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Burkina : Le CISC dénonce des exécutions sommaires et extra judiciaire des populations

Les enlèvements et exécutions sommaires et extra-judiciaires, tels sont les sorts que subissent certaines communautés et les personnes déplacées internes, selon le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC). Ce 27 mai 2022, le CISC appelle les autorités à arrêter ces exactions multiformes et à faire la justice pour toutes les victimes du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme.

                                                                                                                DECLARATION LIMINAIRE                                                                                                                               

Mesdames et messieurs les journalistes,

Nous vous souhaitons la bienvenue au Centre de Presse Norbert Zongo pour cette conférence de presse. Et c’est l’occasion pour nous d’exprimer nos sincères remerciements aux médias pour l’accompagnement et la couverture de nos activités.

La présente conférence de presse se tient dans un contexte particulièrement difficile marqué par la recrudescence des attaques terroristes, la persistance des exécutions sommaires et extra-judiciaires, les enlèvements et disparitions forcées, les déplacements massifs de populations civiles fuyant les exactions, des morts suspectes dans des brigades de gendarmerie mais aussi le flou entretenu dans le discours officiel sur le dialogue avec les Groupes armés terroristes.

Le CISC adresse ses vives félicitations aux  forces de défense et de sécurité pour leur résistance héroïque à Bourzanga, le 21 mai 2022. Le CISC s’incline sur la mémoire des vaillants soldats tombés en défendant la nation burkinabè et souhaite prompt rétablissement aux blessés. C’est également l’occasion pour le CISC de s’incliner sur la mémoire des victimes civiles dont le nombre ne cesse de gonfler.

Mesdames et messieurs les journalistes

L’avènement du coup d’Etat du 24 janvier 2022 avait suscité beaucoup d’espoirs chez la plupart des Burkinabè, compte tenu de l’incapacité et la médiocrité sans égale du régime précédent. Les premiers discours semblaient rassurants, notamment en ce qui concerne le respect des droits humains et la volonté de venir à bout du terrorisme en adoptant des stratégies  innovantes alliant actions militaires et dialogue communautaire. En témoigne le discours de prise de pouvoir du 24 janvier, je cite : « Le MPSR rassure les partenaires et amis du Burkina Faso quant à la ferme volonté de notre pays de continuer à respecter ses engagements internationaux notamment en matière de droits de l’homme… ». Mais, quatre mois après l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader au fil des jours et le quotidien des Burkinabè est plus que jamais catastrophique. Les attaques se poursuivent et même s’intensifient comme c’est le cas avec les récentes attaques :  Madjoari le 26 mai 2022 avec plus de 50 civils tués , Gorgadji le 22 mai 2022  avec plus de 60 morts.

Pire, des méthodes qui ont montré leurs limites depuis 2018 se poursuivent et ont repris de plus belle. Il s’agit des enlèvements et exécutions sommaires et extra-judiciaires de populations ayant souvent fui leurs villages à cause des exactions des groupes terroristes. En effet, ces enlèvements se font dans des marchés, à domicile, sur des axes routiers et même sur des sites de distributions de vivres aux Personnes Déplacées Internes (PDI). Ces civils enlevés et sans défense, donc ne représentant à priori aucun danger pour la vie de ceux qui les ont arrêtés sont pourtant systématiquement exécutés et jetés dans la brousse à la merci des charognards. Les cas les plus récents sont ceux de :

  • Fada : 18 mars 2022, 8 personnes enlevées (4 sur le site de distribution de vivres, 2 au marché de bétails, 2 à domicile dont un handicapé de 65 ans) et exécutés à 5 km de la ville ;
  • Djibo : au lendemain du fameux dialogue, le 21 avril 2022, 18 personnes civiles ont été tuées par des éléments présentés comme des VDP habillés en treillis militaire burkinabés. Tout cela avec la complicité du chef du détachement militaire de Djibo ;
  • Gorom-Gorom : 22 avril 2022, plus de 80 morts civils tués lors de l’opération militaire conduite par l’armée Burkinabè ;
  • Bomborokuy/province de la Kossi : 7 février 2022, jour du marché, arrestations sur fond de délit de faciès suivies d’exécution de 14 civils;
  • Depuis la semaine passée jusqu’à maintenant , le CISC reçoit avec insistace des cas d’exactions commises par des Dozos sur des populations civiles dans plusieurs localités comme Djibasso, Tièfora et à Banfora…

De janvier 2022 à nos jours, le CISC a documenté ou relevé plus de 500 morts et plus d’une centaine de cas d’enlèvements et de disparitions forcées (civils et militaires).  

La situation humanitaire également ne cesse de se détériorer. Si au 31 décembre 2021, le nombre de Personnes Déplacés Internes (PDI) était estimé à 1 579 576, aujourd’hui c’est de plus de 2 millions de Burkinabè qui ont fui leurs villages pour trouver refuge ailleurs. Pendant que la saison des pluies s’installe progressivement, ces PDI qui espéraient pouvoir retourner chez elles désespèrent au regard de la tournure actuelle de la situation sécuritaire. Pendant ce temps, la crise alimentaire et la vie chère s’intensifient.

