Aysha Junior, ce nom vous dit-il quelque chose ? Certainement oui, pour ceux « qui ont vécu ». Il s’agit de cette amazone de la culture qui a été la cheville ouvrière du succès de Madson Junior, du nom de ce petit garçon de 7 ans qui avait fait la fierté de la musique burkinabè dans les années 2004. Depuis, silence-radio. « Sa mère », Aysha Junior Ouédraogo, avait également disparu des radars avant de réapparaitre en 2024, avec son projet « 1000 femmes VDP, 1000 kits de dignité », qui avait pour objectif de collecter des kits de dignité pour les femmes VDP au front. Lors de la 29e édition FESPACO tenue du 22 février au 1er mars 2025, Aysha Junior, présidente de l’Association Couleurs de vie (AC-VIE), a fait parler d’elle avec son projet « Pays en lumière » qui a consisté à illuminer, à l’aide de guirlandes et de parasols, l’avenue Monseigneur Thévenoud, abritant l’allée des cinéastes, juste à côté de la mairie centrale de Ouagadougou. D’où lui est venue cette idée qui séduit plus d’un ? Que devient son fils Madson Junior et quels sont ses rapports avec ce dernier ? Elle dit toute la vérité dans cet entretien ci-dessous, qu’elle nous a accordé le 2 juin dernier à Ouagadougou.
Comment se porte Aysha Junior ?
Aysha Junior va très bien.
Ils sont nombreux ces Burkinabè qui affirment que vous êtes de moins en moins visible. Que leur répondez-vous ?
Je dirai tout simplement que Aysha Junior est là. Il est vrai que je ne m’affiche pas beaucoup, c’est le mauvais côté de la chose alors qu’avec tout ce que nous disposons comme réseaux sociaux, je devrais l’être. Mais je crois que j’ai pris cela en compte et je vais essayer de me rendre un peu plus visible.
Vous êtes une femme de média, de showbiz, bref de culture mais aussi de sport. Est-ce à dire que vous êtes une touche à tout ?
(Rires) Aysha Junior, sport, média, culture. En fait, tout ce que je fais, je le fais est avec du feeling. Quand je sens quelque chose, je le fais. Quand je suis arrivée au Burkina, j’avais des amis, des anciens de la RTB, qui voulaient que je fasse un reportage sportif. Ils ont tout fait pour que je fasse cela mais malheureusement je n’ai pas pu. C’est le handball que j’ai eu à pratiquer à l’Asec d’Abidjan, en Côte d’Ivoire quand j’y étais et quand je suis rentrée au pays, j’ai continué dans cette discipline. Côté médias, il faut dire que j’ai fait la radio et même si je n’y suis pas actuellement, cela continue parce qu’à travers les activités que je mène, surtout celles culturelles, c’est comme si j’y étais toujours.
Il est vrai que vous étiez une femme connue des Burkinabè mais vous avez gagné en notoriété avec l’arrivée, dans les années 2003-2004, du jeune artiste, Madson Junior dont vous étiez « le manager », lui qui a fait la fierté de la musique burkinabè avant de tomber dans l’oubli. Dites-nous, comment va-t-il aujourd’hui et quels sont vos rapports avec votre protégé qui avait remporté, en 2004, en Afrique du Sud, un trophée aux Kora music awards, en catégorie meilleur espoir ?
Madson Junior, il faut le dire, n’est pas mon protégé mais mon fils, j’ai fait les papiers à la justice pour qu’il devienne mon enfant. Il est là, il va bien et il fait son petit bonhomme de chemin même s’il ne chante pas pour le moment. Pour moi, il n’y a pas d’âge pour faire la musique, il pourra revenir à tout moment. A notre temps, quand nous étions à la radio, on pouvait jouer la musique des artistes sans aucune contrepartie mais aujourd’hui, faire de la musique demande énormément de ressources. Et ce n’est pas toujours évident. Pour le moment, il est là et il n’est pas exclu qu’il revienne sur la scène un jour.
Lors du récent FESPACO en février dernier, de nombreux Burkinabè vous ont redécouvert avec une ingénieuse idée à savoir : le projet « Pays en lumière » qui a séduit plus d’un. D’où vous est venue cette idée ?
