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DJIBRILL BASSOLE : « Fuir le Burkina serait un aveu de culpabilité »

Dans un entretien accordé en exclusivité au Monde Afrique, l’ex-chef de la diplomatie de Blaise Compaoré, Djibrill Bassolé  se prononce sur le scandale des écoutes en passant par l’insurrection populaire, la présumée collusion entre l’ancien régime et les groupes djihadistes, son état de santé ou encore sa détention… Nous avons proposons quelques passages de cet entretien. Lisez.

 

Vous réclamez votre mise en liberté provisoire depuis plus de deux ans. Vous l’avez obtenue en octobre 2017 assortie d’une assignation à résidence surveillée. Etes-vous satisfait ?

Djibrill Bassolé Je suis satisfait de l’arrêt de mise en liberté provisoire (…) C’était une décision courageuse. Mais voilà que le gouvernement, qui s’est toujours opposé à mes demandes de mise en liberté, a demandé que je sois placé en résidence surveillée. Il m’a assigné dans un endroit autre que mon domicile et qui n’est pas de mon choix. C’est une nouvelle détention, cette fois-ci ordonnée par le gouvernement. Ce que je dénonce ici, c’est le fait que l’exécutif, malgré la séparation des pouvoirs, se donne le droit de prendre des dispositions contraires à une décision de justice, surtout en matière de liberté.

Le motif principal de votre demande de mise en liberté provisoire était votre mauvais état de santé nécessitant des soins à l’étranger. Comment vous portez-vous ?

Il y a toujours cette anomalie que les médecins ont détectée sur mon électrocardiogramme et sur laquelle il est impératif d’être fixé le plus tôt possible. Si je n’avais pas été assigné en résidence surveillée, j’aurais pu me rendre à Paris, où les rendez-vous étaient pris avec les médecins de l’Hôpital américain. A présent, je ne peux que prendre mon mal en patience (…) Ce que je crains, c’est un AVC ou une complication cardiaque.

Partir vous faire soigner à l’étranger n’est-il pas un moyen de fuir la justice ?

Il suffit d’examiner mon dossier médical ! Un collège de médecins commis par le juge d’instruction a abouti aux mêmes conclusions que mon médecin traitant. Je n’ai aucun intérêt à fuir mon pays ou un procès. Fuir serait un aveu de culpabilité (…) En tant qu’homme politique, je préfère de loin m’expliquer au cours d’un procès public afin que l’opinion se rende compte que le dossier est vide et que ma détention est arbitraire et politique.

Avez-vous confiance en la justice de votre pays ?

Je suis un légaliste, mais dans le cas de la procédure en cours me concernant, j’ai de très sérieuses raisons de croire que le tribunal militaire de Ouagadougou n’est pas digne de confiance. (…) Cependant, malgré les décisions iniques et les violations flagrantes de mes droits fondamentaux, je ne m’écarterais pas du droit et des règles de procédure, jusqu’au bout. Le peuple se fera son opinion.

Vous semblez faire peur au pouvoir en place. Pourquoi ?

Je ne fais rien pour faire peur (Rires). Le pouvoir en place est mieux placé pour s’expliquer. Ceci dit, il semble évident que le pouvoir de la transition et le pouvoir en place ont tout mis en œuvre pour ne pas me voir prendre part aux compétitions électorales à travers l’adoption d’une loi d’exclusion et une détention manifestement politique. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a enjoint le gouvernement burkinabé de mettre fin immédiatement à ma détention, qu’il a jugée arbitraire. Mais le gouvernement s’obstine.

Vous êtes inculpé dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015 – dont le procès s’ouvrira le 27 février. La justice se base-t-elle uniquement sur les écoutes avec Guillaume Soro ?

S’il y avait autre chose, je suis persuadé que vous l’auriez su ! Nous aurons l’occasion de démontrer qu’il n’y a aucun élément constitutif d’infraction et que la cause réelle de cette cabale judiciaire, à travers la justice militaire, est politique.

Cette discussion avec M. Soro a-t-elle eu lieu ?

Soyez patiente, vous en saurez davantage lorsque j’aurai l’occasion de m’expliquer.

Quel rôle avez-vous joué lors de ce putsch manqué ? Certains vous désignent comme le cerveau des opérations…

Le cerveau, certainement pas (…) Ce que je peux dire, c’est qu’après le putsch je me suis impliqué dans la recherche d’une sortie de crise. J’ai eu de nombreux entretiens téléphoniques avec des personnalités, dont le président sénégalais Macky Sall, qui était le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao]. C’est d’ailleurs à la suite de cet entretien qu’il s’est rendu à Ouagadougou en compagnie du médiateur désigné, le président béninois Boni Yayi.

Depuis la « loi d’exclusion » votée en avril 2015, vous n’aviez plus la possibilité de vous présenter à la présidentielle qui devait avoir lieu en octobre suivant. Si le coup d’Etat avait réussi, n’en auriez-vous pas été l’un des principaux bénéficiaires ?

La médiation de la Cédéao aurait très probablement abouti à un accord politique pour l’organisation d’élections inclusives. Dans ces conditions, oui, j’aurais pu me présenter, sur la base d’un consensus politique. Mais je n’attendais pas un putsch pour pouvoir le faire !

Que saviez-vous des préparatifs du coup d’Etat et de l’implication de la présidence ivoirienne, comme le dit l’enquête du juge burkinabé ?

Je n’en sais strictement rien (…) Je n’ai joué aucun rôle, ni de conception, ni de préparation, ni d’exécution…

Comment envisagez-vous votre avenir ?

Pour l’instant, ma préoccupation est d’accéder à mes soins de santé et d’en finir avec cette cabale judiciaire. Je tiens évidemment à en sortir indemne. Après, on avisera.

Si c’était le cas, serez-vous candidat à l’élection de 2020 ?

2020 est encore loin. Mais il est évident que j’ai de l’énergie pour servir mon pays, ma sous-région, l’Afrique. Je trouverai les moyens de me rendre utile et de mettre mon expérience au service des jeunes générations.

Lemonde

 

 

 

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