Mesdames et messieurs les journalistes

C’est dans ce contexte difficile que le Président du Faso a donné rendez-vous au Burkinabè dans 5 mois pour un premier bilan, lors de son discours du 1er avril 2022. Aussi, il a appelé les Burkinabè qui ont pris des armes contre leur pays pour une raison ou pour une autre à se ressaisir et réintégrer la mère patrie. Il a ainsi annoncé la mise en place des Comités Locaux de Dialogue. Mais le discours officiel est assez flou. Car, tout en invitant les leaders communautaires à s’impliquer pleinement pour la réussite du dialogue, le gouvernement soutient qu’il ne négocie pas. Aussi, il soutient que l’initiative est venue des GAT. Comment rassurer avec un tel discours ambigü ?

Pourtant, si le processus est bien conduit avec la transparence et la volonté politique requise, la mise en pace des Comités Locaux de Dialogue pourrait permettre de réduire significativement la violence armée au Burkina Faso et ainsi offrir des opportunités de retour dans la république pour des jeunes abusivement enrôlés. Le CISC estime, pour sa part, que la principale condition de succès de ces comités de dialogue, c’est la sincérité et une volonté politique réelle. C’est dire qu’il doit y avoir de la cohérence entre le discours officiel et les actes. Cette cohérence doit s’observer aussi bien au niveau central qu’au niveau communautaire.

Mesdames et messieurs les journalistes

La situation des droits humains est plus que préoccupante. A Ouagadougou, rien qu’au cours de ce mois de mai 2022, deux Burkinabè interpelés ont trouvé la mort dans des locaux de gendarmerie dans des conditions très suspectes, sans aucune explication de la part des autorités à ce jour. Il s’agit du jeune Hamadoun Dicko dit Bouda mort le 14 Mai 2022 et le prince de l’Emirat de Barani, Hampathé Sidibé enlevé par des éléments du GARSI depuis le 06 mai 2022 et qui a trouvé la mort dans la nuit du 15 au 16 mai 2022 à la brigade de gendarmerie de Kossyam mais la famille n’a été informée que le 20 mai 2022.

Nos services de gendarmerie doivent être des lieux de sécurité et de non des lieux de tortures ou de mouroirs. On se rappelle encore de la mort du jeune enseignant Issouf Diallo en détention à la brigade de gendarmerie de Nongremassom (Bendogo) dans des conditions aussi suspectes, en mai 2020. Une mort qui n’a pas encore été élucidée à ce jour.

Pour sortir notre pays le Burkina Faso de sa situation peu enviable, le CISC interpelle le pouvoir actuel à :

  • Faire la lumière sur les dossiers de crimes de masse comme  yirgou, banh-kanin, Tawalbougou ; Barga et le Yagha….pour une cohésion sociale réussie
  • l’arrêt immédiat des exactions multiformes commises sur certaines communautés, souvent sur fond de délit de faciès : arrestations et détentions arbitraires, exécutions sommaires et extra- judiciaires, enlèvements et disparitions forcées, actes de torture, séquestration, etc. par les FDS, VDP, Koglwéogo, Dozo ;
  • la vérité et la justice pour toutes les victimes du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme.
  • que la lutte contre les discours haineux et la stigmatisation des communautés soit effectivement menée sans faux-fuyants. Cela permettrait d’assainir les rapports inter et intracommunautaires et favoriser à terme la cohésion sociale. Le message réaffirmant l’égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens du pays doit être réaffirmé ;
  • le recensement des intérêts économiques et commerciaux accumulés par certains éléments des FDS et VDP à l’occasion de cette crise (troupeaux, boutiques, maquis, tricycles, terrains, bâtiments à usage de location…) et vérification de leurs modes d’acquisition. Ces actifs économiques acquis en temps de guerre constituent une des causes de manque de volonté pour la cessation des hostilités. Ce recensement contribuera à réduire les motivations à poursuivre les exactions, donc les meurtres ciblés.

Mesdames et messieurs les journalistes

Le CISC tient à affirmer et réaffirmer que la cohésion sociale et la réconciliation nationale ne peuvent s’obtenir sans qu’il n’y ait au préalable la vérité. Repentir et pardon sont indissociables. C’est pourquoi, nous ne cesserons de réclamer vérité et justice pour toutes les victimes, civiles comme militaires.

Telle est la teneur de notre déclaration liminaire. Tout en vous réitérant nos remerciements pour votre engagement en faveur de la paix et de la cohésion sociale, nous nous tenons à votre disposition pour d’éventuelles questions. Je vous remercie.

LE BUREAU EXECUTIF

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