Cette semaine, votre média actuburkina.net a reçu, pour vous, le Reggae man burkinabè Sharaph Coulibaly. Le 10 mai dernier, il a été sacré Marley d’Or 2025 en plus du Marley du meilleur concert qu’il a remporté, lors de la 12e édition des Marley d’Or, la cérémonie de distinction des meilleurs artistes Reggae makers du continent, à Ouagadougou. Dans cette interview réalisée le 20 mai dernier, il retrace son histoire avec la musique Reggae, donne son avis sur cette musique dont il estime qu’elle se porte « très bien » au Burkina. Tout en exhortant les mélomanes à acheter les œuvres de leurs artistes préférés, il les invite également à assister à leurs différents concerts, toute chose qui contribuera à créer de grandes stars comme cela se fait dans certains pays. Lisez plutôt !
Vous êtes un artiste Reggae maker. Expliquez-nous pourquoi vous avez opté de faire ce genre musical et pas autre ?
Je suis né dans un environnement de mélomanes. Mes oncles aimaient beaucoup écouter la musique surtout celle Reggae. Mon père était également un excellent musicien qui a joué avec Volta Jazz, Echo Volta et ensuite l’orchestre de la Gendarmerie nationale. J’ai appris auprès de tous ces gens, et lorsque j’ai décidé de faire la musique, j’ai choisi le Reggae parce que c’est elle qui a le plus bercé mon enfance. Aussi, l’engagement à travers les textes des devanciers, m’a fait comprendre que je pourrais aussi passer par ce créneau pour interpeler, sensibiliser et éduquer.
Y a-t-il des artistes reggae qui vous ont influencé au point de faire ce choix ?
Bien sûr, comme je le disais tantôt, mes oncles avaient leur grin de thé à proximité de la maison et ils n’écoutaient que la musique Reggae. C’est à grâce à eux que j’ai découvert par exemple, Bob Marley, Gregory Isaac, Burning Spear. Plutard Après Alpha Blondy a émergé en Côte d’Ivoire. Et le fait qu’il chante dans une langue que je comprends à savoir le Malinké, nous a amené à nous intéresser à ce genre musical. Ensuite, on a découvert Lucky Dube et au fur et à mesure, bien d’autres. Cela a encouragé beaucoup d’autres jeunes à chanter. Nous aussi avons attendu notre moment pour produire une œuvre pour la proposer aux mélomanes. Une manière aussi de dire que nous existons, que nous avons aussi des choses à dire et qu’on aimerait être écouté.
Combien d’années totalisez-vous à ce jour et avec combien d’albums au compteur ?
J’ai deux albums dont le 1er est sorti en 2006. Et le dernier, « B3n » en Bambara qui signifie l’entente, la cohésion en français, qui vient de sortir. S’agissant de carrière, je ne sais pas si elle commence à partir du moment où l’on sort un album ou c’est quand on a commencé à pratiquer la musique entant qu’amateur ? Parce que dans les années 1990, nous avions déjà un orchestre de jeunes et on nous faisait jouer sur des porte-chars pendant les jours de sport de masse à travers les artères de Ouagadougou. On interprétait des chansons surtout Reggae. Tout cela mis ensemble, ça fait un bon moment quand même que nous y sommes.
Et quels sont les thèmes que vous abordez dans vos titres ?
Il n’y a rien de nouveau sous ce soleil. On répète ce qui a déjà été dit par les devanciers. Maintenant, c’est la manière de le dire à de nouvelles oreilles, à une nouvelle génération qui diffère. Parce que les luttes de classes sociales ne sont pas derrières nous, les guerres entre nations ne sont pas finies, les uns qui mangent laisser les autres demeure une réalité qui n’a pas disparu de la surface de la terre, les injustices sociales existent toujours, etc. Ce sont autant de réalités qui ont existé et qui continuent d’exister. Maintenant si d’autres l’ont dit dans d’autres langues, soit en anglais, en chinois ou autre, nous, nous nous adressons d’abord à notre public en chantant dans nos langues. Pour le Reggae maker, nous sommes un seul peuple dans le monde. Aux yeux du Créateur, nous sommes tous ses enfants, nous avons tous les mêmes valeurs mais lorsque, souvent, des personnes mal intentionnées interviennent dans la gestion de nos Etats, font croire des choses à d’autres personnes, cela envoie des problèmes ethniques, de religion, d’injustice, etc. Nous, Reggae makers, attirons toujours l’attention des populations à faire attention aux comportements de certaines personnes parce que nous sommes de la famille humaine.
Lorsque vous regardez la musique reggae au Burkina, quel commentaire pouvez-vous faire ?
Justement, le 10 mai dernier, vous avez été sacré Marley d’Or 2025 en plus du Marley du meilleur concert que vous avez également remporté. Comment avez-vous accueilli ce sacre ?
Je l’ai accueilli avec joie. Je me suis dit que c’est la reconnaissance d’un travail bien fait parce que l’objectif des Marley d’Or, c’est d’amener les artistes praticiens de la musique Reggae à enregistrer dans les conditions qui respectent tout cet art que les dépositaires ont mis tous les moyens pour le faire. Il faut le dire, la musique Reggae ne rime pas forcément avec la programmation musicale, les ordinateurs et tout. Il est vrai qu’aujourd’hui, on peut faire la musique avec l’assistance des ordinateurs mais ce sont des outils qui n’émettent pas d’émotions. Alors que si vous vous faites accompagner par d’autres musiciens qui sont en harmonie avec vous, qui partagent votre vision à travers le texte que vous chantez, l’émotion que leurs instruments vont faire ressortir, va forcément toucher les autres. J’ai souvent dit que la musique est l’un des meilleurs canaux de l’émotion : ou on la sent ou ne la sent pas ! Donc ce trophée m’interpelle à ne pas dormir sur mes lauriers mais de travailler doublement car à chaque fois que je vais produire une œuvre, il ne faudrait pas qu’on dise que la précédente était pourtant meilleure. Qu’on trouve toujours que je respecte la qualité dans laquelle on m’a connu. Maintenant qu’elle ne plaise pas, cela est autre paire de manche, car on ne force pas un mélomane à aimer une musique.
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
A court terme déjà, il s’agit de faire la promotion de mon dernier album, « B3n ». Il y a aussi des clips à réaliser et qui seront faits très bientôt. Il y a un concert de remerciements en préparation, ainsi que l’enregistrement du prochain album.
A long terme, il s’agira de poursuivre la carrière car je ne compte pas s’arrêter en si bon chemin étant entendu qu’il n’y a pas de retraite en musique. Nous entendons continuer les productions, faire des concerts et se donner les moyens pour se faire connaitre et faire connaitre les œuvres que nous proposons aux mélomanes.
Y a-t-il des projets pour l’international ?
Il faut dire que cela fait deux décennies que je participe au Mali Festi Reggae qui est un festival réunissant les Reggae Makers venus d’Afrique et du reste du monde. Je suis même le Directeur artistique de ce Festival et nous l’organisons chaque année, au Mali. Il y a aussi d’autres Festivals à explorer en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Europe et pourquoi pas organiser un concert à guichets fermés. Dans le showbiz, il y a plusieurs étapes. Donc il y a du boulot à faire et nous n’allons pas dormir sur nos lauriers.
Quel est le message que vous avez à adresser à l’endroit des mélomanes burkinabè ?
Propos retranscrits par Colette DRABO