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PROCES DU PUTSCH MANQUE : L’heure de vérité a sonné

Aujourd’hui, 27 février 2018, s’ouvre à Ouagadougou, le procès du putsch manqué de septembre 2015 dont le présumé responsable en chef n’est personne d’autre que l’homme mince de Yako, c’est-à-dire le Général Gilbert Diendéré. En rappel, à la tête d’un mouvement porté par les soldats de l’ex-RSP (Régiment de  sécurité présidentielle), l’ex- sécurocrate de l’ancien régime a mis fin au pouvoir de la Transition et a proclamé l’avènement du CND (Conseil national de la démocratie). Dans la foulée,  plusieurs Burkinabè ont perdu la vie. Les plus heureux, si l’on peut le dire ainsi, s’en sont tirés avec un handicap à vie. A l’époque, le Général Diendéré avait revendiqué et assumé le pronunciamiento que bien des gens, à raison, avaient qualifié de putsch le « plus bête » au monde, tant il était inopportun et insensé. Mis aux arrêts après sa reddition, le Général Diendéré est invité enfin à faire connaître sa part de vérité à propos de ce triste événement. En plus de ce dernier, 83 autres personnes se soumettront au même exercice. Ce procès mérite qu’on lui accorde une attention particulière, pour les considérations suivantes. Premièrement, c’est un  méga-procès. Jamais, dans l’histoire politique de notre pays, un procès d’une telle envergure n’a encore été enregistré. Ce sont, en effet, 84 personnes, militaires et civils y compris, qui sont soupçonnées d’avoir trempé dans le putsch. Ce procès est également gigantesque, au regard du nombre impressionnant d’avocats et de témoins qui y sont mobilisés et cités. En ce qui concerne ces derniers, c’est-à-dire les témoins, ce n’est pas seulement leur nombre qui est hors norme ; il y a aussi leurs statuts et leurs qualités. L’on y trouve, en effet, de grandes personnalités du monde militaire, diplomatique et politique. Ce que l’on peut retenir en troisième lieu de ce procès, est lié au fait qu’il se tient de manière publique et que les présumés auteurs et complices sont assistés par des avocats. Cet aspect vaut son pesant d’or.

Diendéré peut  se réjouir de ne pas connaître  le sort qui avait été réservé au commandant Lingani et au Capitaine Zongo

Il est particulièrement la preuve que le Burkinabè est en train de tourner la page des procès expéditifs et dignes des Etats d’exception. En effet, des putschs supposés ou réels, le Burkina en a connu à profusion. Mais des putschs manqués qui ont donné lieu à un procès juste et équilibré, sauf oubli ou omission de notre part, l’ont peut dire que le Burkina n’en a point connu. Celui d’aujourd’hui est le premier. Sous Lamizana, des proches de Maurice Yaméogo, accusés d’avoir tenté un coup d’Etat, avaient été jugés à la sauvette et jetés en prison. Sous le capitaine Thomas Sankara, des Burkinabè accusés du même crime, après un simulacre de procès dans l’enceinte du camp Guillaume Ouédraogo, ont été fusillés au grand désarroi de leurs proches. Mais la palme d’or des exécutions sommaires liées à des putsch supposés ou réels, revient au régime de l’Enfant terrible de Ziniaré, Blaise Compaoré. Et celui qui était à la manœuvre, ironie de l’histoire, est le Général Diendéré. Il peut donc  se réjouir de ne pas connaître  le sort qui avait été réservé au commandant Lingani et au Capitaine Zongo. La tenue même de ce procès, sous ce format, est une avancée de notre démocratie. Et celui qui doit être le premier à le reconnaître est le Général Diendéré lui-même. Il reste à souhaiter que toutes les zones d’ombres qui l’entourent, soient élucidées. C’est en cela que l’on peut dire que l’heure de vérité a sonné. L’on peut également affirmer que la Justice burkinabè joue aussi sa crédibilité. Et au-delà de cette institution, c’est tout l’édifice démocratique que nous sommes en train de construire, qui sera évalué. C’est pourquoi, toutes les passions, tous les ressentiments, les a priori, les tirades guerrières, les envolées lyriques et autres courtes analyses à caractère politicien et subjectif, doivent maintenant céder la place au droit, sans pour autant oublier que du fait de ce putsch, des vies innocentes ont été fauchées. Aujourd’hui encore, des Burkinabè portent dans leur âme et dans leur corps, des blessures qui y sont liées. Autant les présumés auteurs de ce putsch ont droit à un procès digne de ce nom, autant les victimes ont droit qu’on leur rende justice. C’est, en tout cas, à ce prix que les grandes nations soldent leurs comptes avec l’histoire. C’est à ce prix aussi que l’on peut poser les bases d’une réconciliation vraie. C’est à ce prix enfin que l’on peut arrimer notre cher pays à la démocratie, la vraie et in fine au développement.

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