et c’était en Côte d’Ivoire où je suis née et grandi. J’ai participé à pas mal de concours jusqu’au jour où j’ai pris part à un concours de chants organisé par la Télévision nationale ivoirienne. C’est à l’issue de cela qu’une structure de production au Burkina dénommée “La Cour du Naaba” (NDLR : maison de productions de l’artiste Alif Naaba) m’a remarquée et a décidé de travailler avec moi.
C’était dans quel cadre et avec quels artistes ivoiriens avez-vous eu à prendre part à ce concours organisé par la RTI ?
C’était l’émission Stars Karaoké de la RTI, en 2014, et il y avait Roseline Layo que tout le monde connait, Sarah Liz qui est moins connue mais qui fait carrière en Côte d’Ivoire. Nous étions hébergées dans une villa où on répétait, on faisait du sport et on nous donnait des cours de chants. Ce que je peux dire, c’est qu’il y a eu pas mal de pépites au sortir de ce concours.
Quelles sont aujourd’hui vos relations avec ces artistes que vous venez de citer ?
Avec Roseline Layo, nous avons perdu contact malheureusement. Après le concours, elle a fait son bout de chemin et moi je suis venue ici au pays et donc nous avons perdu contact mais si on se voit, on va se souvenir des bons moments que nous avons eu à passer ensemble.
Votre carrière musicale a démarré quand exactement ? Et à ce jour, combien d’albums avez-vous ?
J’ai commencé ma carrière professionnelle en 2016. Je suis venue au Burkina et avec la “ Cour du Naaba”, nous avons commencé la résidence de création. J’avais déjà composé deux à trois chansons que j’ai eu à présenter pour un dispositif de l’Institut français, à Paris. C’était Visas pour la création et j’ai été surprise d’avoir été retenue. A l’issue de cela, je suis allée à Paris où j’ai fait trois mois à la Cité des arts de Paris. En avril 2016, j’ai sorti mon premier EP, un maxi et en 2018, mon premier album intitulé “Saké” en mooré qui veut dire “accepte” en français. Et après, j’ai sorti plein de singles.
Vous avez remporté le Kundé de la Meilleure révélation de la musique burkinabè en 2017 et en cette année 2024, le Kundé de la meilleure artiste féminine burkinabè. Avez-vous été surprise par ce Kundé de la meilleure artiste féminine ?
Cette année, je m’y attendais un peu parce que j’ai bossé. Je crois que je l’ai mérité, au regard de tout mon parcours et le travail que j’essaie de faire pour rester présente sur la scène burkinabè et ailleurs. J’ai représenté le Burkina au Marché des arts et spectacles d’Abidjan (MASA) en Côte d’Ivoire, cette année. J’ai joué au Cameroun, à Paris. J’essaie en tout cas, avec ma maison de production, de faire voyager la musique burkinabè. J’ai été heureuse d’avoir remporté ce Kundé et sans mentir, les autres nominées dans la catégorie n’ont pas démérité. Aujourd’hui, il y a plein d’artistes de la nouvelle génération qui bossent bien, qui se donnent à fond et c’était un honneur pour moi d’avoir été choisie parmi elles toutes. Mais je m’y attendais, en toute humilité.
Des trophées, vous en avez remportés. Quelle est la scène la plus emblématique dont vous rêvez d’attaquer et pour laquelle vous êtes en train de peaufiner une stratégie pour y arriver ?
Dans l’immédiat, la scène que j’ai envie de faire en 2025, c’est vraiment le FEMUA. Pour cette année 2024, aucun artiste burkinabè n’a été sélectionné, malheureusement, pour y participer. Cela veut dire qu’on doit bosser encore plus pour pouvoir représenter le pays partout où de besoin. Mon rêve c’est d’être l’une des premières artistes burkinabè à faire pourquoi pas l’Olympia ou le Zénith, par exemple. Il faut qu’on se donne les moyens de ne pas être en marge de ce qui est en train de se passer en Afrique de l’Ouest. Nous sommes toujours un peu en déphasage et je rêve de changer la donne, pas toute seule bien sûre, mais ensemble avec mes pairs.
