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L’UA ET L’AFFAIRE NORBERT ZONGO : Les coupables seront-ils identifiés et punis ?

La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), qui est un organe de l’Union africaine (UA), a ordonné aux autorités burkinabè « de reprendre les investigations en vue de rechercher, poursuivre et juger les auteurs des assassinats de Norbert Zongo et de ses trois compagnons ». Comme l’on pouvait s’y attendre, cela a suscité le satisfecit du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) qui, depuis 1998, lutte aux côtés des familles des victimes pour faire la lumière sur ces assassinats. Du côté du gouvernement, la ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo, assure que le dossier est déjà rouvert depuis le mois de janvier et que l’instruction est en cours.

La longévité au pouvoir est l’alliée naturelle de l’impunité

La relance de cette affaire qui avait sérieusement secoué le pouvoir de Blaise Compaoré et dont les Burkinabè attendent l’épilogue depuis 1998, illustre deux vérités que l’humanité a en partage.

La première est que « le mensonge a beau courir, la vérité finit par le rattraper ». En effet, depuis 17 ans, le pouvoir de Blaise Compaoré avait travaillé pour que les zones d’ombre de cette affaire ne soient jamais élucidées et ce, malgré la mise en place d’une commission d’enquête mixte composée de Burkinabè et d’étrangers, sous la pression notamment du MBDHP et de l’organisation de défense des journalistes « Reporters sans frontières », dirigée à l’époque par Robert Ménard. Cette commission avait abattu un travail remarquable en épinglant des suspects sérieux. Seulement, elle avait contre elle la volonté affichée de Blaise Compaoré, de protéger son frère cadet, François Compaoré sur qui pesaient de fortes suspicions dans l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune. On connaît la suite. Le juge d’instruction en charge du dossier à qui l’on avait alloué d’importantes ressources publiques, avait pris la responsabilité de classer l’affaire. Pendant 17 ans donc, le mensonge d’Etat avait été de mise dans le dossier Norbert Zongo. Et il pourrait être enfin rattrapé par la vérité.

La deuxième vérité universelle que la relance du dossier Norbert Zongo illustre est que « tout ce qui gît dans la pénombre aspire à la lumière ». Et les Républiques du Gondwana doivent savoir que tôt ou tard, cette vérité s’appliquera à elles aussi. Sous Blaise Compaoré, beaucoup de choses gisaient dans la pénombre. C’est d’ailleurs pour ne pas permettre qu’elles aspirent un jour à la lumière, que son régime s’était inscrit dans la logique d’un pouvoir qui avait pour vocation de régner ad vitam aeternam sur le Burkina. Ce faisant, Blaise Compaoré ne courait aucun risque de voir ouvrir un jour ses placards pour que les Burkinabè en constatent le contenu. De ce point de vue, l’on peut affirmer avec force que la longévité au pouvoir est l’alliée naturelle de l’impunité. Maintenant que Blaise Compaoré n’est plus aux manettes du Burkina, la probabilité que l’affaire Norbert Zongo connaisse un dénouement heureux est très forte. Mais l’on doit se garder d’aller trop vite en besogne, parce que le chemin qui doit y conduire pourrait être parsemé d’obstacles.

Le gouvernement de la transition doit travailler à traduire dans les actes sa volonté d’aller à la vérité dans cette affaire

Le premier obstacle est la disparition physique de tous les suspects sérieux que la Commission d’enquête avait épinglés dans son rapport. En effet, au moment où nous tracions ces lignes, sauf omission de notre part, presque toutes ces personnes ne sont plus de ce monde. Le seul rescapé, à ce que l’on dit, est difficilement localisable aujourd’hui. Dans ces conditions, l’on peut craindre que l’affaire ne soit jamais élucidée comme il l’aurait fallu, pour la simple raison que les personnes susceptibles d’aider à ce qu’elle avance dans la direction de la vérité ne sont plus parmi les vivants.

Le deuxième obstacle à la manifestation de la vérité peut être lié au fait que certaines personnes qui n’y ont pas intérêt, sont toujours à des postes qui leur donnent la latitude de torpiller toutes les actions allant dans le sens de la vérité. Et, il n’est pas permis de douter de la volonté de ces personnes d’agir dans ce sens.

Car, de toute évidence, la manifestation de toute la vérité dans l’affaire Norbert Zongo pourrait représenter pour elles la fin des haricots. Ces deux obstacles nous permettent de nous poser, au sujet du dossier Norbert Zongo, la question suivante : saura-t-on jamais la vérité ?

Cela dit, il revient à la Justice burkinabè d’apporter la preuve qu’en son sein, il existe toujours des hommes et des femmes pour qui le serment qu’ils ont prêté à leur prise de fonction est sacré. Certes, sa tâche ne sera pas aisée, mais elle n’est pas impossible. Elle ne l’est pas d’autant plus que la Justice burkinabè dispose déjà d’éléments tangibles à partir desquels elle peut travailler pour permettre une manifestation rapide de la vérité. Pour cela, elle ne doit pas craindre de demander l’extradition, s’il le faut, de certaines personnes du clan Compaoré, qui, aujourd’hui, se la coulent douce à l’extérieur d’où elles pourraient toujours travailler à brouiller les pistes. Cela nous amène à nous poser la question de savoir si le CDP n’a pas été mal inspiré en confiant des responsabilités, dans son nouveau bureau, à certaines de ces personnes. Au-delà de la Justice burkinabè, c’est le gouvernement de la transition qui est interpellé. Sans s’ingérer dans les affaires de la Justice, il doit, malgré le peu de temps qui lui reste pour achever son mandat, travailler à traduire dans les actes sa volonté d’aller à la vérité dans cette affaire. Et ce serait regrettable pour l’équipe de Michel Kafando de jouer avec le temps pour ne rien entreprendre dans ce sens, dans le secret désir de refiler la patate chaude au gouvernement auquel elle va passer le relais avant la fin de cette année.

« Le Pays »

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