Avez-vous une idée de ce qu’est une coiffure artistique ? Pas très évident ! Eh bien, au Burkina, il y a certainement des personnes qui exercent ce métier, mais depuis quelques années, une jeune dame fait beaucoup parler d’elle dans le milieu. Il s’agit de Clémence Zongo, promotrice de la maison « Holy création ». Sans être forcément sous les feux des projecteurs, Clémence Zongo fait partie de ces personnes à qui on dira que leur savoir-faire est un don de Dieu tant les merveilles qu’elle fait, forcent simplement l’admiration. Rien que le 25 avril dernier, lors de la 23e édition des Kundé, la coiffure du mannequin ayant ouvert le bal du défilé est griffée de son nom. Et ce n’est pas tout ! Car de nombreux artistes musiciens ou acteurs de cinéma ont déjà bénéficié de ses services. Au cours d’un entretien réalisé le 23 avril 2025 dans les locaux de actuburkina, elle a expliqué comment elle est venue dans le métier de la coiffure artistique, les difficultés qu’elle rencontre, et ce rêve qui lui tient tant à cœur, à savoir la création d’un centre de formation pour partager ce don qu’elle dit recevoir de Dieu. Lisez tout simplement !
Vous êtes une coiffeuse artistique. Dites-nous ce que c’est qu’une coiffure artistique ?
Il faut tout d’abord savoir que la coiffure artistique est une forme d’art à travers laquelle j’arrive personnellement à m’exprimer, que ce soit par les émotions, par une histoire quelconque. Elle est différente de la coiffure traditionnelle.
Comment êtes-vous venue dans ce métier ?
Il faut dire que je suis une croyante et très attachée à Dieu. C’est une révélation qui m’a été donnée dans un rêve. A la base, je suis une coiffeuse mais j’ignorais qu’est la coiffeuse artistique. Un dimanche de l’année 2020 vers 3h du matin, j’ai fait un rêve dans lequel je me voyais transformer la tête d’une dame dont je ne voyais même pas le visage. Je me suis réveillée en sursaut et je me demandais ce que voulait dire ce rêve. Je me suis alors souvenue de la révélation qu’on m’avait faite lors d’une prière auparavant. Le lendemain lundi, je suis allée au salon et comme il n’y avait pas de la clientèle, j’ai fait appel à l’une de mes collègues pour la coiffer. Mais l’image de la coiffure de la dame dans mon rêve était toujours vivace dans mon esprit et j’ai essayé de la reproduire sur la tête de ma collègue. Quand j’ai fini, les autres collègues ont beaucoup apprécié. J’ai pris la photo de la coiffure et j’ai publiée sur le net. Le lendemain, à ma grande surprise, je vois de nombreux commentaires positifs, me félicitant. Et tout est parti de là. Quand des clientes venaient, j’avais envie de créer quelque chose qui sort de l’ordinaire. Mais à chaque fois que je réalisais une nouvelle coiffure, les gens appréciaient. Chaque semaine, j’essayais de faire deux ou trois de ces coiffures que je publiais et les commentaires me félicitant étaient très nombreux. Nous étions en fin 2020. En 2021, une jeune dame ivoirienne mannequin qui suivait mes publications, m’a écrit et m’a envoyé une affiche sur laquelle, il était question de l’organisation d’un concours de coiffures artistiques à Abidjan. Elle a insisté pour que je prenne part parce que, pour elle, mes créations étaient belles et compétitives. Effectivement, je suis entrée en contact avec les organisateurs du concours. Mais étant donné que je ne résidais pas Abidjan, c’était compliqué car il fallait me payer le voyage et les frais d’hébergement. Quand les organisateurs du concours ont pu voir mes réalisations ils ont marqué leur accord pour que je participe au concours. Je suis alors partie et pour le concours et nous étions 52 candidates. Il y avait plusieurs catégories et Dieu, par sa grâce, a permis que je remporte le 1er prix en coiffure artistique.
Donc vous n’avez suivi aucune formation en la matière ?
Non, aucune formation en coiffure artistique.
Et depuis lors, vous ne cherchez pas à vous former ?
Ici au Burkina, j’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé de centre de formation. Mais je me dis que si c’est Dieu qui a tracé mon chemin dans ce domaine, c’est lui qui va me guider, me donner toujours l’inspiration pour réussir ma mission.
Ce genre de coiffure que vous faites est-il bien connu et valorisé au Burkina ?
Depuis 2021 où je me suis très bien intéressée à cette coiffure, je peux dire que c’est maintenant que les gens commencent à s’y intéresser, précisément depuis fin 2024.
A quel moment êtes-vous réellement sollicitée ?
C’est surtout lors des défilés parce que depuis 2021. J’ai été plusieurs fois sollicitée pour coiffer des mannequins pour des défilés, ou encore pour les concours miss. J’ai eu aussi à coiffer des artistes ou autres personnes pour la réalisation de leurs clips.
Vos créations sont-elles protégées ?