C’est une idée que j’avais en tête depuis plusieurs années et il s’agissait, pour moi, d’illuminer la ville de Ouagadougou pendant cette période où tous les regards étaient tournés. Mais comme avoir une idée et la mettre en pratique sont deux choses différentes, nous n’avons fait que ce petit espace du côté de la mairie centrale. L’idée était là et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose cette année, même si c’est un tout petit peu. A la vérité, ce n’est pas ce que nous aurions voulu faire mais il fallait partir de quelque chose minime soit- elle, car le Burkina ayant été peint en rouge, comme une destination à ne pas fréquenter, nous avons voulu, à travers ce FESPACO, montrer le contraire au reste du monde pour qu’ils sachent que malgré tout, le pays vit. Etant donné que nous sommes dans une guerre de communication, il ne fallait pas aussi se laisser faire, il fallait une certaine réplique.
On le sait, la mise en œuvre d’une telle initiative demande assez de ressources financières. L’avez-vous fait sur fonds propres ou avez-vous bénéficié de soutiens et d’accompagnement ?
Vous savez, lorsque vous finissez vos études et que vous allez chercher du travail, on vous demande si vous avez de l’expérience. C’est ce que nous avons fait. Parce que quand tu as une idée et qu’on ne sait pas la forme qu’elle va prendre, il faut faire quelque chose pour que les gens voient d’abord avant de croire. Si nous n’avons pas eu de partenaires, cela été peut-être dû à cela. Maintenant qu’ils ont vu, je pense que la prochaine fois, les sponsors vont se manifester. En tout cas, la mise en œuvre n’a pas été facile parce que les sponsors ne se sont pas manifestés.
Dans les colonnes d’un confrère de la place, vous avez affirmé vous être endettée pour réaliser le projet « Pays en lumière » !
Du moment où des partenaires ne se sont pas manifestés, comment j’allais pouvoir mettre l’idée en œuvre ? Nous l’avons fait avec nos moyens de bord et nous avons sollicité des gens pour nous aider et voir comment après nous allions les gérer…
Avez-vous un pincement au cœur, sur le fait que vous n’ayez pas eu de partenaires pour vous accompagner dans ledit projet ?
Non, pour dire vrai, je n’ai pas de pincement au cœur mais je suis plutôt fière puisque malgré tout, j’ai pu réaliser quelque chose qui a plu au public. En effet, je me suis dit que si les partenaires n’ont pas réagi, cela veut dire qu’il y a un problème. Parce que je ne me suis pas seulement contentée d’écrire le projet sur papier, j’ai fait un visuel, un élément en 3D que j’ai présenté. Mais malgré tout je n’ai pas pu avoir de partenaires et de sponsors. Je me suis dit qu’il fallait le faire, afin qu’ils comprennent qu’ils ont peut-être eu tort de m’accompagner dans le projet. Avec la mairie, le ministre chargé des affaires étrangères, nous avons réussi à faire quelque chose qui a plu et c’est l’essentiel.
Doit-on s’attendre à une autre belle idée de votre part, au prochain FESPACO ?
A dire vrai, ce que nous avons fait, ce n’est pas exactement ce que nous avions prévu de faire. Aussi, quand on fait un projet, on pense à l’améliorer. On espère que Dieu nous prêtera, à tous, une longue vie et que le Burkina va connaitre cette paix tant recherchée et qu’au prochain FESPACO, nous puissions proposer autre chose.
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
L’an passé, vous avez initié le projet « 1000 femmes VDP, 1000 kits de dignité ». Où en êtes-vous avec ce projet ?
Le projet « 1 000 femmes VDP, 1 000 kits de dignité » est né en réponse à l’appel du chef de l’Etat invitant tous les Burkinabè à mettre la main à la pâte en soutien aux forces combattantes. Nous nous sommes dit qu’étant donné que nous ne pouvons pas aller au front, nous pouvons contribuer autrement en initiant un projet et comme nous sommes des femmes, pourquoi pas à l’endroit des femmes ? Nous savons que quand une femme va au front, elle laisse une famille, des enfants, et il y a des besoins primaires à satisfaire. L’idée est donc venue de là. Il s’agissait effectivement de mobiliser 1 000 bouteilles d’huile de 5l, 1 000 boules de savon, 1 000 paires de chaussures, 1 000 couvertures, des serviettes hygiéniques, etc. en vue de remettre aux femmes VDP afin qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules, que nous sommes de cœur avec elles, et que nous espérons que cette guerre va finir afin qu’elles puissent retrouver leur foyer, leurs enfants, la chaleur familiale.
Après une première édition, comptez-vous relancer une deuxième, cette année ?
Quand nous procédions à la remise des dons, nous avions dit que nous ne souhaiterions pas rebeloter parce que vouloir le refaire, c’est souhaiter que la guerre perdure alors que ce n’est pas cela notre souhait.
Quel est le message qui vous tient à cœur et que vous souhaitez adresser aux Burkinabè ?
Propos recueillis par Colette DRABO