L’artiste que votre média, actuburkina.net, a reçu pour vous cette semaine, est un peu particulière. Pourquoi ? Parce que, primo, elle est la seule femme au Burkina à jouer le Kundé et secundo, elle a toujours le visage recouvert de voile sur scène. Vous l’aurez certainement deviné, il s’agit de Kalam, « la reine du Kundé, la pogpala de la musique burkinabè ». Dans cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, elle explique ses débuts dans la musique, les raisons du choix du Kundé comme instrument de musique et ce voile qu’elle arbore toujours sur scène. A la question de savoir si elle enlèvera un jour ce voile, elle répond : « je ne sais pas si je vais enlever ce voile un jour ». Mais en entendant elle a décidé de mener trois combats à travers son art. Lisez plutôt !
C’est en 2018 que le public burkinabè a découvert, pour la première fois, une femme en train de jouer au Kundé et cela continue jusqu’aujourd’hui. Racontez-nous votre histoire avec cet instrument.
Je vais essayer de me résumer pour ne pas être longue. En effet, j’étais une danseuse avant de chanter et suite à un problème de genoux, on m’a dit de faire soit une intervention ou d’arrêter de danser. Je me suis alors dit que comme la danse et la musique sont des sœurs, je vais ranger ma casquette de danseuse et faire la musique. J’ai alors commencé à chanter mais j’ai vu que le Kundé m’appelait. En effet, c’est un instrument que j’aime beaucoup et avec le soutien de mon manager, de mon mari et de ma famille, j’ai commencé à apprendre et jouer à cet instrument. Je vous assure que la première fois où je devais jouer sur scène, il y avait la peur puisque je ne savais pas comment les gens allaient m’accueillir. J’avais très peur. Mais quand je suis montée sur scène et que j’ai constaté que les gens ont adhéré, j’ai été été soulagée et vraiment fière. Et jusqu’à présent je suis toujours avec mon Kundé.
Il est dit que dans la culture moaaga, le Kundé est réservé exclusivement aux hommes. Mais vous, en tant que femme, vous jouez à cet instrument. N’avez pas l’impression d’avoir bravé « un interdit » ?
J’avoue qu’au départ, j’avais des craintes surtout ce que les gens autour de moi disaient. Cela me faisait peur. Je me rappelle qu’un jour, au cours d’un échange, j’ai fait comprendre à mon époux que je voulais jouer au Kundé, étant donné qu’il m’encourageait beaucoup à trouver quelque chose d’originale qui sera mon identité. Quand je lui ai dit cela, il m’a demandé où est-ce que j’ai vu cela ? Il était un peu réticent mais j’ai tellement insisté qu’il m’a dit de patienter pour qu’il se renseigne sur l’utilisation du Kundé par une femme. Il est revenu après me dire qu’après renseignements, les choses n’étaient pas du tout simples, car partout où il était passé, on lui avait fait comprendre qu’une femme ne doit pas jouer cet instrument au risque de s’exposer à la folie, ou de s’attirer des génies.
J’en ai parlé à mon manager qui n’a pas trouvé à redire. Mais le problème est qu’il fallait trouver quelqu’un pour m’apprendre à le jouer puisque je ne m’y connaissais pas. A ce niveau, c’était compliqué en ce sens qu’il n’y avait pas de femme qui en jouait pour que j’aille vers elle. Donc, il fallait trouver un homme pour m’apprendre. Mon manager en a trouvé mais ces derniers venaient jouer pour lui-même mais pas pour moi puisqu’ils ne m’apprenaient pas en réalité. Mon manager a continué à m’en chercher jusqu’à tomber sur un, Aboubacar Djiga qui avait un esprit ouvert. Ce dernier m’a appris quelques bases mais il n’avait pas le temps, parce que voyageant beaucoup. Mais à chaque fois qu’il revenait, il constatait que je m’améliorais et il était fasciné par le fait que j’assimilais très vite.
Parlant justement de votre Kundé, vous l’avez confectionné vous-même ou c’est quelqu’un qui l’a fabriqué ?
Je suis allée voir quelqu’un pour me le confectionner. Il n’y a pas de femme qui fabrique cet instrument donc c’est un homme qui l’a confectionné mais je suis en train d’apprendre comment le confectionner.
Vous qui maniez si habilement aujourd’hui le Kundé, y a-t-il des jeunes ou des personnes qui vous approchent pour bénéficier de vos connaissances ?
Oui. Depuis que j’ai commencé il y a plusieurs personnes, notamment deux femmes qui ont manifesté leur intérêt avant d’abandonner par la suite. C’est dire qu’il faut du courage pour pouvoir aller jusqu’au bout. Vous savez, le Kundé est un instrument mythique et mystique à la fois. Et pour l’apprendre, il faut du courage parce que c’est dur par rapport à la guitare. Puisque c’est trois à quatre cordes au maximum qu’on doit jouer contrairement à la guitare qui en a jusqu’à six cordes. On dit que le Kundé est limité mais ça ne l’est pas comme on le pense. Il faut donc avoir beaucoup de courage pour l’apprendre.
Jouer au Kundé est l’une de vos particularités. Et la deuxième particularité, c’est le voile que vous arborez sur scène. Pourquoi tout ce mystère ?
(Rires) A travers ce voile, je veux faire comprendre aux gens que je suis la Pogpaala de la musique, donc mariée à la musique. Dans nos coutumes, quand une femme se marie, elle est voilée et c’est après un certain temps, qu’elle enlève le voile. Donc artistiquement, j’ai dit qu’étant donné que je me suis mariée à la musique, je reste voilée. En fait, je suis dans une démarche artistique et en la matière, chaque artiste a son grain de folie. C’est donc mon grain de folie.
Le voile, vous le portez uniquement sur uniquement scène ?
C’est uniquement sur scène sinon, dans la vie active, je suis madame tout le monde, je ne mélange pas les choses.
Les Burkinabè découvriront-ils un jour le visage qui se cache derrière ce voile ?
Mystère et boule de gomme ? Je ne peux pas dire que je vais l’enlever spécialement un jour étant donné que je m’inscris dans une démarche artistique. Mais le jour où je me déciderai à le faire, vous serez informé et à travers vous, les mélomanes.
A ce jour, combien d’albums totalisez-vous ?
A ce jour, je suis à deux albums et je suis en train de m’apprêter pour le troisième.
Aujourd’hui, en tant qu’artiste musicienne, quel est votre combat ?
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
Oui, j’ai des projets de studio, des projets de voyages mais je préfère ne pas trop m’étaler là-dessus.
Quel est votre message à l’endroit des Burkinabè, de tous ceux qui vous aiment et aiment ce que vous faites ?
Propos recueillis par Colette DRABO