Vous avez regretté de ne pas avoir vu un seul artiste burkinabè prendre part au FEMUA 2024. Selon vous, qu’est ce qui ne marche pas pour les artistes burkinabè ?
Mes parents, mon entourage m’ont toujours fait comprendre que peut-être que si j’étais en Côte d’Ivoire, j’allais mieux réussir. Cela me fait de la peine parce que je suis venue au Burkina car c’est mon pays, le pays de mon père, de mes ancêtres et je suis venue avec beaucoup d’espoirs et je me donne à fond pour faire ce dont j’ai toujours rêvé de faire c’est-à-dire la musique et je ne pense pas que je la fast mal. Je dis aussi que nous avons une sorte de complexe ici au Burkina qu’il faut qu’on bannisse. Quand vous partez par exemple dans dix endroits, vous constatez que 80% de la musique jouée, est celle venue d’ailleurs. Pourtant, il y a des artistes talentueux qui se donnent à fond et on fait toutes sortes de styles de musique ici, maintenant. Je ne sais pas où réside le problème. Souvent, je vois dans des commentaires, certains internautes dire si tu collabores avec un artiste ivoirien, tu vas plus te faire connaître, etc. Mais je suis dépassée par ces propos et je me dis mais nous sommes chez nous, on chante en mooré, en dioula, en français… pour que tout le monde comprenne et malgré tout, certains préfèrent toujours ce qui vient d’ailleurs. J’ai un pincement au cœur pour cela. Je pense qu’il y aussi les artistes qui doivent se décomplexer face à leurs collègues qui viennent d’ailleurs sans oublier les promoteurs de spectacles. Quand ils invitent des artistes d’ailleurs, ils les paient plus chers que ceux de chez eux. Mais quand on ne te respecte pas chez toi, ce n’est pas à l’extérieur que tu seras respecté. C’est cela toute la réalité. Certains artistes étrangers font moins que des artistes d’ici, mais ils sont plus valorisés. Je crois que tout le monde doit contribuer à ce que les lignes bougent positivement. Nous avons développé un certain complexe dont il faut mettre fin maintenant.
A vous entendre, la politique culturelle burkinabè n’y est-elle pas pour quelque chose ?
Ici, la musique n’est pas trop considérée comme un métier valorisant. Certains pensent que c’est parce que tu n’as pas réussi à faire autre chose que tu viens faire la musique. Moi j’ai étudié jusqu’à l’université et ce jusqu’au Master, donc ce n’est pas à défaut que je suis venue faire la musique. J’ai choisi de faire ce métier parce que je l’aime. Il faut qu’on arrête de penser que la musique est un plan B ou C pour ceux qui ont décidé d’embrasser ce métier. Faire la musique a été mon plan A et je pense que c’est le cas pour beaucoup d’autres artistes. Il faut respecter ce métier et encourager les artistes à toujours faire mieux. Il y a des artistes à l’extérieur qui ont sorti leur album avec les soutiens des mécènes, la politique culturelle de leur pays les encourage aussi. Parce qu’un artiste, quand il sort un album, c’est l’image du pays qu’il vend mais ici, il faut reconnaître que nous ne sommes pas beaucoup soutenus.
Menez-vous une autre activité en dehors de la musique ?
Je ne fais que la musique. Mais j’ai créé une association dénommée “ Association cœur de reine ” dont je suis la présidente et les activités ont été lancées dans ce mois d’août. C’est une association qui vient en aide aux femmes et aux enfants défavorisés. Nous avons commencé à mener nos premières actions. Il ne suffit pas d’avoir un nom et ne pas en faire profiter aux autres. Quand je serai vieille, je serai heureuse de voir un enfant ou une femme qui a eu à profiter du fait que j’ai été Nabalüm, à un moment donné.
