Elle est actrice, réalisatrice, productrice et promotrice de la maison de productions Jovial’Productions. Après plusieurs années d’absence sur le petit écran, elle a signé son retour en force avec sa toute dernière série baptisée “Bienvenue à Kikidéni” déjà diffusée sur les antennes de Canal + en attendant le tour de la RTB dans les semaines à venir. Vous l’avez devinée, il s’agit de Aminata Diallo/Glez plus connue sous le nom de Kadi Jolie. Au cours d’un entretien réalisé le 4 novembre 2024, à Canal Olympia Idrissa Ouédraogo dans le quartier Pissy de Ouagadougou, dont elle est la gestionnaire, Kadi Jolie est revenue sur les raisons de ces années d’absence sur la scène cinématographique, son retour avec sa dernière série “ Bienvenue à Kikidéni”, ses projets et aussi son association dénommée “Association Mandy” spécialisée dans l’offre des soins palliatifs aux personnes du 3e âge et celles malades. Lisez plutôt !
Ils sont nombreux ces Burkinabè qui se demandaient où était passée Kadi Jolie. Que leur répondez-vous ?
(Rires) Elle est devant vous !
Comment se comporte votre série “Bienvenue à Kikidéni” depuis sa diffusion sur Canal+ ?
Vraiment, on se réjouit de l’accueil qui lui a été réservé. Nous remercions tous les fans partout en Afrique parce qu’à travers Canal +, les cinéphiles ont pu suivre au-delà du Burkina. Je crois que la Télévision nationale est à pied d’œuvre pour sa programmation. Je ne sais pas ce sera quand, mais cela est d’actualité et je pense que dans les semaines à venir, “ Bienvenue à Kikidéni” passera sur les antennes de la RTB.
Il y a eu récemment des projections aux Etats-unis et au Canada. Comment la série a-t-elle été accueillie dans ces pays ?
C’est une série qui, par la grâce de Dieu, depuis 2005, a rencontré l’assentiment général des Africains et peut-être d’autres communautés, je n’en sais rien mais, en tout cas, les Africains se sont vraiment retrouvés dans cette série et cela nous réjouit. Du coup, quand on est parti au Festival vu d’Afrique à Montréal, la communauté noire a pris la salle de projection d’assaut. C’était très bien. Il y a eu des interactions entre nous et le public. Pareil pour la projection aux Etats-unis, à New Jersey, où la salle qui comptait autour de 300 places, était pleine. On se réjouit. Cela la prouve que le travail est reconnu. Pour ma part, je suis très flattée et je rends grâce à Dieu pour les comédiens et toute l’équipe technique que j’ai eus, qui sont restés fidèles parce que c’est pratiquement les mêmes avec qui j’évolue depuis 2005. Je rends grâce à Dieu.
Justement, on constate que vous avez reconduit les mêmes acteurs. Pourquoi ?
Mais on ne change pas une équipe qui gagne ! Et puis vous savez que « Bienvenue à Kikidéni », c’est tout une histoire. Il y a des têtes fortes de la série et Dieu merci nous sommes tous en vie pourquoi donc changer ? Rajeunir l’équipe en intégrant de nouveaux comédiens oui mais, pourquoi changer les principaux acteurs, cela n’a pas de sens.
Entre la série “ Trois hommes, un village” et “Bienvenue à Kikidéni”, vous avez mis une dizaine d’années. Pourquoi tout ce temps mis ?
Votre maison de productions, Jovial’ productions, évolue beaucoup plus dans les fictions, les séries. Comptez-vous rester dans ce créneau ou entendez-vous explorer d’autres domaines ?
Je crois que je ne suis pas fermée à d’autres genres. Il est vrai que, pour l’instant, nous ne faisons que la comédie qui nous réussit assez bien mais si demain, un auteur nous propose une belle histoire même si c’est dramatique, peut-être que… Mais pour l’instant, je n’ai pas encore cela.
Le FESPACO 2025, c’est pour bientôt. Y a-t-il quelque chose dans les tiroirs ?
