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JEAN-HUBERT BAZIE : « Le terrorisme … prospère dans les territoires en faillite»

 Dans cette tribune, Dr Jean-Hubert Bazié qu’on ne présente plus, estime que « le terrorisme auquel nous sommes en train de faire face, prospère dans les territoires en faillite, là où brille l’injustice, là où règnent la misère, la corruption, l’incompétence, le favoritisme, la gabegie, etc. Lisez !

 

« Le procès du putsch manqué du 16 septembre 2015 n’est pas encore terminé, mais nous pensons qu’il nous livre déjà quelques enseignements intéressants.

Il est dommage que son format médiatique soit réduit à une délégation. Ce sont les journalistes qui ont la charge de rendre compte de ce qui se passe au procès, avec tout ce que cela peut comporter d’imperfections. Le direct aurait été du point de vue pédagogique, une opportunité formidable pour le peuple qui a souffert en premier des errements en cause.

Il serait injuste de faire le procès de toute une Armée, de toute Notre Armée,  à partir de celui du Régiment de sécurité présidentiel (RSP), même si cette institution avait fini par être une armée dans l’Armée, concentrant, pour les besoins de la cause, une puissance opérationnelle inégalité par rapport aux capacités des autres unités prises individuellement. Malgré tout, le procès est instructif pour plusieurs raisons. Il révèle la nécessité d’une Armée cohérente, articulée dans ses différentes composantes et en synergie. Une Armée disciplinée, réconciliée avec elle-même et avec son peuple. Une Armée actée par la compétence et non l’allégeance à une cause confuse et diffuse déterminée par un clan qui se servirait du pouvoir militaire à des fins partisanes. Une Armée formée aux valeurs républicaines, professionnellement compétente, apte à défendre le territoire national. Une compétence dont tout tenant du Pouvoir ne doit pas se servir pour réprimer des manifestants usant de leur droit à l’expression démocratique. Cela suppose donc que l’on ne doit pas constitutionaliser l’injustice et la privation de liberté, comme ce fut le cas de l’Apartheid et du racisme hier en Afrique du Sud et sous d’autres cieux, et le reste toujours et sous des formes plus ou moins subtiles, sur tous les continents !

Il faut à notre Armée, un équipement digne de ce nom, lui permettant de faire face aux défis actuels : on ne peut pas demander à un soldat, quel que soit son courage, quel que soit son dévouement, de donner plus que ce qu’il peut donner en lui confiant des missions impossibles ! Un soldat ne peut être moralement motivé quant son unité n’a même pas de moyen de déplacement adéquat, d’armement adéquat, pendant qu’il voit que l’on dépense près de 100 millions pour chaque ministre pour parader en ville en V8 et en Renault Talisman ! L’exemple doit venir d’en haut !

La faillite du pouvoir a conduit à la naissance de sous-armées potentiellement manipulables, et nous avons vu ce qu’il en a été ailleurs et pas si loin de nos frontières !

Ce divorce entre les objectifs de l’Armée et la cause du peuple entraine aussi un divorce entre l’armée et le peuple. De fait, la première des Armées, celle qui est invincible, c’est le peuple, en Armes ou pas. Hors-mis les cas de génocide (et là, c’est une autre histoire !), nul, dans l’Histoire du monde,  n’est jamais venu à bout et de manière définitive, d’un peuple convaincu et déterminé. Le terrorisme auquel nous sommes en train de faire face, prospère dans les territoires en faillite, là où brille l’injustice, là où règnent la misère, la corruption, l’incompétence, le favoritisme, la gabegie, etc.

Quand un peuple est uni sur la base de la justice, il peut extirper de son sein tout intrus qui menacerait son intégrité physique, morale et territoriale. La justice, ce n’est pas uniquement la sanction d’une faute ! C’est aussi et surtout, l’égalité des citoyens devant la loi, l’égalité des chances, le partage équitable des ressources de notre pays, etc. Un estomac égale un estomac. Dieu n’a pas créé deux types d’estomacs humains : l’un qui serait apte à accueillir perpétuellement du champagne et du caviar et un autre, une sorte d’ « estomac-poubelle » bon uniquement pour recevoir continuellement des ordures, du « garba », du « qui ma pousse » ou du « baag beinda ».

Nous comprendrons que la première des valeurs qui soit digne d’être défendue dans une société, soit la vérité !

