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ELIMINATION DE 146 TERRORISTES A KAIN-OURO: le MBDHP dénonce des exécutions extrajudiciaires

Le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) a mené une mission d’établissement des faits dans les départements de Kain, Banh et Bomboro suite à une opération des Forces de défense et de sécurité ayant conduit à la neutralisation de 146 terroristes. Pour présenter son rapport d’enquête, le MBDHP a initié une conférence de presse le mercredi 13 mars 2019 à son siège à Ouagadougou.

 « Le 4 février 2019, un communiqué de l’Etat-major général des armées informait l’opinion publique qu’une attaque terroriste s’était produite dans la nuit du 3 au 4 février 2019 à Kain faisant malheureusement 14 victimes civiles au sein de la population ». Ainsi, s’est exprimé Chrysogone Zougmoré, président du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) pour introduire les échanges avec la presse sur la présentation du rapport de mission d’enquête menée par cette ONG. C’était le 13 mars dernier au siège du MBDHP. Tout en poursuivant qu’en riposte face à cette attaque terroriste, les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont mené des opérations de ratissage dans les départements de Kain, Banh et Bomboro ayant conduit à la « neutralisation » de 146 terroristes. C’est donc à la demande de parents des personnes « neutralisées », victimes des opérations de ratissage, que le MBDHP a mené une mission d’établissement des faits dans plusieurs localités des départements concernés. On retient, selon les témoignages recueillis, que 60 victimes recensées ont été sommairement exécutées. Il s’agit donc d’exécutions extrajudiciaires. Et Chrysogone Zougmoré d’expliquer comment la mission s’est déroulée pendant tout le mois de février et la première semaine de mars 2019. Le MBDHP, affirme-t-il, a procédé à 65 entretiens avec des victimes, parents de victimes et des témoins des évènements. De ces entretiens, 20 ont été réalisés avec des femmes et les différents entretiens l’ont été à Kain, Sounam, Tiabéwal, Guingui, Daybara, Somme, Ouahigouya et Ouagadougou. Ajoutant que les informations recueillies ont été recoupées et confrontées à diverses sources pour aboutir à la rédaction du rapport où il est retracé les vécus de témoins directs des évènements du 4 février à Kain et environnants. C’est ainsi que 60 victimes ont été identifiées dans les localités de Kain, Sounam, Tiabéwal, Guingui, Daybara et Somme sur les 146 terroristes tués et annoncés par l’Etat-major général des armées. Le rapport fait ressortir, selon les témoins rencontrés, que des hommes armés, en tenues militaires burkinabè ont encerclé des zones d’habitations, arrêté des personnes qu’ils ont par la suite exécutées froidement. Il y est indiqué que ces militaires ont été appuyés, dans certains cas, par un hélicoptère militaire. Les proches des personnes tuées nient tout lien entre les victimes et des groupes terroristes.

 Les témoignages recueillis vont dans le même sens

 Quelques témoignages de témoins ont été lus par le président Chrysogone Zougmoré. Un premier témoin a indiqué au MBDHP que, « les militaires sont arrivés à moto vers 3h 30 du matin. Amadou était couché sur une natte. Ils l’ont fait sortir de la maison et l’ont mis à côté de sa moto. Ils ont tiré sur le réservoir de la moto qui a pris feu, avant de le tuer ». Les propos d’un autre témoin font savoir que « les militaires sont venus taper à notre porte. Ils l’ont défoncée par la suite, pendant que nous étions dans la chambre. Ils sont entrés chercher mon mari et j’ai pris sa pièce d’identité pour la leur montrer et ils ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de cela, mais de mon mari. Ils l’ont emmené de force pendant que ses deux petits garçons de 9 ans étaient au salon. J’ai suivi jusqu’au dehors où ils l’ont tué avec les autres ». Pour le MBDHP, l’ensemble des témoignages vont dans le même sens et, précise-t-il aucun combat qui aurait opposé des éléments des FDS à de présumés terroristes n’a été signalé. Sur cette question d’exécutions extrajudiciaires, le MBDHP dit avoir rencontré le ministère de la Défense le 7 mars et donnant sa version, il lui a été indiqué que ce ne sont pas des exécutions extrajudiciaires. Et pour cette ONG, la version du ministère a changé puisque, selon elle, le communiqué de l’Etat-major général des armées indiquait que les FDS y sont allées après avoir eu des informations indiquant la présence de terroristes qui se préparaient à attaquer. En plus de cela, le MBDHP rappelle que le communiqué indique qu’il y a eu des combats, de champ de bataille alors que son rapport évoque tout autre chose. En effet, selon Chrysogone Zougmoré, la mission a ramassé environ 200 douilles de balle avec aisance près des concessions et que les populations leur ont dit qu’il n’y a eu aucun combat. Au sujet de ces douilles, le MBDHP indique qu’il fera procéder à une analyse balistique afin d’en savoir un peu plus.

 Selon le MBDHP les FDS, inspirent aux populations inquiétude et peur dans les zones visitées

Au vu de tout cela, le MBDHP a tenu à faire savoir qu’il n’est pas opposé à la lutte contre le terrorisme parce que la sécurité est un droit de l’Homme. Mais, selon cette organisation de la société civile, cela ne doit pas devenir une source d’insécurité pour les citoyens. Et d’ajouter que dans les zones qu’il a visitées, on constate actuellement, avoue le premier responsable du MBDHP, que les FDS inspirent aux populations inquiétude et peur. Plus grave et selon des sources, dit-il, les groupes terroristes n’hésitent plus à se présenter dans ces localités comme les défenseurs et les protecteurs des populations face aux dérives des FDS. Et Chrysogone Zougmoré de relever que « cette posture constitue leur principal argument pour élargir leur base sociale et gagner la sympathie des populations dans des zones où ils sévissent ». Le MBDHP s’inquiète également qu’un grand nombre de victimes des opérations anti-terroristes portent des patronymes d’origine peuls. Ce qui renforce, selon ce mouvement, un sentiment de stigmatisation au sein des membres de cette communauté. Mais pourquoi des peuls, s’interroge-t-on, et à ce sujet le président du MBDHP fait savoir que ce sont des zones majoritairement habitées par des peuls. Et pour cette ONG, il est nécessaire d’entreprendre des actions urgentes pour rétablir la confiance entre les populations et les FDS. Dans ce sens, elle a formulé des recommandations dont, entre autres, mener des investigations sérieuses et impartiales sur les tueries survenues à Kain-Ouro et environnants, arrêter et juger tous les auteurs et commanditaires des violations graves des droits humains dans cette zone ; prendre des mesures concrètes contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination basées notamment sur l’appartenance ethnique et/ou religieuse ; veiller à assurer de manière effective et efficace la sécurité des personnes et de leurs biens, sans discrimination aucune, sur toute l’étendue du territoire ; accentuer la formation des FDS en matière de droits humains et de respect des règles de l’Etat de droit ; prendre des sanctions disciplinaires contre les éléments des FDS auteurs de violations de droits humains sans préjudice de sanctions judiciaires.

 Antoine BATTIONO

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