Non, pour le FESPACO, c’est toujours « Bienvenue à Kikidéni » qu’on a proposé. Nous ne savons pas si elle (la série) sera sélectionnée ou pas. Il faut signaler que je porte une double casquette notamment le fait que je gère aussi une salle de cinéma, donc naturellement, on se prépare aussi pour accueillir les programmes du FESPACO, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
Comment se passe la journée d’une personne qui gère une salle de ciné comme Canal Olympia ?
Nous sommes une salle de spectacles et de cinéma. Nous sommes ouverts du mardi au dimanche et nous essayons de proposer les derniers films qui sortent en mettant en avant les productions africaines. Nous avons deux salles, dont une à Ouaga 2000 et l’autre ici à Pissy. Nous avons réussi à fidéliser un certain nombre de cinéphiles de part le confort de nos salles, la qualité des projections entre autres. Tout cela pour le bonheur des cinéphiles.
Le financement du cinéma en Afrique se pose de plus en plus avec acuité. Comment voyez-vous les perspectives du cinéma, voire de l’audiovisuel africain ?
Je ne saurai parler au nom des autres pays africains ne sachant pas ce qui se passe dans chaque pays mais pour le Burkina, je pense qu’il y a une restructuration au niveau du ministère en charge de la culture. Il y a des choses qui se font, peut-être pas au rythme que nous, qui sommes sur le terrain, souhaitons mais il y a du boulot. Par exemple, pour ce qui concerne la série « Bienvenue à Kikidéni », nous avons reçu de l’aide. C’était la première fois que nous avions autant d’aides du Burkina. Nous nous réjouissons de cela et nous espérons qu’elles seront plus consistantes.
Pensez-vous que l’art, en général, et le cinéma en particulier, nourrit-il son homme ou sa femme au Burkina ?
Normalement, ça devrait être le cas. L’art devrait nourrir son homme ou sa femme mais vu la rareté des productions et les conditions de travail, ce n’est pas forcément le cas. Quand tu fais un budget de 200 ou 300 millions de FCFA, et que tu te retrouves avec 50% de ton budget, tu es obligé de faire les choses au rabais. Cela fait que les gens ne seront pas payés comme il se devrait ; et si cela ne se fait pas de façon régulière, c’est clair qu’il y aura des moments où il y aura des hauts et des bas. Mais il y a des comédiens professionnels qui ne font que cela, autant au théâtre qu’au cinéma. Mais la plupart de ceux que je connais, mène une activité à côté.
Quels sont vos projets dans le domaine du cinéma ?
Je suis actuellement en train de faire un documentaire qui n’a rien à voir avec la fiction. Cela concerne les soins palliatifs. Les soins palliatifs, c’est tout l’accompagnement qu’on met en place pour les personnes atteintes de maladies lourdes évolutives. Pour le cas de ma mère, je connaissais la maladie qui allait l’emporter mais il s’agissait de voir comment faire en sorte pour que la personne garde sa dignité, qu’elle ne souffre pas énormément. A partir donc de mon vécu, j’estime que c’est un sujet qu’il faut traiter pour sensibiliser et attirer l’attention afin de voir ce qui peut être fait. Après le décès de ma mère, j’ai alors créé une association dénommée “ Association Mandy”. Mandy qui est le prénom de ma maman.
Justement, parlez-nous de votre association. Quel est son objectif ?
