Par le mercredi des Cendres, ce 5 mars 2025, les catholiques du monde entier entament le temps de carême qui est le cheminement de 40 jours vers Pâques. A ce sujet, nous avons tendu notre micro à l’Abbé Kizito Nikiéma, Vicaire à la paroisse cathédrale de Ouagadougou. Que représente le mercredi des cendres dans l’Eglise ? De quoi le chrétien doit-t-il se priver pendant le carême ? Voici, entre autres, des questions auxquelles l’homme de Dieu se propose de répondre en y apportant des conseils pratiques en vue d’une bon et fructueux carême. Lisez plûtôt !
« Le Pays » : Que représente le mercredi des Cendres dans l’Eglise catholique ?
Abbé Kizito Nikiéma : Le mercredi des cendres est une date importante dans l’Eglise, dans la mesure où c’est le jour où commence le carême, temps de 40 jours de jeûne et de pénitence préparatoires à la grande fête de Pâques.
Quel sens donne-t-on à l’imposition des cendres sur le front des fidèles, le mercredi des Cendres ?
Lors de la messe du mercredi des Cendres, on a pris l’habitude d’appliquer de la cendre sur le front des fidèles avec l’une des paroles suivantes : « Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière » ou « Repentez-vous et croyez à l’Evangile ». Cela est un écho de ce qui se passait dans l’Ancien Testament, où l’on s’appliquait de la cendre pour marquer le deuil, la tristesse et la pénitence (Jérémie 6, 26 ; Ezéchiel 27, 30, etc).
Le mercredi des Cendres est précédé du mardi appelé « mardi gras ». Pourquoi l’institution du « mardi gras » ?
Le mardi gras n’a pas été en tant que tel institué par l’Eglise et n’a pas de signification liturgique. Certains y ont vu le dernier jour où ils pouvaient manger « gras », c’est-à-dire copieusement, avant le temps de carême marqué par les privations.
Le carême est-il obligatoire pour tout catholique ?
Il est vrai que dans le langage courant, certaines personnes disent « je suis en carême » pour signifier qu’elles jeûnent ce jour-là. Mais il faut distinguer le « jeûne » du « carême ». Le jeûne consiste à la privation de nourriture. Le temps de carême est, quant à lui, une période de 40 jours de préparation à Pâques qui se termine par la semaine sainte. Le temps de carême s’applique à tout le monde. Dans l’Eglise catholique, le jeûne est obligatoire le mercredi des cendres et le vendredi saint. Les fidèles sont encouragés à jeûner, chacun selon ses possibilités, les autres jours du temps de carême, et même de l’année, à l’exception du dimanche qui est un jour de fête, jour de la Résurrection du Christ.
Dans quelles circonstances ou conditions, un chrétien peut-il être exempté du jeûne ?
Sont concernés par l’obligation de jeûne du mercredi des Cendres et du vendredi saint, les fidèles majeurs, c’est-à-dire ceux qui ont atteint l’âge de 18 ans, jusqu’à la soixantième année commencée. Bien entendu, si l’on est malade, on n’est pas concerné. En plus du jeûne, il y a l’abstinence de viande et d’alcool le mercredi des Cendres et les vendredis de carême, selon les dispositions du Code de droit canonique et des Evêques du Burkina-Niger. La viande et l’alcool sont généralement associés à la fête. Sont tenus à cette abstinence de viande et d’alcool, les fidèles ayant plus de quatorze ans révolus. Mais si un vendredi de carême, au lieu de dépenser comme d’habitude 2 000 F pour la viande, on achète 6 000 F de poisson, l’esprit recherché n’est pas atteint.
De quoi le chrétien doit-t-il se priver pendant le carême, selon les prescriptions de l’Eglise ?
Le temps de carême est avant tout un temps de ressourcement spirituel et de retour à Dieu. En plus de la nourriture, on peut aussi se priver de choses auxquelles on est très attaché, par exemple, en diminuant son temps de divertissement, en particulier sur les réseaux sociaux, etc. Avant même le jeûne de nourriture, on devrait se priver avant tout de péché. Le temps de carême est un temps favorable pour lutter contre les vices, les mauvaises habitudes et les excès de toutes sortes. On peut, par exemple, décider de faire un effort pour respecter les feux tricolores, pour arrêter la consommation de pornographie et son corollaire d’adultère ou de fornication, les commérages, les insultes, les éclats de voix, le rackettage des patients, la corruption, etc.
Le carême chrétien dure 40 jours. Pourquoi cela ? Et que revêt la symbolique du chiffre 40 ?