Ce procès, s’il permet à la vérité de jaillir et si tout le monde comprend la nature des erreurs, si non, des fautes, si le peuple arrive à situer les responsabilités, s’il en tire les leçons, avec mesure, sans haine ni esprit de revanche, nous pourrions accomplir un bon qualitatif dans la gestion de notre pays, à tous les niveaux, parce que la philosophie du bien commun se serait imposée à tous ! Et c’est là qu’apparaît la dimension collective du pardon et de la réconciliation : une victime peut accepter de pardonner, mais la collectivité, la société peut, au nom du caractère sacré de la cause, à travers ses institutions ad ‘hoc chargées de faire observer des règles applicables à tous, refuser d’accorder le pardon « gratuitement ». La réconciliation n’est pas synonyme d’ l’impunité !

L’Armée ne doit pas être un corps étranger à la société dont elle est l’émanation.

Si nous nous accordons sur le principe de la vérité qui éclaire notre intelligence et notre raison et nous permet de vivre les valeurs que nous aurions librement accepté de partager, de sacraliser et de défendre, la réconciliation s’imposera d’elle-même et nous aurions gagné la paix (celle des cœurs et des esprits) qui est indispensable au progrès de notre pays.

Par-delà la compétition pour assumer le leadership national, au-delà du débat politique, un haut responsable devrait être habité d’une haute humanité. Il devrait être le Plus grand commun rassembleur (PGCR) et non le Plus grand commun diviseur (PGCD).

L’accélération de la réconciliation nationale dépendra donc de la transformation qualitative de l’esprit de nos dirigeants. Si leur préoccupation première est de se maintenir au pouvoir, coûte que coûte, en faisant n’importe quoi, en instrumentalisant la Justice, en adaptant les lois aux intérêts partisans du moment (par exemple, en faisant voter un Code électoral non consensuel, par une majorité de circonstance), notre pays ne serait pas encore sorti de l’auberge.

Le personnel dirigeant actuel est d’un certain âge et même d’un âge certain. Il a assumé de très hautes responsabilités sous Blaise Compaoré. Si l’on ne peut exiger de lui, un changement radical, au moins peut-on attendre de lui qu’il corrige les dérives et les inconséquences d’un régime dont ils ont été parmi les plus grands bénéficiaires et dont les représentants actuels, par la voix du Président de leur parti, ont reconnu eux-mêmes les limites à travers un mea-culpa public !

Aujourd’hui, certains ont choisi de cultiver et de déchaîner les passions aveugles afin, manifestement, de pouvoir pêcher en eau trouble  Et cela, à l’heure où, plus que jamais, l’heure devrait être à la lucidité. Etre responsable, c’est aussi, prendre de la hauteur, accepter que l’on n’est pas Dieu, parce que, dit-on, Dieu seul est infaillible, seul Dieu ne meurt pas !

Il faut accepter que l’on peut se tromper, que nécessairement, on se trompe. Il faut être modeste, s’attacher à faire mieux pour s’inscrire en beauté dans l’histoire de notre pays, parce qu’on aura été utile à son peuple et non à son clan.

Il faut revenir aux fondamentaux de notre Faso, à ce qui consolide notre vivre ensemble, en reconnaissant notre part de responsabilité dans l’état de déliquescence dans lequel se trouve de larges compartiments de la vie de notre pays qui est plus que jamais à la croisée des chemins !

Il ne faut plus que, parce qu’on aurait une tenue militaire et un fusil, on puisse croire que cela est suffisant pour être Président du Faso.

Il ne faut plus que, parce qu’on aura été élu pour cinq ans, on se croit autorisé à faire la pluie et le beau temps au Faso, rejetant la critique, allant jusqu’à traiter de fascistes, de putschistes si non de terroristes, ceux qui mettent le doigt sur les insuffisances et les trahisons !

Chaque soldat (civil en uniforme), chaque civil (soldat en permission), doit avoir à l’esprit, le devoir d’une conduite citoyenne exemplaire, démocratique et républicaine.

Nos enfants, en voyant notre drapeau flotter dans les compétitions internationales, notamment de football, s’écrient avec fierté : BURKINA FASO ! Peut-on parier qu’ils auront la même réaction de fierté, en voyant nos militaires, après avoir suivi ce procès si peu glorieux pour l’image d’une institution qui devrait être au-dessus de tout soupçon quant à son engagement pour la cause du peuple qui devrait être la cause des causes ?!

Il n’y a pas que la guerre – purement militaire – qu’il faudrait gagner par les armes ! Il y a aussi la guerre contre l’injustice, la pauvreté, la misère morale, spirituelle et matérielle. Et souvent, on ne gagne pas l’une sans les autres. Et seuls les grands hommes en ont conscience et choisissent de se sacrifier pour elles ! »

Dr Jean-Hubert Bazié

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