Non, mes œuvres ne sont pas encore protégées. En 2022, des gens m’ont conseillée d’aller avec mes œuvres voir le Bureau burkinabè des droits d’auteurs comment il pourrait m’aider à protéger mes chef-d’œuvres. Je suis allée et on m’a fait comprendre que dans les textes, la protection de la coiffure n’y est pas consignée. En 2024 encore, je suis repartie avec une association de coiffeuses et la même chose nous a été dite.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?
L’une des difficultés est le manque de moyens financiers. Ce qui fait que je n’arrive pas à faire de nombreuses créations. Pour le moment, je n’ai pas de salon de coiffure propre à moi, je travaille à la maison. Je n’ai pas aussi le soutien qu’il faut. Quand je prends des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, quand ils voient quelque chose qui vient de chez eux sur les réseaux sociaux, ils boostent cela, ils valorisent en montrant que ça vient de chez eux. Ils ne laissent pas que des gens de l’extérieur valorisent avant d’agir. Je veux vraiment rester dans mon pays et faire de grandes choses.
Les matériaux que vous utilisez pour faire les coiffures sont-ils disponibles sur le maché ?
Oui, on en trouve facilement. J’utilise la laine qui ne coûte pas cher, je fais aussi des confections avec des mèches. Cela demande beaucoup de moyens financiers. Mais si tu veux montrer tes talents, tu es obligé de prendre le peu d’argent que tu gagnes pour encore investir. Je pense que si les gens repèrent des talents sur les réseaux sociaux, ils doivent soutenir, encourager. On peut nous inviter dans telle ou telle cérémonie pour faire découvrir notre savoir-faire.
Vivez-vous de votre art aujourd’hui ?
Je dirai, pas encore.
Mais vous avez fait parler de vous lors du dernier FESPACO ?
Oui, le FESPACO m’a beaucoup apporté et m’a ouvert des portes.
Justement, vous partez en Belgique pour un festival, en mai prochain. Que comptez-vous démontrer aux yeux du monde ?
Oui, c’est le festival Benkadi qui aura lieu en mai, en Belgique. Le festival est à sa 5e édition je crois. En fait, la promotrice de ce festival me suivait beaucoup sur les réseaux sociaux et quand elle est venue ici au FESPACO 2025, elle m’a contactée. Je suis allée et je l’ai coiffée et elle était tellement contente qu’elle m’a donné une carte d’invitation pour prendre part au festival. Mais elle m’a expliqué qu’ils n’ont pas eu les moyens financiers pour payer les billets d’avion et l’hébergement, puisque que l’objectif est de faire connaitre des talents. Pour mon cas ce qu’ils peuvent faire c’est de m’aider avec le visa. Chose qui a été déjà faite. Je suis allée au ministère en charge de la culture concernant le billet d’avion. J’ai été reçue par le ministre qui était très content et engagement a été pris de payer le billet d’avion. Maintenant, il reste l’hébergement, je n’ai pas d’argent et je compte sur les bonnes volontés pour m’aider dans ce sens.
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
Je suis la promotrice de la maison « Holy création » et mon souhait c’est d’en faire un centre de formation pour partager mon savoir-faire avec ceux ou celles qui voudraient bien apprendre la coiffure artistique. Cela me tient énormément à cœur et j’espère pouvoir le réaliser. Je compte bien m’investir plus et pouvoir défiler sur de grands podiums à l’international.
Quels conseils pouvez-vous donner à ceux ou celles qui veulent se lancer dans la coiffure artistique ?
Quel que soit le métier que tu veux exercer, il faut avoir de la passion, de l’amour pour ce métier. La coiffure artistique est un travail qui n’est pas facile ce qui qui fait que si tu ne nourris pas de passion, tu ne peux pas tenir. C’est quelque chose qui prend du temps, on ne fait pas la coiffure artistique rapidement, il faut prendre tout son temps. Tout doit être au top pour que quand les gens vont voir, ils soient émerveillés. J’insiste pour dire que la première des choses, c’est d’avoir la passion pour la chose avant de se lancer.
A combien estimez-vous ceux qui sont dans le domaine de la coiffure artistique au Burkina ?
Au Burkina, je n’en connais pas. En fait, c’est une coiffure qui parle. Je fais les coiffures en fonction des thèmes qu’un client demande. Je fais des coiffures pour sensibiliser par exemple sur le cancer, sur l’actualité du pays, etc, je transmets toujours un message à travers mes coiffures.
Avec quels artistes avez-vous déjà eu à travailler ?
Je peux citer Hawa Boussim, Miss Tanya, Floby, Imilo Le chanceux, un clip de Zougnazagda, Alpha Blondy (l’actrice principale d’un clip). Il y en a eu aussi dans le domaine du cinéma et bien d’autres.
Certains Burkinabè vous connaissent mais ils sont nombreux également ceux qui ne vous connaissent pas encore. Que voulez-vous qu’ils retiennent de vous?
Propos recueillis par Colette DRABO