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Abbé Jacques Emilien Sidibé, à propos des quêtes lors des obsèques: « il faut éviter qu’un esprit de lucre ou une recherche de gain, s’installe »

Quelques semaines après la prise du décret de l’archevêque métropolitain de Ouagadougou pour orienter l’usage et la destination des quêtes lors des obsèques dans son ressort territorial, nous avons approché l’abbé Jacques Emilien Sidibé, Vicaire général chargé de la pastorale, pour en savoir davantage. Voici ce qu’il nous a confié.

 L’Archevêque de Ouagadougou a pris récemment, un décret pour réorganiser l’usage des quêtes lors des obsèques. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes de ce décret ?

 Pour permettre de mieux comprendre le décret, il faut le placer dans le sillage du cheminement ecclésial de l’Archidiocèse de Ouagadougou. Depuis les années 2000, notre Eglise Famille de Dieu, à la suite du synode diocésain, a initié une réflexion autour de plusieurs questions, parmi lesquelles la célébration du passage du chrétien, de la mort à la vie et des funérailles chrétiennes. En effet, on constate généralement que lors de ces moments délicats et difficiles, plusieurs chrétiens sont ballotés et tiraillés si bien qu’ils ne savent pas toujours comment vivre chrétiennement ces épreuves. A l’époque, des dispositions avaient été prises pour aider les défunts à vivre leur passage de ce monde vers l’au-delà, comme une Pâques. Par ailleurs, la célébration de souvenir des défunts est une occasion de proclamer la victoire du Christ sur la mort et les puissances de mort. La profession de foi de l’Eglise proclame la foi en la communion des Saints. Cet article de foi donne au chrétien d’affirmer qu’il y a une solidarité qui unit les Hommes au Christ et avec toute l’humanité. Il y a une union spirituelle de l’ensemble des fidèles, un lien de charité entre les hommes, qu’ils soient vivants ou morts, car ils sont reliés dans le Christ à travers l’espace et le temps. C’est dans ce sens qu’on comprend la prière de l’Eglise pour les vivants et pour les morts. Par ailleurs, la tradition de l’Eglise montre que les offrandes faites par les fidèles, aussi bien durant la messe qu’en dehors de la messe, servent au culte aux œuvres de l’Eglise, à aider les personnes nécessiteuses et à prendre soin des prêtres. Il faut avoir toutes ces données à l’esprit pour bien comprendre l’esprit et la lettre du décret.

Le décret qui vient de paraître est comme un ensemble de dispositions complémentaires pour encadrer les pratiques des fils et filles de la famille diocésaine dans leur rôle de solidarité et d’intercession en vue d’accompagner tous ceux qui entrent dans le mystère de la mort. Généralement, pendant les obsèques, on fait des quêtes aussi bien en famille lors des veillées qu’au cimetière et dans les chapelles ou les églises. Il y a aussi le soutien que les parents, amis et connaissances apportent comme aide ou appui qu’on appelle « argent de salutation ». C’est au regard de toutes ces diversités de pratiques que, d’une part, le décret précise que les quêtes faites lors des obsèques dans une chapelle ou une église, doivent être reversées dans les comptes de la paroisse sur laquelle est située la chapelle ou l’Eglise. Et il est clairement précisé que la paroisse doit célébrer trois messes pour le défunt. Et d’autre part, le décret fait comprendre que les quêtes faites lors des veillées à la maison et au cimetière doivent revenir à la famille du défunt. Mais le décret dit également que la famille est invitée à avoir une attention particulière pour ceux qui l’accompagnent dans l’organisation des obsèques.

L’Eglise a dû certainement constater des dérives dans l’utilisation des quêtes lors des obsèques. Qu’en est-il exactement ?

 Au sein des Communautés Chrétiennes de base (CCB), dans les quartiers, les villages et les paroisses d’un même diocèse comme l’Archidiocèse de Ouagadougou, il y a une multitude de pratiques autour des quêtes. Et dans cette diversité de pratiques, on a pu constater des abus, des dérives et des attitudes qui ne peuvent et ne doivent pas se justifier dans le contexte d’un deuil et surtout en Eglise. L’Eglise, par expérience, sait que l’Homme et les communautés chrétiennes ont besoin de repères clairs pour éviter les dérapages, les frustrations et les incompréhensions. C’est dans ce sens que le décret vise à créer les conditions pour éviter les dérives et fixer les balises pour permettre à chacun de vivre dans la sérénité ces moments d’épreuves.

