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LUTTE CONTRE EBOLA EN AFRIQUE : « Nous devons faire mieux »

Dans le texte ci-dessous, la plateforme communautaire Afrique de l’Ouest et du Centre pour l’accès au traitement antirétroviral et autres médicaments essentiels a déploré le fait que les pays africains ne disposent pas de systèmes de santé solides. Aussi, selon elle, des dispositions pour la lutte contre Ebola n’ont pas été prises à temps. Il a fallu que deux médecins occidentaux soient infectés par le virus avant que les uns et les autres accélèrent les recherches. Lisez donc !

Alors que le virus Ebola est apparu depuis 1976, très peu d’évolution a été constatée dans la recherche d’un médicament ou d’un vaccin contre ce virus. Les raisons pourraient être simples parce qu’il ne touchait que des régions pauvres d’Afrique et que les épidémies qu’il causait étaient toujours de faible ampleur. Le monde a bien cru que l’épidémie qui a apparu en Guinée en mars 2014 répondait aux mêmes caractéristiques. Il a fallu que deux médecins occidentaux soient infectés par le virus, que l’épidémie démontre qu’elle peut toucher tout le continent africain et même d’autres continents outre-mer, afin que le monde découvre qu’un médicament est possible contre Ebola. Le monde a ainsi les moyens de sauver les nombreuses vies et les économies africaines menacées par cette crise d’Ebola.

Selon le bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en date du 5 septembre 2014, près de 4 000 personnes ont déjà été infectées, dont 2 400 sont mortes dans les trois pays les plus touchés (Guinée, Sierra Leone et Liberia). Des décès ont été aussi recensés au Nigeria, la première puissance économique du continent, et une infection a été confirmée au Sénégal.

Selon toujours l’OMS, l’épidémie à virus Ebola risque de continuer sa flambée. Le virus pourrait toucher plus de 20 000 personnes dans les six (6) ou huit (8) mois à venir. La première raison de la propagation effrénée du virus Ebola en Afrique réside dans la faiblesse des systèmes de santé, minés par le sous-financement et la mauvaise gouvernance. Les systèmes de santé ont subi, depuis les années 1990, le choc des Plans d’ajustement structurels (PAS) imposés par les agendas libéraux des « bailleurs de fonds » tels que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ces PAS, sous le prétexte de maîtriser les dépenses publiques, ont démantelé les services publics des pays concernés.

Malgré les déclarations politiques sur l’implication des communautés dans la gestion des programmes de santé, très peu de pays africains ont réussi à construire des systèmes communautaires de santé structurés et formels. Cette situation se traduit par la faible influence des systèmes de santé sur le comportement des communautés, qui ne font pas confiance à ces systèmes et ne se reconnaissent pas dans les directives qu’ils émettent. L’expérience de l’engagement de la société civile dans la lutte contre le VIH/Sida montre pourtant que, quand les communautés sont responsabilisées, elles peuvent faire reculer les pires épidémies au monde.

En outre, la verticalité des programmes de lutte contre des pathologies dites prioritaires, sous la houlette du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose depuis 2001, n’a pas non plus favorisé la reconstitution des systèmes de santé. Il est regrettable de constater que la forte mobilisation sociale et les ressources engagées dans la lutte contre ces pathologies n’ont pas été exploitées pour construire des systèmes de santé solides. Ainsi, par exemple, la production des médicaments en Afrique, qui aurait pu profiter de la mobilisation autour de la production locale d’antirétroviraux, prônée par l’ONUSida, l’Organisation ouest africaine de la santé (OOAS) et la société civile est restée à un état embryonnaire. L’Afrique va devoir, une fois de plus, compter sur d’autres continents pour la recherche et la production d’un vaccin ou d’un médicament, contre un fléau dont elle est, pour le moment, la principale victime.

Le virus Ebola a révélé que nos avancées et nos acquis en matière de renforcement des systèmes de santé et communautaires étaient très faibles et que nos pays restaient très vulnérables. Ebola le démontre aisément en frappant particulièrement les agents de santé, affaiblissant davantage les systèmes de santé. Selon l’OMS, une personne sur dix infectée est un agent de santé, dont un sur deux meurt. Ainsi, entre le 26 mars et le 26 août 2014, 240 agents de santé ont été infectés dans les trois (3) pays les plus touchés, dont 120 sont morts.

Malgré la gravité de la situation, les ripostes contre le fléau restent cependant en deçà des enjeux de la situation. La présidente de Médecins Sans Frontières (MSF), dans un discours prononcé aux Nations unies au cours du mois de septembre, fait le constat que le monde est en train de « perdre la bataille » contre Ebola. Selon elle, « En six mois de la pire épidémie d’Ebola de l’Histoire, le monde est en train de perdre la bataille pour la contenir. Les dirigeants n’arrivent pas à bloquer cette menace transnationale ». Auparavant, Pr Peter PlOT, codécouvreur du virus Ebola, dans une interview publiée par Libération le 26 août 2014 avait également regretté « la lenteur extraordinaire » des institutions. « L’OMS ne s’est réveillée qu’en juillet » alors que l’alerte avait été lancée dès le début du mois de mars et que l’épidémie avait débuté en

décembre 2013. Le Conseil exécutif de l’Union africaine, qui ne s’est réuni que le 8 septembre 2014, n’a pu prendre aucune décision opérationnelle en faveur de la prévention et du traitement contre le virus ; se contentant uniquement d’une déclaration politique contre la fermeture des frontières.

Nous saluons bien l’engagement d’ONG internationales telles que MSF, qui ne cesse de sonner l’alarme sur les limites de leurs moyens à prendre en charge les personnes infectées dans les pays ; la décision de l’Union Européenne de débloquer 140 millions d’euros pour les pays touchés par le virus ; l’envoi par le président Obama de 3 000 militaires dans les zones touchées ; la mise à disposition par Cuba de 165 médecins pour aider à la prise en charge des personnes infectées ; la mobilisation de la communauté scientifique faite par l’OMS pour accélérer la recherche d’un vaccin et un traitement curatif contre le virus ; la récente résolution prise par le Conseil de sécurité de l’ONU qui décrète l’épidémie à virus Ebola « menace pour la paix et la sécurité internationales. »

Toutefois, nous nous montrons solidaires au coordinateur de l’ONU pour Ebola, Dr David Nabarro, qui a déploré une réaction internationale encore trop faible, estimant que, pour gagner du terrain sur le virus, la mobilisation internationale devrait être « 20 fois plus forte qu’en ce moment ».

Dans ce sens, nous, acteurs de la société civile africaine, demandons :

– La convocation urgente d’un sommet des Chefs d’Etat de l’Union africaine pour l’adoption d’un plan d’urgence africain contre l’épidémie d’Ebola ;

– L’adoption et la mise en œuvre au niveau continental et national de plans stratégiques de renforcement des systèmes de santé, prenant en compte la structuration et la formalisation des systèmes communautaires de santé ;

– L’accélération de la recherche de vaccins et de médicaments contre le virus Ebola, tout en veillant au respect des droits des populations ;

– La mise en place de mécanismes urgents pour assurer une continuité des autres programmes de santé, notamment le suivi des personnes vivant avec le VIH sous traitement dans les zones touchées par Ebola.

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