Les 40 jours du temps de carême font référence aux 40 jours de jeûne de Jésus dans le désert durant lequel il ne mangea rien (Luc 4, 1-2). On constate dans la Bible qu’au temps de Noé, il a plu pendant 40 jours et 40 nuits sur toute la terre (Genèse 7, 12). Au sortir d’Egypte, les Israélites ont passé 40 ans au désert à cause de leur incrédulité (Nombres 14, 33-34). C’est à cette époque que Moïse a passé 40 jours et 40 nuits sur la montagne du Sinaï pour recevoir les 10 commandements (Exode 24, 18). Elie marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb après avoir reçu de la nourriture apportée par un ange (1 Rois 19, 8). Etc. A travers ces exemples, on peut dire que le nombre 40 symbolise le temps de jugement, de purification, de maturation spirituelle, de mise à l’épreuve, un temps de préparation pour une grande mission.
Une véritable confusion est souvent entretenue autour du carême chrétien surtout quant à l’heure de son début et celle de sa rupture. Qu’avez-vous à dire par rapport à cela ?
Le jeûne chrétien est une privation volontaire de nourriture. En ce sens, il n’y a pas d’heure de début et de fin. On ne prend pas les repas dont on a décidé de se priver et on prend les autres repas à son heure habituelle. Par exemple, pour le mercredi des cendres et le vendredi saint où on ne prend qu’un repas, on peut uniquement manger le soir à son heure habituelle. Il ne convient surtout pas, pour le jeûne chrétien, de se lever tôt le matin pour manger. Si un jour donné, on a décidé de se priver uniquement du repas de midi, on mange seulement le matin et le soir à ses heures habituelles. Précisons au passage que l’on peut boire l’eau plate (l’eau simple) lors du jeûne chrétien. Pour ceux qui peuvent communier, on peut bien recevoir la Sainte Communion les jours de jeûne.
Que faut-il cerner en termes de différence entre le jeûne chrétien et les autres types de jeûnes ?
Comme autres types de jeûnes, il y a le jeûne pratiqué dans les autres religions avec un esprit bien spécifique à ces religions. Par exemple, le temps de carême dure 40 jours alors que le mois de Ramadan dure un mois lunaire. Il y a aussi le jeûne esthétique qui a pour seul objectif de maigrir ou de garder la forme.
Le carême 2025 intervient dans un contexte sécuritaire et économique éprouvant pour les Burkinabè, avec son corollaire de personnes déplacées internes. Quelles conseils pouvez-vous donner pour vivre un carême solidaire ?
Il est vrai que quand on parle de carême, on voit surtout le jeûne. Mais ce jeûne doit être accompagné par la prière et l’aumône. L’aumône, et plus largement les œuvres de miséricorde, sont toutes les actions que nous pouvons faire en faveur de nos frères pauvres ou en difficultés. Il convient, cette année, d’intensifier notre prière en faveur du retour de la paix. Egalement, chacun est invité à manifester de la générosité envers les pauvres et les déplacés internes.
Une démarche de quarante jours dans la pénitence, la prière avec comme objectif un véritable changement des cœurs. Que conseillez-vous aux chrétiens en termes d’exercices spirituels pour mieux vivre ce temps de carême ?
L’exercice spirituel obligatoire pour tous les chrétiens, c’est la messe du dimanche. Si l’on n’y va pas par paresse ou par négligence, on commet un péché grave. Certains chrétiens ont gardé les habitudes de la période exceptionnelle de la Covid et se contentent de suivre la messe à la télé ou sur les réseaux sociaux. Cela peut être utile, surtout pour les personnes âgées et les malades. Mais on ne peut pas dire qu’on a participé à la messe lorsqu’on est resté chez soi et qu’on l’a suivie à la télé. Il convient donc que ceux qui ratent souvent la messe du dimanche fassent des efforts pour en faire une priorité. Il convient également de lutter contre les retards à la messe. Pendant le temps de carême, il est organisé un peu partout les vendredis le chemin de croix. C’est un exercice spirituel important auquel on peut participer pour se souvenir des souffrances de notre Seigneur Jésus-Christ. Il y a également la prière personnelle qui doit être intensifiée ou reprise pour ceux qui la font rarement ou qui l’ont abandonnée, la lecture de la Bible, l’adoration eucharistique, le chapelet, etc. Il y a de la matière et chacun est invité à fournir des efforts concrets dans sa vie de prières. On n’oubliera pas la confession qui est un sacrement important. Il est recommandé de ne pas attendre la dernière minute où il y a de l’affluence.
Quel est votre message à l’endroit des chrétiens ?
Bon et fructueux temps de carême !
Propos recueillis par Kiswendsida Fidèle KONSIAMBO