L’association Mandy a été mise en place pour offrir des soins à domicile. Ça peut être pour les personnes du 3e âge. Il s’agit de les assister, de veiller à leur hygiène corporelle, environnementale. Donc on envoie des infirmiers, des aide-soignants et parfois des aide-ménagères parce que le tout n’est pas de rendre un malade propre mais de veiller à ce que l’environnement dans lequel il vit, ne soit pas souillé, sinon tous les efforts que vous ferez resteront vains. En clair, on dira que ce sont des soins de proximité qu’on essaie d’offrir. Au-delà de cela, la spécificité de l’association, c’est les soins palliatifs. De par mon vécu, j’ai vu la nécessité de mettre en place un tel cadre. Il faut dire que moi j’ai eu la chance d’avoir été accompagnée tout le long de la maladie de ma mère qui a duré trois ans mais par la grâce de Dieu, j’ai eu tous les médecins dont j’avais besoin. J’ai eu aussi des religieux qui étaient à l’écoute. En effet, j’ai compris qu’au-delà de l’accompagnement médical, il y a l’accompagnement psychologique, spirituel qui sont très importants pour les personnes du 3e âge, pour des gens qui sont en fin de vie, quand ils ne sont pas dans le déni, qui acceptent d’être accompagnés comme il faut. Ce sont des gens qui ont besoin de se confesser, de mettre un peu d’ordre dans leur vie et là, ils ne le disent pas facilement. C’est donc tout un dispositif qu’on met autour de ces personnes pour les rassurer, leur donner une certaine dignité pour que ça se passe au mieux.
En quelle année l’association Mandy a-t-elle été créée et comment fonctionne-t-elle ?
L’association a été créée en 2020 et nous avons une convention avec le ministère de la Santé, ce qui nous permet de travailler dans la légalité. Je ne suis pas médecin mais j’ai suivi des cours sur les soins palliatifs et aujourd’hui, j’ai un certificat en soins palliatifs. Ça n’a pas été compliqué parce que ce qu’on me disait en théorie, moi je l’avais déjà fait dans la pratique. Il fallait juste connaître les expressions, les terminologies, etc. L’association n’a malheureusement pas de finances en tant que tel. On essaie de jongler car étant donné que nous offrons des soins à domiciles, nous avons parfois de petites marges qui nous permettent de mener souvent des actions, notamment des campagnes de dépistage gratuit de l’hypertension artérielle, la glycémie, etc. Récemment, nous avons fait le dépistage gratuit du cancer de sein. Nous sommes actuellement en novembre, “novembre bleu” consacré aux cancers masculins et nous sommes en train de voir comment nous pourrions proposer éventuellement le dépistage du cancer de la prostate. Cela a un coût et il nous faut trouver des gens qui vont nous accompagner. Pour le dépistage du cancer du sein, nous avons eu la chance d’avoir bénéficié de l’appui du Laboratoire Dengue Pharma en logistiques, en personnel mais aussi financièrement. L’association n’est pas encore viable mais nous nous disons qu’elle a besoin de poser des actes forts pour se faire connaitre et nous espérons qu’en ce moment, les gens nous viendront en aide.
Comment mobilisez-vous les bénévoles de façon concrète ?
Nous avons une plateforme et il faut dire que je suis étonnée du nombre d’adhérents. Quand on lance des fois une campagne de dépistage, l’équipe arrête un nombre mais des gens peuvent débarquer et dire qu’ils ont vu l’information sur les réseaux sociaux et qu’ils sont disponibles pour vous aider. C’est vraiment un esprit de bénévolat que j’admire et que je salue au passage. On appelle des médecins, des spécialistes qui sont toujours disponibles pour apporter leur aide. En tout cas, les gens y croient et accompagnent.
Quels sont les défis de l’association Mandy à ce jour ?
Si Mandy avait des sources de revenus conséquentes, ce serait d’offrir des soins gratuitement à domicile. Par exemple, quelqu’un peut nous appeler pour sa mère malade et qui veut rester chez elle, donc on affecte deux ou trois infirmières pour que ce soit H24. Des fois, c’est juste quelqu’un qui est seul parce qu’il n’a personne à côté de lui. Nous ne disons pas que c’est des gens qui ont délaissé leurs parents mais ce sont les activités qui font que certains sont obligés d’être absents. Autrefois on critiquait les blancs mais de plus en plus, on vit comme eux. Nous les Africains sommes en train de rentrer dedans, à la différence que les blancs ont des établissements consacrés aux personnes du 3e âge, chose que nous n’avons pas encore ici.
Quid des besoins de l’association ?
Propos recueillis par Colette DRABO