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PLAINTE CONTRE BLAISE COMPAORE ET DES DIGNITAIRES DE SON REGIME : La transition dans ses petits souliers ?

« Devant l’inertie du pouvoir de la Transition suite aux crimes des 30, 31 octobre et 2 novembre 2014, le MBDHP a décidé de saisir les juridictions et autorités compétentes afin que la vérité sur les assassinats et tentatives d’assassinats perpétrés pendant cette période soit établie et que justice soit rendue à ces martyrs ». Ainsi s’exprimait Chrysogone Zougmoré, président du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP), lors d’une conférence de presse organisée le 31 mars dernier, et au cours de laquelle il est ressorti que ledit mouvement, en guise de soutien aux familles des martyrs et aux victimes de la révolution, a engagé des procédures judiciaires contre Blaise Compaoré, son frère François Compaoré et d’autres caciques du régime déchu dont le général Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier de la présidence sous l’ancien régime, le général Honoré Nabéré Traoré, chef d’état-major général des armées à l’époque des faits, Beyon Luc Adolphe Tiao, dernier Premier ministre de l’ère Compaoré, le ministre de la Sécurité d’alors, Jérôme Bougouma et X, pour assassinats, tentatives et complicités d’assassinats lors des événements de fin octobre 2014 qui ont vu la chute et la fuite de l’exilé de Cocody à Abidjan en Côte d’ivoire.

L’on peut saluer le courage du MBDHP là où beaucoup de gens attendaient la Transition

La première observation que l’on peut faire, c’est que le MBDHP reste fidèle à lui-même, dans son combat pour la défense des droits de l’homme. Combat dans lequel il s’est, du reste, singulièrement illustré depuis les années 1998, à travers la lutte contre l’impunité dans l’affaire Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune, boucanés sur la route de Sapouy un certain 13 décembre 1998, et qui avait mis en émoi tout le peuple burkinabè voire au-delà. A ce titre, l’action du MBDHP ne surprend guère. Avec le retrait de l’ex-président de ce mouvement qui en était devenu le personnage emblématique, Me Halidou Ouédraogo, l’on avait craint un ramollissement du MBDHP. Mais c’est le contraire. Chrysogone Zougmoré, à qui Halidou Ouédraogo a passé le témoin, et son équipe ont su garder la flamme allumée et n’ont cessé, depuis lors, de continuer le combat avec la même fougue et le même engagement que ceux de leur ex-président. C’est dire s’ils sont mieux placés que quiconque, pour mesurer l’étendue des dégâts humains causés par l’insurrection populaire de fin octobre dernier, due principalement à l’obstination de Blaise Compaoré à rester au pouvoir, soutenu en cela par des proches qui voulaient eux aussi préserver leurs privilèges.
Cela dit, l’on peut saluer le courage voire l’audace du MBDHP qui a pris l’initiative de poser ces actes historiques, là où beaucoup de gens attendaient la Transition. En se décidant à prendre les devants, le MBDHP coupe l’herbe sous les pieds de la Transition. Et cela est à son mérite, parce qu’en face, l’empressement n’est pas manifeste, bien au contraire : non seulement l’hommage de la Nation à la mémoire des martyrs n’en finit pas de se faire attendre, mais aussi et surtout les actions en faveur des familles et ayants droit des martyrs et de certaines victimes encore en vie sont difficilement perceptibles sur le terrain, au grand dam de ces derniers qui avaient pourtant fondé des espoirs sur les autorités de la Transition. Aussi, n’est-il pas exagéré de dire que par cet acte, le MBDHP fait le travail à la place de la Transition. Confortant bien des Burkinabè dans le doute quant aux motivations réelles de cette dernière par rapport au régime déchu. En effet, en se laissant brûler la politesse de la sorte par le MBDHP dans un tel dossier, la Transition n’est pas loin d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’elle agit, consciemment ou inconsciemment, de manière à couvrir les arrières de Blaise Compaoré. Cela d’autant que dès les premiers instants de la chute du régime, aucune arrestation n’a eu lieu ni aucune mesure conservatoire n’a été prise dans l’immédiat pour éviter que certaines preuves disparaissent. Du reste, dans le cafouillage qui a suivi, bien des actes répréhensibles ont pu être posés dans l’opacité la plus totale sans que le peuple ne se doute de rien ! Qui sait ce qui s’est passé à Kosyam et dans les cabinets des ministres ? C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de se demander si la Transition n’est pas maintenant dans ses petits souliers.

A la suite de ce procès pour assassinats, les Burkinabè aspirent aussi à connaître la vérité sur les crimes économiques

Surtout quand on se rappelle les conditions de la fuite de Blaise Compaoré et la façon dont certains de ses proches tentent de reprendre la main sur le cours de la Transition. C’est elle qui devrait faire le travail du MBDHP. Or, à l’allure où vont les choses, rien ne dit que ces dossiers de crimes auraient connu un début de traitement. D’autant que plus l’échéance de la fin de la transition approche, plus les esprits sont tournés vers les élections qui focalisent l’attention de tous. D’où le mérite du MBDHP qui veille à ce que l’impunité ne soit pas consacrée dans cette affaire.
Maintenant que ce mouvement a jeté un pavé dans la mare, l’on peut dire que la Transition est dos au mur. Du traitement qu’elle fera de cette affaire, dépendra sa crédibilité aux yeux des Burkinabè, surtout que l’initiative des poursuites ne vient pas d’elle.
Au demeurant, certains croient savoir pourquoi la transition traîne des pieds. Parce qu’ils ne sont pas loin d’y voir une potentielle épée de Damoclès qui planerait sur sa tête. Et pour cause. Si Blaise Compaoré, du fait de son exil, paraît une menace moindre, il n’en va pas de même pour certains hauts gradés de l’armée mis en cause et restés sur place. Ils pourraient être une menace potentielle pour la transition elle-même.
Toutefois, il n’est dans l’intérêt de personne de prendre en otage la Transition à cause de cette affaire, à moins de vouloir entraîner le pays dans le chaos. De surcroît, tôt ou tard, il faudra bien que la lumière soit faite sur cette affaire. C’est pourquoi les indexés devraient au contraire se réjouir de l’ouverture de ce dossier qui leur donnera l’occasion de s’expliquer, pour que les responsabilités soient établies. Ils ne doivent rien craindre s’ils n’ont rien à se reprocher. Toute autre attitude contraire pourrait être perçue comme un aveu de culpabilité.
En tout état de cause, à la suite de ce procès pour assassinats, les Burkinabè aspirent aussi à connaître la vérité sur les crimes économiques, pour que le principe de la reddition des comptes puisse désormais s’imposer comme ligne de conduite dans tous les maillons de l’appareil d’Etat, afin que plus rien ne soit véritablement comme avant. La portée pédagogique d’une telle approche n’est plus à démontrer.

« Le Pays »

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