Ces derniers temps, on aperçoit votre nouvelle chanson “Contrôle-moi” qui a une coloration autre que celle que nous connaissons de vous. Quelle est la couleur que vous voulez donner à votre carrière avec cette chanson ?
(Rires). Je suis une artiste. J’ai commencé par la world music et je me suis rendu compte qu’elle excluait pas mal de personnes. Bien de personnes ne s’identifient pas dans cette musique, tant bien même que c’est de la bonne musique, de la belle musique. On me dit que je fais de la musique de riches, de blancs, etc. Aujourd’hui, je veux montrer que n’importe le style de musique sur lequel je décide de m’exprimer, je peux le faire tout en gardant toujours ma voix pour ne pas trop me dénaturer. Pour moi, la musique c’est le message, la voix, l’émotion que l’on dégage. C’est ce que j’essaie de conserver mais en touchant le maximum de personnes, et plus de jeunes. Parce que, quoi qu’on dise, ce sont les jeunes qui consomment plus la musique. C’est pourquoi j’ai un peu modifié mon style musical.
A quand un concert de Nabalüm au stade municipal de Ouagadougou ou au Palais des sports de Ouaga 2000 ?
Oui, je suis tentée d’attaquer le stade municipal et le Palais des sports mais j’ai envie de le faire bien parce que je suis une artiste live. Si un jour je venais à me décider, ce serait au stade municipal, parce que faire un live au Palais des sports, le son ne sera pas ça. Cela va demander du travail parce qu’il ne s’agit de faire juste au stade municipal mais il faut bien le faire. Cela demande une certaine organisation. Quand je sentirai que c’est le moment, je le ferai.
Vous avez commencé votre carrière avec la Cour du Naaba mais, selon les informations, vous auriez changé de maison de production. Quelles sont vos relations aujourd’hui avec Alif Naaba ?
Je ne suis plus avec “ La Cour du Naaba” mais je dois tout à “La Cour du Naaba”. J’y ai débuté ma carrière et 80% du live que je sais faire, c’est grâce à “ La Cour du Naaba”. Les enseignements, mes bases en tant qu’artiste, ma formation d’artiste, le fait de pouvoir m’exprimer devant des journalistes, etc, je dois tout cela à cette maison de production. Je n’ai pas de mots pour leur témoigner ma gratitude. Le merci n’est pas suffisant. Aujourd’hui, je ne suis plus là-bas mais mes respects à toute l’équipe !
Comment appréciez-vous la musique burkinabè aujourd’hui ?
Peut-on s’attendre à voir un collectif d’artistes féminines burkinabè de votre génération ?
Oui, je trouve que chacune a sa touche. J’adore la voix d’Eunice Goula, j’aime beaucoup Fleur pour ce qu’elle dégage sur scène, Tanya, notre Américaine-Burkinabè avec son plein d’énergie, etc. Ce sera normal qu’on décide de faire un collectif parce qu’il n’y a pas beaucoup de collaboration entre les artistes féminines. Je ne sais trop pourquoi même si ça n’a pas commencé avec nous. Mais nous devons montrer que les choses doivent changer et cela va encourager celles qui viennent à faire des collaborations. Je pense qu’il y a du potentiel et nous devons exploiter cela.
Quel est votre message à l’endroit de vos fans d’ici et d’ailleurs ?
Je leur dis merci. Certains sont là depuis le début, d’autres commencent à me connaître maintenant et d’autres encore me découvriront demain, je leur dis à tous, merci de nous porter, de nous accompagner, merci de prier pour nous et pour le Burkina et qu’on puisse aller partout avec cette musique burkinabè en vue d’apporter la paix, la joie dans les cœurs. Notre prière est que la paix revienne dans notre cher pays. Merci pour ce que vous avez fait de Nabalüm et sachez que d’ici la fin 2024 ou en 2025, je vais encore vous surprendre et j’espère, positivement.
Propos recueillis par Colette DRABO