Ces dernières années, on a pu constater que dans plusieurs communautés chrétiennes, il se pose des problèmes autour des quêtes. Et certaines situations frisent l’indécence. Autour de choses religieuses, il faut éviter qu’un esprit de lucre ou une recherche de gain, s’installe. On a appelé « simonie » le fait d’acheter ou de vendre des choses spirituelles, des sacrements et des postes. La simonie est un terme qui vient du livre des Actes des Apôtres. Un homme nommé Simon le Magicien a voulu acheter le pouvoir de faire des miracles auprès de Saint Pierre (Ac 8, 9-21). La réponse de Saint Pierre a été sans appel : « Périsse ton argent, et toi avec, puisque tu as estimé pouvoir acheter le don de Dieu à prix d’argent » (Ac 8, 21). L’esprit du décret promulgué par l’Archevêque, veut aider à éviter la tentation de monnayer les services, de tomber dans le commerce des choses sacrées.

Ce décret concerne l’Archidiocèse de Ouagadougou, mais peut-on dire qu’il s’étendra à d’autres diocèses ?

 Le décret ne concerne que l’Archidiocèse de Ouagadougou. Il n’a pas la prétention de règlementer la pratique dans les autres diocèses. Ces dispositions sont comme le point d’arrivée d’une réflexion qui prend en compte les réalités propres de notre Archidiocèse de Ouagadougou. La réflexion autour de la question, s’est aussi étalée dans le temps et c’est parce que les problèmes étaient récurrents que nous avons été obligés d’acter la mise en application des dispositions. Il faut garder à l’esprit, la particularité de notre territoire qui est un carrefour et par conséquent, il est aussi le lieu où on importe des pratiques d’ailleurs qui peuvent aider la communion ou qui peuvent créer des frictions. Ainsi, le décret concerne l’Archidiocèse de Ouagadougou, mais comme vous le savez, notre expérience peut faire école puisque d’une certaine manière, les problèmes que nous voulons juguler, se rencontrent peu ou prou dans les autres diocèses.

 Dans un mois, l’Eglise va organiser les funérailles chrétiennes. Quel message avez-vous à lancer ?

Il y a un message réconfortant et consolant de pouvoir nous souvenir de ceux avec qui nous avons construit tant de belles choses et qui sont maintenant partis. Si Dieu est devenu l’un de nous, ce n’est pas pour surplomber notre situation humaine, c’est pour l’assumer, la vivre même dans la mort. En passant le seuil de la mort, nous passons avec le Christ qui nous introduit dans la nouvelle vie, la vie éternelle. Notre certitude de foi en la victoire du Christ, ne supprime pas l’obscurité de la mort, mais elle est une lumière qui éclaire et réconforte.

Ces célébrations nous permettent d’approfondir notre foi dans le mystère de la résurrection et de prendre au sérieux notre vie dès maintenant. Car, le présent nous prépare à l’éternité. Nous sommes des pèlerins sur cette terre et nous avons une mission de transformation de ce monde pour qu’il soit digne de Dieu. Il me plaît de rappeler l’histoire d’un adolescent italien, Carlo Acutis, un génie de l’informatique qui est décédé, le 12 octobre 2006, d’une leucémie foudroyante à l’âge de 15 ans. Il a été béatifié par le Pape François le 10 octobre 2020 et canonisé le 7 septembre 2025 par le Pape Léon XIV. Il aimait affirmer que « tous naissent comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies ». Autrement dit, chacun de nous a une mission spéciale sur terre et nous devons l’assumer, sinon nous aurions perdu du temps en vivant d’une manière qui ne soit pas à la hauteur de notre vocation humaine et chrétienne. Nous devons assumer notre vocation de vivre de manière originale et non comme des photocopies en suivant la masse.

Comment les familles doivent-elles préparer les funérailles chrétiennes ?

 La chose essentielle et indispensable pour ceux qui sont partis sur l’autre rive, qui ont traversé la mort, c’est notre prière d’intercession et de supplication. Il convient donc d’insister sur l’importance de la dimension spirituelle qui correspond aux vrais besoins de nos défunts. Il arrive souvent que les préoccupations matérielles prennent le dessus sur cette dimension spirituelle. On constate que des personnes vont jusqu’à s’endetter en vue des célébrations chrétiennes de funérailles tandis que d’autres, parce qu’elles disposent de grands moyens, en font des occasions de démonstrations de puissance économique. C’est le signe que nous n’avons pas compris le cœur de notre foi et la priorité que nous indique l’Eglise. La foi chrétienne a certes une dimension sociale. Mais cette dimension sociale ne peut constituer une contrainte qui nous pousse à devoir nous endetter pour une telle célébration. On peut et on doit faire les choses avec sobriété, simplicité et foi. D’ailleurs, les dispositions pastorales antérieures de notre Eglise Famille, visaient principalement à alléger les célébrations et à faire toute chose avec mesure et pondération.

 Propos recueillis par Kiswendsida Fidèle KONSIAMBO

 

 

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